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Traitement des affaires de violences conjugales : les instructions de la chancellerie

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A l’occasion de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, la garde des Sceaux a, le 25 novembre, diffusé aux juridictions une circulaire de politique générale en matière de lutte contre les violences au sein du couple et relative au « téléphone grand danger ».

Prévenir les violences

Christiane Taubira demande aux magistrats de « développer une politique partenariale de prévention et de dépistage des situations de violences conjugales ». Afin d’harmoniser les pratiques locales, les procureurs de la République peuvent, le cas échéant, pérenniser des circuits d’information via des notes ou des instructions ou encore des protocoles établis avec les travailleurs sociaux ayant à connaître ces situations de violences (assistants de service social auprès des conseils généraux ou des hôpitaux, associations d’aide aux victimes…). Des partenariats peuvent aussi s’effectuer au sein des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, souligne la circulaire. La coordination de l’action des associations d’aide aux victimes doit aussi être favorisée.

Au-delà, la chancellerie préconise de désigner, comme point de contact unique, un magistrat référent pour les affaires de violences conjugales afin de garantir un « traitement diligent et cohérent des signalements de personnes en danger ». Plus globalement, elle recommande de « développer une véritable « politique de juridiction », associant l’ensemble des acteurs judiciaires, afin que chacun dispose en temps utile d’une information complète sur la situation de l’auteur des violences conjugales et celle de la victime, sur la configuration familiale et les éventuelles possibilités d’éviction [du domicile conjugal] ».

Christiane Taubira souhaite également que la qualité des enquêtes et la réactivité des enquêteurs soient améliorées. Pour ce faire, selon elle, il convient d’organiser des réunions régulières avec les officiers de police judiciaire (OPJ) afin de les sensibiliser aux procédures de violences conjugales et, en particulier, au protocole national de traitement des mains courantes et des procès-verbaux de renseignements judiciaires, en cours de généralisation (voir ce numéro, page ??). En outre, les auditions menées dans le cadre de l’enquête devront être l’occasion de « recueillir le plus en amont possible des informations sur la situation familiale et socioprofessionnelle de la victime et de l’auteur, ainsi que sur leurs possibilités d’hébergement respectives, de recueillir l’avis de la victime sur une éventuelle éviction du conjoint [du domicile conjugal], et de commencer à identifier les éventuelles situations de grave danger qui donneront lieu à une prise en charge spécifique », indique la circulaire.

Sanctionner efficacement les auteurs

Pour prévenir durablement tout nouveau passage à l’acte, la chancellerie veut que soit apportée une « réponse pénale ferme, adaptée au profil de l’auteur et à la situation familiale dans laquelle [ces violences] s’inscrivent ». Aussi les magistrats doivent-ils être vigilants quant au choix de la procédure, à la nature de la mesure alternative aux poursuites retenue et à son contenu. En tout cas, souligne la circulaire, « la gravité des blessures occasionnées, les circonstances de commission des faits, leur caractère réitéré, le profil psychologique de l’auteur, la fragilité supposée de la victime, les possibilités d’hébergement ou d’éviction sont autant de critères qui doivent guider le choix du parquet dans l’orientation de la procédure ». Et, « si le positionnement de la victime vis-à-vis de l’auteur est un élément d’information utile, il ne saurait évidemment constituer le critère déterminant du choix de la procédure ».

Dans les affaires révélant des « violences légères et isolées », les magistrats peuvent recourir aux alternatives aux poursuites et, en particulier, à la composition pénale pour les « faits de moindre gravité », indique la circulaire. Précisant que le rappel à la loi, lui, doit être « strictement limité aux faits les moins graves, en l’absence de tout antécédent de fait de même nature et dans les cas où le risque de réitération semble faible, notamment lorsque la séparation du couple est consommée ». Le ministère de la Justice insiste pour que le rappel à loi ne soit pas effectué par un OPJ car cette modalité « ne permet pas une réelle prise de conscience de la gravité de l’atteinte et peut conduire l’auteur à banaliser l’acte commis ». Rappelons aussi que le recours à la médiation est exclu si la victime n’y consent pas et si une première mission de médiation a déjà eu lieu. Dans ce dernier cas, indique la circulaire, le procureur de la République doit, lorsque les faits sont caractérisés et sauf circonstances particulières, mettre en œuvre une composition pénale ou engager des poursuites. Quoi qu’il en soit, la médiation doit être « réservée à des cas de violences isolées et de faible gravité, notamment dans les cas où la séparation est avérée afin notamment d’encourager un apaisement durable du conflit parental en présence d’enfants ».

