Entre 2010 et 2013, 216 000 femmes de 18 à 59 ans ont été, chaque année, victimes de violences physiques ou sexuelles de la part de leur ancien ou actuel partenaire mais seules 16 % d’entre elles ont porté plainte. En outre, chaque année sur la période 2010-2014, 86000 femmes ont déclaré avoir été victimes de viol ou de tentative de viol (taux de plainte de 10 %). Ce sont les chiffres rendus publics par la secrétaire d’Etat chargée des droits des femmes peu avant la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Le 20 novembre, Pascale Boistard a en effet dressé un premier bilan de la politique du gouvernement en la matière, qui s’appuie notamment sur le quatrième plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes 2014-2016 – qui « porte ses premiers résultats », s’est-elle félicitée – et la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes(1). Elle a également formulé quelques priorités d’actions pour 2015 afin de maintenir la mobilisation de tous les acteurs concernés.
Afin de ne laisser aucune violence déclarée sans réponse, la plateforme téléphonique d’écoute et d’orientation pour les femmes victimes de violences – le 39 19 (appel gratuit depuis un poste fixe et un portable) – fonctionne, depuis le 1er janvier 2014, 7 jours/7 et assure aux appelantes l’anonymat. Depuis cette date et jusqu’au 31 octobre dernier, elle a reçu 60 534 appels, contre 47 380 en 2013 (soit + 27,76 %).
Pascale Boistard a également indiqué que le protocole national de traitement des mains courantes et des procès-verbaux (PV) de renseignements judiciaires en matière de violences conjugales était « en phase de généralisation » dans les commissariats et les gendarmeries. D’ailleurs, le protocole décliné pour Paris a été signé le 25 novembre par les ministres de l’Intérieur, de la Justice et des Affaires sociales, ce qui porte à 35 le nombre de départements désormais concernés(2). Ce texte réaffirme avant tout le principe selon lequel une victime qui se présente à la police en raison de violences conjugales doit pouvoir déposer une plainte – et non une simple main courante – qui sera suivie d’une enquête judiciaire. En cas de recours à une main courante – sans conséquence sur les plans judiciaire et juridique – ou à un PV de renseignements judiciaires, la victime, après avoir expressément refusé de porter plainte, doit être systématiquement informée sur les conséquences de son refus, sur ses droits, sur les procédures à engager pour les faire valoir et sur l’aide dont elle peut bénéficier. Il lui est aussi proposé d’être mise en relation avec une structure d’accompagnement partenaire (intervenant social, psychologue, permanence d’association…).
Par ailleurs, s’est félicitée la secrétaire d’Etat chargée des droits des femmes, le nombre d’intervenants sociaux en commissariats et en gendarmeries s’élève aujourd’hui à 231, l’objectif étant de « doubler leur nombre d’ici à 2017 ».
Pascale Boistard a aussi rappelé que la loi « égalité femmes-hommes » prévoit un certain nombre de mesures pour protéger les femmes étrangères victimes de violences (exonération des taxes et droits de timbre lors de la délivrance et du renouvellement de leur titre de séjour, interdiction de motiver le refus d’une carte de résident sur la seule base de la rupture de la vie commune avec le conjoint violent…).
Au-delà de la généralisation du « téléphone grand danger » et du renforcement de l’ordonnance de protection prévus par la loi « égalité femmes-hommes », le gouvernement a assuré son soutien aux permanences d’information, d’accueil et d’accompagnement spécialisés des femmes victimes de violences, indique le secrétariat d’Etat. Dans ce cadre, les accueils de jour(3) ont été consolidés puisque l’on en dénombre aujourd’hui 104 dans 94 départements (contre 62 en 2012). Au total, a précisé Pascale Boistard, ce sont plus de 196 lieux d’écoute, d’accueil et d’orientation qui sont proposés, couvrant 22 régions et trois départements d’outre-mer.
A sa prise de fonction, le président de la République s’était engagé à créer 1 650 places d’hébergement d’urgence dédiées aux femmes victimes de violences : 410 l’ont été en 2013 et, à la mi-2014, on en comptait au total 600.
Dans un tout autre domaine, la secrétaire d’Etat a annoncé que, conformément à la loi « égalité femmes-hommes », « d’ici à la fin de l’année 2014, dix services pénitentiaires d’insertion et de probation seront mobilisés pour la mise en place d’un stage de responsabilisation [pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes] d’une durée de trois jours ». « En 2015, un appel à projets national sera lancé par le ministère de la Justice pour déployer ce dispositif sur l’ensemble du territoire. »
L’année prochaine, le gouvernement entend notamment développer la formation initiale et continue de nouvelles catégories de professionnels pour le repérage et la prise en charge des victimes de violences (services de police et de justice, avocats, infirmiers…). Une obligation qui lui est désormais imposée par la loi « égalité femmes-hommes ».
