Deux ans après la circulaire du 26 août 2012(1), qui avait « suscité un regain d’espoir quant au respect des droits fondamentaux des populations vivant en bidonvilles » – essentiellement des Roms –, force est de constater « que l’on est encore très loin du “traitement égal et digne de toute personne en situation de détresse sociale” appelé dans son préambule », regrette la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), dans un avis très incisif adopté à l’unanimité le 20 novembre(2). « Alertée par le nombre d’évacuations sans précédent enregistrées » l’an dernier, la CNCDH s’est autosaisie de la question et dénonce ainsi – comme l’ont fait précédemment le Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, le collectif Romeurope ou encore Amnesty international(3) – « l’application partielle et hétérogène sur le territoire de cette circulaire, dont le volet répressif a supplanté les actions d’insertion et d’accompagnement social ».
De fait, « ces évacuations forcées contraignent ces personnes à l’errance et rendent impossible l’accès aux droits fondamentaux », poursuit la commission, soulignant « une volonté répressive guidée par une acceptation grandissante des attitudes racistes et discriminantes à l’égard des populations rom migrantes vivant en bidonville ». Elles sont en effet « présentées trop fréquemment comme un “groupe à part”, associé à l’insalubrité, à la délinquance et aux expédients, et ne souhaitant pas s’intégrer », relève la CNCDH, qui réaffirme, à l’inverse, que l’accès au droit commun de ces populations « prime sur toute autre considération ». Elle demande ainsi, « dans l’urgence », « l’arrêt immédiat des évacuations de bidonvilles sans que des solutions de relogement et d’accompagnement dignes, adaptées et pérennes soient proposées aux familles », comme le prévoit en principe la circulaire d’août 2012.
La commission appelle aussi, à plus long terme, « à une stratégie de sensibilisation et de lutte contre un racisme “anti-rom” prégnant dans l’ensemble de la société, condition incontournable à une politique d’Etat humaine et cohérente ». Pour ce faire, elle recommande, en premier lieu, « la mise en place de dispositifs effectifs de domiciliation pour les populations vivant en bidonvilles », qui constitue en effet la « condition préalable à l’accès au panel des droits sociaux garantis en France ». Elle réclame aussi « que tombent les obstacles illégaux qui font barrage au respect effectif du droit à la scolarisation des enfants vivant en bidonvilles, scolarisation d’autant plus nécessaire qu’elle limite les risques encourus par une population jeune et rendue vulnérable par ses conditions de vie ». La CNCDH invite d’ailleurs les services de la protection de l’enfance à intervenir en soutien « auprès [de cette] population encore trop méconnue », car « l’attention portée aux phénomènes de délinquance dissimule la vraie problématique de l’exploitation des mineurs et des réseaux de traite dont ces enfants sont avant tout victimes ».
De manière plus générale, elle réclame également « la suppression des entraves à l’accès aux soins et aux prestations sociales entretenues par certains organismes sociaux ainsi que la systématisation des dispositifs de médiation sanitaires ». Elle souhaite par ailleurs, dans le cadre de la fin, au 1er janvier dernier, des mesures transitoires qui restreignaient l’accès des Roumains et des Bulgares au marché du travail français, « une clarification des conditions d’accès aux prestations pour demandeurs d’emploi (tant auprès de la population qu’auprès des services concernés) ainsi qu’à l’accès effectif à l’ensemble des dispositifs d’insertion professionnelle ». Enfin, en matière de liberté de circulation et de droit au séjour, elle se prononce pour « le plein respect du droit européen ».
(2) Avis sur le respect des droits fondamentaux des personnes vivant en bidonvilles – Disponible sur