Pour la garde des Sceaux, l’exercice des poursuites doit permettre une prise en charge rapide des auteurs afin d’éviter toute récidive. Le mode de poursuite doit, lui, être adapté à la nature des faits, aux circonstances de leur commission, au profil du mis en cause et prendre en compte la nécessité de protéger la victime. Quant au choix de la sanction, Christiane Taubira précise que la contrainte pénale(1) peut être « particulièrement adaptée aux auteurs de violences toutes les fois où une peine d’emprisonnement ferme ne semble pas nécessaire ». Pour ceux dont les profils se révèlent les plus inquiétants, notamment en raison de troubles psychiques, ajoute-t-elle, il faut privilégier les peines de suivi socio-judiciaire afin d’assurer un suivi et un encadrement renforcés. Les sanctions doivent par ailleurs être exécutées « dans les meilleurs délais, en demandant notamment l’exécution provisoire de la décision à l’audience dès lors que la personne condamnée est présente », indique la chancellerie. Elle suggère en outre de développer avec les services pénitentiaires d’insertion et de probation, les médecins coordonnateurs et les juges de l’application des peines, des peines alternatives spécialement adaptées aux auteurs de violences conjugales (obligations de soins spécifiques, groupes de parole sur la violence…).

Assurer la réussite du « téléphone grand danger »

La circulaire détaille les modalités d’octroi, d’utilisation et de retrait du « téléphone grand danger », actuellement expérimenté dans le ressort de cinq cours d’appel (soit 143 téléphones délivrés). Selon la chancellerie, 400 autres seront déployés au premier trimestre 2015 et 100 nouveaux en 2016. Elle rappelle que le dispositif peut être mis en place à tous les stades de la procédure pour une durée de six mois renouvelable et sous réserve que la victime y consente.

Si la loi précise que celui-ci s’adresse aux victimes de viol et de violences conjugales en situation de grave danger, ni cette notion de grave danger ni les critères de son évaluation ne sont précisés, reconnaît la garde des Sceaux. Ajoutant que la gravité du danger, laissée à l’appréciation du juge, doit donc faire l’objet d’une « évaluation fine, qui peut être confiée aux services enquêteurs ou à une association partenaire et référente ». Au-delà de la notion de gravité, peuvent guider la décision du magistrat le profil psychiatrique ou psychologique de l’auteur, ses antécédents éventuels, le risque potentiel de réitération mais aussi l’isolement et la vulnérabilité de la victime.

En pratique, rappelle le ministère de la Justice, le « téléphone grand danger » vise les cas les plus graves de violences conjugales. Il peut donc être octroyé lorsque l’auteur des faits n’est pas ou plus incarcéré. Si les modalités de la décision d’octroi du dispositif ne sont pas précisées, Christiane Taubira signale que, au regard des expérimentations menées, il semble utile d’organiser une rencontre entre le magistrat décisionnaire, l’association chargée du suivi de la victime et cette dernière afin de lui expliquer l’objet et le fonctionnement du téléphone et de recueillir les éléments nécessaires à sa mise en œuvre.

Au-delà de la gestion des alertes, la victime doit aussi bénéficier d’un suivi par l’association référente ou un service d’accompagnement et d’aide spécialisé qui devra prendre « régulièrement » contact avec elle pour faire le point sur la situation et ainsi évaluer la nécessité de maintenir le dispositif. En tout état de cause, le téléphone doit être retiré à la victime lorsque la situation de danger a cessé soit en raison de l’incarcération de l’auteur des violences, soit à la demande du bénéficiaire, soit à la demande du parquet en cas de non-respect des consignes et règles d’utilisation du dispositif.

[Circulaire n° CRIM AP 2014/0130/C16, disp. sur www.justice.gouv.fr]

Notes

(1) Voir en dernier lieu ASH n° 2878 du 10-10-14, p. 46.

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