En outre, il s’attachera à consolider la prise en charge sanitaire des victimes de violences et à mieux coordonner les acteurs locaux au regard des préconisations d’un récent rapport fixant les bases d’un protocole national de prise en charge des victimes(4), qui « a vocation à être décliné sur le plan régional à travers des conventions santé-police-justice dont la mise en œuvre sera coordonnée par les agences régionales de santé ». Un tel protocole sera ainsi expérimenté en Aquitaine et en Alsace, a indiqué la secrétaire d’Etat. L’objectif, pour elle : « créer un parcours continu pour les victimes […] en encourageant la mise en réseau des professionnels chargés de les accompagner et en simplifiant leur prise en charge ». Sera aussi expérimentée la mise en place de référents en matière de violences sexuelles dans les services d’urgence hospitaliers – c’est-à-dire un médecin, un psychologue ou un travailleur social, a précisé la ministre de la Santé dans le journal Libération du 26 novembre –, afin de renforcer la collaboration entre les services de santé et de justice. Des mesures soutenues par le Conseil économique, social et environnemental dans une étude rendue publique le 26 novembre(5).
Par ailleurs, le gouvernement veut renforcer l’accès au logement autonome des femmes victimes de violences lorsque leur maintien au domicile conjugal n’est pas possible. Dans ce cadre, la secrétaire d’Etat chargée des droits des femmes et la ministre chargée de l’enseignement supérieur, Najat Vallaud-Belkacem, ont, le 25 novembre, signé avec le Centre national des œuvres universitaires (CNOUS) une convention pour permettre aux étudiantes victimes de violences d’être prioritaires dans l’accès aux logements gérés par ce dernier. En effet, selon Pascale Boistard, « chacun des 180 assistants sociaux des CROUS [centres régionaux des œuvres universitaires] connaît en moyenne 10 situations par an des violences. Les viols, incestes, mariages forcés et coups sont les situations de violences majoritairement rencontrées au service social. » Mais « ces 1 800 cas annuels ne sont que les cas repérés, a-t-elle déploré : les situations de violences sont encore plus nombreuses ». Au travers de cette convention, le CNOUS va aussi s’engager, le cas échéant, à proposer aux victimes des aides financières et à les orienter vers les partenaires adéquats, notamment en matière de soutien psychologique et de protection des victimes. Dans le cas où les étudiantes victimes sont contraintes de changer de région, le partenariat deviendra alors interrégional, notamment entre les services sociaux des CROUS.
Autre sujet de préoccupation du gouvernement : « les enfants témoins, exposés, victimes des violences conjugales », pour lesquels la loi « égalité femmes-hommes » et le quatrième plan de lutte contre les violences faites aux femmes prévoient un certain nombre de mesures visant à les protéger(6). Pour aller plus loin, la chancellerie signale, dans un communiqué du 25 novembre, qu’elle lancera, « avant la fin de l’année, un groupe de travail sur la prise en charge des mineurs ayant assisté à la violence de leurs parents afin de mieux les soutenir et de prévenir les comportements inadaptés qu’ils pourraient développer ultérieurement ».
(2) Le protocole a aussi été décliné dans l’Ain, l’Aisne, les Hautes-Alpes, l’Ardèche, les Ardennes, l’Aube, l’Aveyron, les Bouches-du-Rhône, le Calvados, la Creuse, la Charente, la Corrèze, la Haute-Corse, la Corse du Sud, la Dordogne, le Doubs, le Gard, le Jura, l’Indre-et-Loire, les Landes, le Loir-et-Cher, le Lot-et-Garonne, la Lozère, la Meuse, l’Oise, l’Orne, le Pas-de-Calais, les Pyrénées-Orientales, le Haut-Rhin, la Haut-Saône, la Vienne, la Haute-Vienne, l’Yonne et à La Réunion.
(3) Il s’agit de structures de proximité accessibles sans rendez-vous durant la journée pour accueillir, informer et orienter les femmes. Un dispositif qui permet aussi de préparer, d’éviter ou d’anticiper le départ du domicile conjugal.
(5) Combattre toutes les violences faites aux femmes, des plus visibles aux plus insidieuses – Disponible sur
(6) La loi prévoit, par exemple, le retrait partiel ou total de l’autorité parentale au parent condamné pour un crime ou un délit d’atteinte volontaire à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique sur son enfant ou l’autre parent. Quant au plan, il soutient la création d’espaces de rencontre parents-enfants.