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« Epauler les femmes handicapées victimes de violence »

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Dans le cadre de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, l’association Femmes pour le dire, Femmes pour agir a lancé, le 26 novembre, une permanence « Ecoute violences femmes handicapées ». Rencontre avec Maudy Piot, sa présidente.
Quel est l’objectif de Femmes pour le dire, Femmes pour agir ?

Je suis moi-même aveugle depuis une vingtaine d’années et j’avais remarqué que les femmes malvoyantes ne prenaient pas suffisamment soin d’elles, ce qui témoignait d’un manque d’estime de soi. Par ailleurs, au quotidien, elles vivent une double discrimination, celle d’être femme et celle d’être handicapée. En 2003, j’ai rencontré Anne Hidalgo, qui était première adjointe au maire de Paris, qui m’a proposé de monter un événement dans le cadre de l’année européenne des personnes handicapées. Ce forum a eu un tel succès que cela m’a motivée pour créer une association dont l’objectif est la lutte contre toute forme de discrimination. Nous voulons crier haut et fort que nous sommes des femmes et des citoyennes avant d’être « handicapées ». Des bénévoles accueillent dans nos locaux parisiens des personnes, quel que soit leur handicap, à qui nous proposons différentes activités – ateliers chorale, arts créatifs, cours d’anglais ou groupes de parole. Nous organisons également des colloques et montons des expositions pour défendre les droits des femmes handicapées.

Vous dénoncez une violence importante envers ces dernières…

En effet, au fil de ces rencontres, je me suis rendu compte que les femmes handicapées subissaient de multiples violences. Selon le rapport de l’ONU « Forgotten Sisters »(1), en Europe, 80 % d’entre elles seraient victimes de maltraitances physiques ou psychologiques ! Celles-ci s’exercent au sein du couple, mais aussi dans les institutions ou dans la rue. La personne handicapée est vulnérable, a du mal à se défendre et fait donc une victime idéale. En tant que psychanalyste, j’ai remarqué que le handicap peut développer une fantasmatique de toute puissance chez l’autre – souvent le conjoint valide. Il a certes de la compassion – « Je viens au secours d’une personne handicapée » –, mais tout à coup il se met à la battre, à la gifler, à la priver de nourriture… Je peux vous citer des exemples de femmes invalides à qui on a crevé les pneus du fauteuil roulant, d’autres à qui on a confisqué le portable pour qu’elles n’aillent pas dénoncer ces actes. Et elles se plaignent de toute façon rarement car elles portent en elles une forme de culpabilité et supportent inconsciemment beaucoup plus. « Je suis en chaise roulante ou aveugle et j’ai déjà la chance d’avoir un conjoint. Il a donc le droit de temps en temps d’être violent », se disent-elles. C’est inadmissible ! Il fallait leur donner les moyens de s’en sortir.

Vous lancez donc une permanence téléphonique…

Jusqu’ici les écoutantes du 39 19 ou de SOS Viols information service orientaient des appels vers nous. Si cette coopération va perdurer, il nous semblait important d’ouvrir notre propre ligne(2). Tenue une journée par semaine par un binôme psychologue-bénévole, elle va d’abord viser l’écoute, mais nous allons surtout encourager les appelantes à venir dans nos locaux pour participer à des rencontres conviviales et à des ateliers « Esthétique et maquillage » pour leur permettre de se détendre et reprendre confiance en elles. Nous allons également leur donner des conseils juridiques et pourrons les accompagner au besoin dans un commissariat pour porter plainte. Si elles ne veulent pas quitter leur conjoint violent, elles sauront au moins que nous sommes là pour les épauler. Ce sera un travail de fourmi destiné ultimement à amener ces victimes vers notre atelier « Emploi », car ce n’est que lorsque les femmes auront un travail qu’elles pourront être autonomes et s’émanciper du cercle de violence.

Quelles difficultés rencontrez-vous ?

Les femmes handicapées victimes de violence sont encore peu visibles. Je suis intervenue dans des institutions ou à la préfecture de police pour débattre sur le sujet, mais la prise de conscience est encore timide. Nous manquons aussi de moyens financiers pour nous développer. Le lancement de la permanence d’écoute a été permis grâce à l’aide de la fondation Geodis, la fondation Kronenbourg et du Fonds interministériel de prévention de la délinquance, mais ce n’est pas suffisant pour payer les vacations de psychologues.

Notes

(1) Disp. sur http ://ssrn.com/abstract=2133332.

(2) L’association est joignable au 01 45 66 63 97 en attendant la mise en place d’un numéro Azur.

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