« Un plan d’action va maintenant être défini » pour améliorer la gouvernance de la protection de l’enfance, assure le ministère de la Justice après l’examen, le 27 novembre à la chancellerie, par une trentaine de représentants des acteurs impliqués (Etat, départements, secteur associatif, institutions), du rapport de la mission d’évaluation confiée en octobre 2013 aux inspections générales des services judiciaires (IGSJ) et des affaires sociales (IGAS). Un rapport remis en juillet dernier et qui tarde à être publié mais que les ASH se sont procuré(1). La mission y formule 32 « recommandations visant à améliorer l’efficience et l’efficacité de la protection de l’enfance et non directement une réduction des dépenses ».
Au terme de plusieurs mois de travaux au cours desquels ils ont interrogé près de 400 personnes – professionnels et usagers –, consulté les départements et les tribunaux de grande instance, les rapporteurs observent que « la loi [du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance] est aujourd’hui bien acceptée et globalement appliquée sur l’ensemble du territoire national ». Pour autant, certains des effets attendus de ce texte, comme le développement de la protection administrative et du projet pour l’enfant mais aussi des observatoires départementaux de la protection de l’enfance (ODPE) « tardent à se concrétiser », selon les quatre inspecteurs, parmi lesquels figurent Pierre Naves et Frédérique Simon-Delavelle pour l’IGAS.
Toutefois, « dans un contexte où les contraintes budgétaires sont fortes, la mission n’a pas constaté que les départements se désengageaient de la politique de la protection de l’enfance ». Le montant total des dépenses brutes d’aide sociale à l’enfance (ASE) en France métropolitaine s’élevait, en 2012, à 7,1 milliards d’euros (+ 11 % depuis 2008 en euros constants), pour environ 285 000 mineurs concernés, selon les chiffres publiés récemment par l’Observatoire national de l’enfance en danger (ONED) (voir ce numéro, page 6).
Le rapport propose donc d’apporter des adaptations à « ce dispositif qui fait consensus mais qui, à son sens, doit encore progresser vers l’objectif fondamental de protéger tous les enfants qui doivent l’être et de soutenir les parents ». Toutes ses recommandations font l’objet de fiches-actions qui en précisent les modalités de mise en œuvre et les partenaires impliqués, et avancent des éléments de calendrier pour leur réalisation.
Pour sa part, la garde des Sceaux se félicite de voir que les préconisations relatives à la justice des mineurs rejoignent les priorités « de la protection judiciaire de la jeunesse [PJJ], telles que définies par la note d’orientation du 30 septembre 2014 »(2). C’est le cas pour ce qui est de renforcer la coordination entre les services du ministère de la Justice (PJJ, magistrats), de développer la recherche sur la prévalence de la maltraitance ou de mieux prendre en compte les besoins des jeunes majeurs de 18 à 25 ans. C’est aussi le cas pour les propositions visant à recenser les schémas départementaux de la protection de l’enfance, sous la responsabilité de l’ONED, à clarifier les rôles et missions de chacun des acteurs et à favoriser la mise en place de réunions tripartites (autorité judiciaire, direction territoriale de la PJJ, département), ou encore à développer les groupes de parole de parents et/ou d’enfants. Sans oublier l’accès des usagers à leur dossier administratif et le soutien à apporter au déploiement du projet pour l’enfant.
Les questions soulevées par ce rapport IGAS-IGSJ avaient d’ores et déjà été abordées en octobre dernier, à l’occasion d’une journée de bilan de la réforme de la protection de l’enfance organisée par le Club ASE du réseau IDEAL connaissances. Lui aussi avait dressé le constat d’un pilotage insuffisant de cette « politique publique complexe »(3), qui, décentralisée, présente en outre un périmètre d’intervention très large et se situe au carrefour de plusieurs autres politiques publiques.
Les quatre coauteurs préconisent donc la création d’une instance nationale de pilotage, dont la première réunion pourrait avoir lieu dans un an, à l’occasion de la journée internationale des droits de l’enfant du 20 novembre, avant la tenue d’une conférence nationale sur le sujet en 2016. Ils suggèrent également d’abonder le fonds national de financement de la protection de l’enfance pour soutenir les ODPE et de renouveler les pratiques professionnelles et institutionnelles, par exemple en déterminant les bonnes pratiques de transmission et d’orientation des informations préoccupantes et des signalements. Les inspecteurs évoquent enfin plusieurs actions à même de renouveler « le cadre d’intervention de l’ASE en relation avec ses bénéficiaires » pour donner « toute sa place et son sens à la protection administrative ».
A noter : ce rapport doit être assorti d’une note séparée qui présente des scénarios d’évolution « dans l’hypothèse d’une suppression des conseils départementaux », mais que nous n’avons pas pu consulter.
(1) Mission d’évaluation de la gouvernance de la protection de l’enfance (diagnostic, recommandations et propositions de plan d’action) – P. Brusson, B. Descoubes, P. Naves, F. Simon-Delavelle – Tome I – Juillet 2014.