Le sixième comité de pilotage des « états généraux du travail social » s’est tenu le 27 novembre en présence de l’Assemblée des départements de France (ADF), qui reprend la coprésidence politique de la démarche, aux côtés de l’Etat et de l’Association des régions de France (ARF). L’abandon, par le gouvernement, du projet de supprimer les conseils généraux explique ce retour, de même que la méthode retenue pour la poursuite des « états généraux ». Ségolène Neuville, la secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, a en effet annoncé l’ouverture d’une période de concertation et de négociation après la remise des rapports des cinq groupes de travail(1), qui doivent être finalisés d’ici à la fin décembre et être officiellement présentés en janvier devant le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale et le Conseil supérieur du travail social.
Cette phase de discussion, sur tout ce qui touche à l’organisation des services, aux formations et aux métiers, devrait associer les parlementaires et lespartenaires sociaux et se dérouler jusqu’à la clôture de la démarche, à la fin du premier semestre 2015. De quoi rassurer les départements, qui craignaient de se voir présenter la facture une fois les décisions prises. « Après la remise des cinq rapports, il y aura une forme de conférence des financeurs entre l’Etat, l’ADF et l’ARF sur le cadrage politique et financier des discussions », précise Jean-Pierre Hardy, directeur délégué aux solidarités et au développement social de l’ADF. Pour Diane Bossière, directrice générale de l’Union nationale des associations de formation et de recherche en intervention sociale (Unaforis), l’annonce de négociations est un signal positif pour la démarche : celles-ci « sont de nature à assurer une suite concrète aux propositions » faites dans le cadre des groupes de travail, approuve-t-elle, tout en estimant que la démarche des « états généraux » ne « doit pas être réduite aux aspects de statut et de lien entre métier et formation » puisqu’elle a fait émerger « des propositions de fond, qui, si elles étaient réellement reprises, permettraient de véritables évolutions du travail social et de l’intervention sociale », notamment en matière de participation des usagers, de développement social ou de coordination des acteurs.
Tandis que les travaux avancent, le rapport « métiers et complémentarités », qui propose une nouvelle architecture des diplômes (socle commun par niveau de diplôme, regroupements par spécialité en deux familles professionnelles et parcours optionnels[2]) est de fait celui qui cristallise le plus de craintes. Le « point d’étape » présenté au comité de pilotage distingue ce qui fait consensus – l’identification de ce qui fait la culture professionnelle et d’un socle commun de compétences –, ce qui reste à approfondir – comme l’équilibre entre spécialités et parcours optionnels –, et ce qui sera soumis à la négociation – soit la nouvelle architecture et ses conséquences en termes de structuration des emplois et de statut. Le rapport doit être présenté pour avis en séance plénière de la commission professionnelle consultative du travail social et de l’intervention sociale le 15 décembre.
En tout état de cause, la communication fait défaut avec le terrain : c’est à l’occasion de cette séance d’approbation que plusieurs organisations appellent à une manifestation « unitaire et nationale » le 12 décembre devant le ministère des Affaires sociales, rejoignant une mobilisation lancée par le collectif étudiant Solidarité travailleurs sociaux de Lille. La refonte préconisée « n’a pas été soumise à un débat public » et les « états généraux » sont « organisés de façon descendante comme moyen de [la] faire valider par l’ensemble du secteur », contestent dans leur appel commun le collectif Avenir éducs, l’Association pour la formation au métier d’éducateur de jeunes enfants, l’Association nationale des assistants de service social, l’Organisation nationale des éducateurs spécialisés, la Fédération nationale des éducateurs de jeunes enfants, ou encore le Collectif des 39, plusieurs collectifs étudiants et fédérations syndicales, comme SUD Santé-sociaux et la CGT Services publics. Des appels à la grève et, en régions, des rassemblements et fermetures d’établissements de formation devraient avoir lieu le même jour. Les signataires estiment que le scénario proposé « s’ancre dans une logique de rationalisation financière » au nom « des nécessités de la quantification de l’action qui nient la réalité psychique et sociale du sujet, en exigeant des contraintes de performance des professionnels ». Ils s’opposent à la suppression des « logiques de métiers au profit des compétences individuelles uniquement », qui validerait « la domination de l’expertise sur la relation compréhensive de l’autre ». Autre sujet d’inquiétude : la conception de l’alternance intégrative. « La transformation des stages sur site inscrits dans la durée en alternance dite “intégrative” de durée moindre et hors champ, voire hors terrain, est proposée comme une solution à un problème qui a été construit de toutes pièces », critiquent les organisations, qui attendent également une solution pour le financement de la gratification des stages.
(1) Sur la place des usagers, les métiers et complémentarités, la coordination des acteurs, la formation initiale et continue, le développement social et le travail social collectif.