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La Cour des comptes demande au gouvernement d’accélérer la réforme de la tarification des établissements

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Il est « nécessaire de définir, sans attendre, les voies et moyens permettant de créer dès maintenant, en s’appuyant sur la réglementation existante, les conditions d’un processus d’allocation des ressources plus dynamique et plus objectif ». Dans un référé daté du 11 septembre, mais rendu public le 24 novembre, la Cour des comptes demande ainsi au gouvernement d’accélérer la réforme de la tarification des établissements d’hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD) et des personnes adultes handicapées. « Je partage le constat de l’urgence d’une réforme de l’allocation des ressources aux établissements », a répondu la ministre des Affaires sociales et de la Santé à la Haute Juridiction financière. Dès le lendemain de la diffusion du référé, Marisol Touraine a en effet répondu, point par point, aux cinq recommandations émises par la cour(1).

Une réforme inaboutie

Engagée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, la réforme de la tarification des EHPAD, visant à passer d’un système de couverture des dépenses à un financement des soins et de la dépendance par des ressources forfaitaires, aurait dû entrer en vigueur au 1er janvier 2010 mais « est restée inaboutie, en l’absence de décret d’application », rappelle la Haute Juridiction financière. Et l’adoption du projet de loi sur l’adaptation de la société au vieillissement, qui prévoit une nouvelle étape de réforme, « n’est envisagée que pour la deuxième partie de la mandature ». En outre, l’enquête nationale de coût dans les EHPAD, « qui est un préalable nécessaire à une telle réforme, ne pourra être achevée qu’en 2017 ». Quant au chantier de la réforme de la tarification des établissements et services destinés aux personnes handicapées, « il est multiforme et complexe, et les échéances sont de l’ordre de la décennie », déplore la Cour des comptes.

La contractualisation, un outil à généraliser

Les magistrats de la rue Cambon relèvent, tout d’abord, que la contractualisation entre les autorités chargées de l’autorisation des établissements – Etat, agences régionales de santé (ARS) ou départements – et les gestionnaires d’établissements « est peu développée ». Pourtant, cette contractualisation – via notamment les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) – est susceptible d’offrir plusieurs avantages. Ainsi, « elle devrait, selon la cour, permettre de recomposer l’offre en fonction des attentes des publics concernés et donc de réorienter les ressources des structures les moins efficientes vers celles qui sont les plus demandées. Elle devrait également renforcer les performances en matière de gestion, par la mutualisation de certaines fonctions ou la réorganisation des services […]. En outre, la contractualisation permet des engagements de financement pluriannuels, donnant aux gestionnaires une plus grande visibilité sur leurs ressources et la capacité à prendre des mesures sur le moyen terme pour améliorer les prestations servies. » La première recommandation de la Cour des comptes est donc de généraliser à l’ensemble des établissements, y compris ceux qui relèvent de la compétence exclusive des départements, l’obligation de conclure des CPOM, et de fixer les seuils de déclenchement de cette obligation pour en permettre la mise en œuvre (l’arrêté attendu en la matière n’étant toujours pas paru). A cette requête, Marisol Touraine se contente de répondre que l’encouragement à la contractualisation « est un axe fort de la politique du gouvernement dans le secteur médico-social » et que « l’objectif d’une valorisation de l’outil contractuel doit guider le groupe de travail » sur la modernisation du pilotage et la simplification de la gestion des EHPAD qui se réunira dans le courant du mois de décembre. Ce groupe, qui devait à l’origine être lancé en septembre dernier, « sera notamment chargé d’examiner l’articulation entre les conventions pluriannuelles tripartites et les CPOM et d’envisager les pistes d’amélioration de l’efficience de l’outil contractuel ». Il explorera également « avec les conseils généraux la piste de “CPOM tripartites”, qui soulève aujourd’hui certaines difficultés techniques liées aux règles attachées à l’aide sociale départementale ».

