D’accord pour juger, dans un rapport sur la lutte contre l’usage de substances illicites rendu public le 20 novembre(1), que le système sanitaire et social souffre d’« un maillage territorial imparfait », les députés Anne-Yvonne Le Dain (PS) et Laurent Marcangeli (UMP) formulent des recommandations pour améliorer l’offre de proximité et l’inscrire dans un parcours de soins. Ils expriment en revanche des positions divergentes sur la légalisation du cannabis et la création de salles de consommation à moindre risque.
Les deux parlementaires constatent en effet « que la politique de prohibition adoptée par notre pays depuis 1970 et les moyens importants qui l’ont accompagnée n’ont pas permis d’obtenir des résultats probants sur la consommation », avec une prévalence particulièrement élevée concernant le cannabis. Mais s’ils s’accordent sur « la nécessaire révision de la loi de 1970 », ils s’opposent sur sa portée : pour l’élue socialiste, il faut, dans le cadre de l’espace public, transformer le délit d’usage du cannabis en contravention de troisième catégorie mais « légaliser l’usage individuel du cannabis dans l’espace privé et pour les personnes majeures, et instituer une offre réglementée du produit sous le contrôle de l’Etat ». A l’inverse, son homologue de l’UMP préconise de se contenter de transformer le délit d’usage du cannabis en contravention de troisième catégorie, dans tous les cas. « Je ne suis pas favorable à ce qu’on mette ce débat sur la table aujourd’hui », a cependant déclaré la ministre des Affaires sociales et de la Santé, le 21 novembre au micro de BFMTV-RMC, en ajoutant qu’il ne fallait pas « banaliser la consommation de cannabis » ni modifier la législation à l’heure actuelle.
Par ailleurs, Anne-Yvonne Le Dain plaide pour expérimenter les salles de consommation à moindre risque pendant 18 mois avant de les généraliser, en cas d’évaluation positive, sur l’ensemble du territoire, « en tenant compte de l’expérience des travailleurs sociaux, de la police et de la justice des pays les pratiquant couramment ». Laurent Marcangeli, lui, en refuse l’ouverture, « faute de sécurisation suffisante du dispositif s’agissant du travail de la police, de la justice et des questions de responsabilité en jeu » (sur la réaction de la Fédération Addiction, voir ce numéro, page 27).
Pour le reste, les deux députés plaident en commun pour « bâtir une véritable politique de prévention à l’égard des plus jeunes », mais aussi pour « approfondir la politique de réduction des risques en renforçant le contrôle des traitements de substitution aux opiacés et en développant les programmes d’échanges de seringues ».
Ils recommandent également de « décloisonner les dispositifs afin de faciliter les parcours de soins individualisés dans la prise en charge sanitaire et sociale », qui pèche par une « nette insuffisance de la formation, initiale comme continue des personnels de santé en addictologie » et par des réponses aux besoins des patients encore lacunaires, malgré les évolutions des dernières années. Leurs propositions visent donc à renforcer l’accessibilité géographique des centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogue (Caarud) et des centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) « par un maillage territorial suffisant et explicite ». Mais aussi à envisager « des solutions alternatives pour atteindre les territoires isolés » (absorption des compétences des Caarud par un CSAPA ou envoi de matériel de réduction des risques par voie postale, par exemple) et à développer l’offre de soins résidentiels (tels que les communautés ou appartements thérapeutiques, les familles d’accueil…).
Enfin, pour optimiser la coordination des actions des acteurs de l’addictologie et préciser leur positionnement dans le parcours de soins, sous la responsabilité des agences régionales de santé, les coauteurs du rapport encouragent le développement de « réseaux addictions » et recommandent d’améliorer la visibilité et le rôle des CSAPA en milieu pénitentiaire.
(1) Rapport d’information n° 2385 sur l’évaluation de la lutte contre l’usage de substances illicites – Disponible sur