Le secteur associatif a plutôt mieux résisté à la crise de 2008 que le reste du secteur privé. Mais il se retrouve aujourd’hui face à des « perspectives financières préoccupantes » et à des ressources humaines « en péril ». C’est le principal constat qui ressort du rapport que la commission d’enquête parlementaire chargée d’étudier les difficultés actuelles du monde associatif, présidée par le député (Gauche démocrate et républicaine) Alain Bocquet, a remis le 21 novembre au président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, au terme de six mois de travaux.
La première partie du tableau dressé par le rapport est positive : « Si l’on se fie au nombre d’associations créées chaque année et au poids de ces associations dans l’économie, écrivent les députés, le secteur associatif jouit aujourd’hui d’un dynamisme admirable qui contraste avec les difficultés rencontrées par le secteur privé lucratif. » Ainsi, avec plus de 70 000 nouvelles associations déclarées entre septembre 2013 et août 2014, le secteur poursuit une trajectoire ascendante entreprise il y a de nombreuses années. Au total, on évalue à 1,3 million le nombre d’associations en activité. Des acteurs économiques « essentiels » tant par la richesse qu’ils génèrent – 85 milliards d’euros… un poids économique « équivalent à celui de l’agriculture et des industries agricoles et alimentaires » – qu’en termes d’emploi salarié. Sur ce dernier point, les députés relèvent que l’emploi associatif a été beaucoup moins touché par la crise de 2008. « Ceci s’explique par le fait que l’activité des associations, en particulier celles employant le plus grand nombre de salariés, est en partie acyclique(1), voire contracyclique(2) : la concentration de nombreux emplois dans l’action sociale, la santé et l’éducation, notamment, rend le volume de ceux-ci relativement peu sensible à la conjoncture. » Au total, le rapport évalue à 1,8 million le nombre d’emplois dans le secteur associatif. C’est « 10 % du total des emplois du secteur privé ».
Autre bon point souligné : un bénévolat qui ne faiblit pas, un vrai « signe de vitalité démocratique ». Les données les plus récentes montrent ainsi qu’il a progressé de 3 % au cours de la période 2005-2011. On dénombrait par ailleurs 16 millions de bénévoles en 2013, ce qui représente 24,5 % des Français.
Ce constat sur la « vitalité associative » est toutefois à relativiser au regard des « graves problèmes financiers » auxquels le secteur est confronté, « problèmes qui s’expliquent en grande partie par la raréfaction des ressources publiques et la difficulté des ressources privées à en prendre le relais ».
Aux désengagements « progressifs et multiformes » de l’Etat depuis une vingtaine d’années(3) se sont ajoutés la baisse du soutien à des collectivités fragilisées dans leurs ressources ou encore le recours croissant aux dispositifs de la commande publique qui pénalise les petites et moyennes associations. Autres problèmes : le poids de la concurrence avec le secteur privé lucratif « quand les entreprises privées se portent toujours davantage vers des activités jusqu’ici assurées, pour l’essentiel, par les associations » – une « marchandisation rampante » extrêmement préoccupante, pour Alain Bocquet – ou bien encore la « très nette augmentation » de l’effort fiscal exigé des associations.
Le rapport consacre par ailleurs un chapitre entier aux ressources humaines des associations, qui sont, aux yeux des députés, « en péril ». En cause : « la complexification de la gestion administrative décourage tant les responsables associatifs que les salariés et les bénévoles, qui aspirent à mettre en œuvre, de façon concrète, le projet dans lequel ils se sont engagés ». Cette complexification « oblige à professionnaliser l’ensemble des ressources humaines associatives sans que les associations aient nécessairement les moyens de former ceux qui s’occupent de leur gestion et de leur fonctionnement », explique la commission.
Au final, le tableau des difficultés des associations et les quelques pistes évoquées comme moyens de les surmonter laissent, de l’aveu même de la commission, « un certain goût de “déjà-vu” ». Mais les députés veulent croire « que la séquence actuelle en direction du monde associatif » – l’engagement associatif déclaré Grande cause nationale 2014, la loi relative à l’économie sociale et solidaire, la nouvelle charte d’engagements réciproques entre l’Etat, le mouvement associatif et les collectivités territoriales – donnera à leurs travaux « un écho […] significatif ».
Le rapport préconise notamment des mesures pour simplifier la vie des associations(4) et assurer leur pérennité financière, comme la constitution d’un fonds de soutien ou la mise en place d’un congé pour les salariés candidats au bénévolat.
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(1) « Acyclique » : qui n’a pas de cycle.
(2) « Contracyclique » : se dit d’une politique budgétaire qui suit une tendance inverse à celle des cycles de croissance.
(3) En 2011, 49,4 % des ressources des associations provenaient du public contre 50,6 % du privé. En 2005, le ratio était inverse.
(4) Très récemment, le député (PS) Yves Blein a également rendu public un rapport dans lequel il formule 50 propositions pour simplifier la vie des associations – Voir ASH n° 2882 du 7-11-14, p. 8.