Présentée le 26 novembre dans le cadre du Congrès français de psychiatrie à Nantes, une étude décrit, pour la première fois, la façon dont le dispositif des soins sans consentement en ambulatoire, ou « programmes de soins » créé par la loi du 5 juillet 2011, est utilisé par les soignants. Elle montre que ces programmes – dont le principe fut vivement contesté par une partie du secteur au moment du vote de la loi(1) – peuvent être « considérés comme une innovation qui pourrait modifier les pratiques et l’évolution de certaines pathologies ». Pour réaliser cette enquête, le Collège national de la qualité des soins en psychiatrie – une association nationale de recherche pour la qualité dans les hôpitaux psychiatriques – a, pour le compte de l’agence régionale de santé d’Ile-de-France, interrogé les soignants de plus d’une centaine de structures franciliennes prenant en charge plus de 1 000 patients dans le cadre d’un programme de soins en juin 2013.
Il en ressort que ce dispositif – qui associe consultations, visites à domicile, accompagnement à la prise du traitement, activités thérapeutiques – est « couramment utilisé par plus de neuf secteurs sur dix » mais qu’il ne concerne qu’une minorité des soins sans consentement (7 % des soins à la demande d’un tiers et 20 % de ceux à la demande du représentant de l’Etat). Les patients concernés sont majoritairement des hommes, en moyenne âgés d’une quarantaine d’années, dont 11 % avaient déjà connu la prison. Dans huit cas sur dix, ils présentent un trouble « schizophrénique ou schizoaffectif ». La durée moyenne des programmes de soins est de l’ordre d’une année pour les personnes en soins à la demande d’un tiers et de près de deux ans lorsque la demande émane du représentant de l’Etat.
L’étude montre « une amélioration nette très significative, quel que soit le type de mesure sous contrainte, entre le début du programme de soin et le moment de l’étude », en matière notamment de « sévérité clinique », d’« observance », de « dangerosité pour soi » ou de « dangerosité pour autrui ». Dans huit cas sur dix, les programmes de soins se sont déroulés comme prévu. L’hospitalisation au cours du programme est néanmoins « loin d’être rare », touchant jusqu’à la moitié des patients. Ces hospitalisations se font parfois dans des conditions difficiles et l’aide des forces de l’ordre ou de la famille et de l’entourage est fréquente.
Dans une partie plus qualitative, l’étude recueille l’expression des médecins sur les programmes de soins en cours. Selon eux, « le problème de l’observance », l’opposition au traitement, les absences récurrentes aux rendez-vous, sont les principales difficultés rencontrées avec les patients. Des difficultés dans l’échange avec eux sur la liberté et la notion de contrainte sont plus rarement évoquées. Des témoignages positifs de médecins relèvent au contraire que le programme de soins est accepté et perçu comme « contenant » et rassurant pour les malades. Du côté des familles, si certaines se montrent « rassurées » par le programme, d’autres font part d’incompréhensions, de « refus des troubles » ou de rejet du patient par la famille. Enfin, sur les 70 opinions exprimées relatives aux équipes, 27 témoignent de l’absence de difficultés – l’équipe est « partante » –, 14 pointent des problèmes de moyens et de sous-effectif, quatre déplorent ne pas avoir d’éléments sur la conduite à tenir en cas de rupture du programme de soins et seulement deux indiquent des effets négatifs de ces programmes sur la qualité des soins.
Enfin, l’étude rappelle que, depuis la réalisation de cette enquête, la loi du 27 septembre 2013 modifiant certaines dispositions issues de la loi du 5 juillet 2011 prévoit qu’aucune mesure de contrainte ne peut être mise en œuvre à l’égard d’un patient pris en charge sous une autre forme que l’hospitalisation complète(2). « Pour certains, l’absence de la possibilité de mesure de contrainte à l’égard des patients sous programmes de soins est contraire à l’essence des programmes de soins et limite [leur] avenir dans les secteurs en France. »