L’élaboration rapide de référentiels de coûts

La Cour des comptes réclame également « l’élaboration rapide de nouveaux indicateurs financiers visant l’ensemble des établissements et permettant un ajustement efficace de crédits de plus en plus limités, en fonction de la qualité et des coûts des prestations effectuées ». Alors que la réglementation prévoyant la mise en place d’indicateurs médico-socio-économiques s’applique à l’ensemble des structures, « toutes les catégories d’établissements ne sont pas couvertes par des arrêtés instituant des indicateurs de référence, et notamment pas celles relevant exclusivement de l’aide sociale départementale », pointent en effet les magistrats financiers. Faute de comptabilité analytique et de traitement informatisé des éléments comptables, et malgré l’obligation qui leur est faite, les établissements renseignent mal les données nécessaires au calcul de ces indicateurs, expliquent-ils, ce qui empêche leur publication et finit par rendre obsolètes ceux qui sont déjà disponibles, « alors même que le manque de référentiels est vivement ressenti par l’ensemble des autorités de tarification ». Pour la Cour des comptes, la mise en place rapide de nouveaux référentiels de coût devrait se faire à partir des études de coûts déjà existantes (étude de coûts dans les EHPAD, analyse des comptes administratifs déjà opérée par la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie). Elle demande aussi d’utiliser ces référentiels pour faciliter la procédure contradictoire, pour les établissements ne relevant pas de contrats.

Là encore, la ministre des Affaires sociales et de la Santé dit s’associer « pleinement » au souhait de la cour de voir se développer l’usage des référentiels de coût, que ce soit dans le cadre de la contractualisation ou hors contrats. Et Marisol Touraine de rappeler que cette question sera abordée dans le cadre de la réforme de la tarification des établissements pour personnes handicapées, dont le comité de pilotage stratégique s’est réuni pour la première fois le 26 novembre. « C’est un chantier ambitieux qui s’inscrit dans un calendrier de trois ans et dont la méthode prévoit des avancées progressives tout au long de la démarche », a précisé à cette occasion la secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées. Les référentiels de coût seront également abordés dans le cadre du groupe de travail sur la réforme de la tarification des EHPAD, indique la ministre des Affaires sociales et de la Santé dans son courrier à la Cour des comptes. Il s’agit d’une « réflexion ambitieuse dont la mise en œuvre est susceptible de se dérouler sur plusieurs années ». Malgré tout, « ces travaux doivent, selon Marisol Touraine, déboucher dès la mi-2015 sur un diagnostic et des scenarii de réforme ». Le chantier préalable de la réécriture des ordonnances « Pathos » est par ailleurs bien avancé, assure-t-elle. Et si les résultats de l’étude nationale de coûts en EHPAD réalisée par l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation « ne seront effectivement disponibles qu’à partir de 2017 – comme le regrette la Cour des comptes –, ses enquêtes de coûts menées depuis 2012 auprès des EHPAD seront une source d’informations précieuse pour le groupe de travail ». En outre, poursuit la ministre, « les indicateurs regroupés dans le tableau de bord de la performance développé par l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux ont vocation à être étendus à l’ensemble du secteur social et médico-social et à se substituer aux indicateurs issus de l’article R. 314-28 du code de l’action sociale et des familles », dont la cour souligne les différents inconvénients. Et, comme le suggère la Haute Juridiction financière, la prise en compte de ces indicateurs devrait être dépourvue de caractère automatique pour que l’autorité de tarification conserve une marge de discrétion en fonction des circonstances locales.

Cofinancement des soins et modulation des tarifs hébergement

La Cour des comptes demande aussi au gouvernement de prendre, dans l’attente de la mise en œuvre des réformes annoncées, « quelques mesures simples » pour simplifier les situations de cofinancement des soins (départements-ARS). Pour les foyers d’accueil médicalisés, il conviendrait ainsi de rappeler aux ARS le caractère forfaitaire du financement des soins et de décrire les dépenses susceptibles d’être prises en charge, « ce qui pourrait être aisément mis en place dans le cadre d’un contrat ». Pour les EHPAD, il faudrait supprimer les cofinancements de postes d’aides-soignants et d’aides médico-psychologiques. Une proposition qui ne semble pas recueillir l’assentiment de Marisol Touraine. Selon elle, en effet, une telle solution « comporte un risque non négligeable de transfert de charges des collectivités locales vers l’assurance maladie, ce qui, dans le contexte actuel de trajectoire de redressement des finances publiques, n’est pas soutenable ».

Enfin, la Cour des comptes souhaite que les départements puissent moduler les tarifs d’hébergement des résidents en EHPAD selon qu’ils sont pris ou non en charge au titre de l’aide sociale. « Le groupe de travail EHPAD sera l’occasion de mener une réflexion sur [cette] modulation », indique simplement Marisol Touraine.

Notes

(1) Le texte du référé et la réponse de la ministre sont disponibles sur www.ccomptes.fr. Pour mémoire, un référé de la Cour des comptes, publié sous forme de lettre à un ministre, n’a pas de valeur juridique contraignante.

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