Les sénateurs Esther Benbassa (EELV) et Jean-René Lecerf (UMP) ont rendu public, le 20 novembre, un rapport sur la lutte contre les discriminations (1), dont certaines des propositions ont provoqué un débat houleux au Palais du Luxembourg, lors de sa présentation à la commission des lois. Les sujets des statistiques ethniques et de l’enseignement du fait religieux à l’école, en particulier, ont suscité de vives discussions.
Le rapport est le fruit de 18 mois de travaux et d’une quarantaine d’auditions. L’objectif était de « faire le tour des problématiques relatives aux discriminations ethniques, raciales et religieuses, ainsi que des moyens permettant de les nommer et de les quantifier, afin de faire émerger des mesures plus globales susceptibles de les faire reculer progressivement ». Le sujet polémique des statistiques ethniques est ainsi venu rapidement sur la table. Pour les sénateurs, la lutte contre les discriminations suppose en effet de pouvoir les mesurer. « Disposer de données statistiques précises sur la composition de la société française est un préalable indispensable pour détecter et mettre en lumière les différences entre le poids démographique d’un groupe d’individus présentant une caractéristique commune – une origine qu’ils partageraient – et leur place actuelle au sein de l’école, de l’université, du monde professionnel ou encore du système politique. Seule la publication de ces éléments statistiques peut susciter la prise de conscience nécessaire sur l’état des discriminations. » Problème : la méthode est contraire à la tradition républicaine française. Esther Benbassa et Jean-René Lecerf proposent donc une solution plus consensuelle : que tous les cinq ans, dans le recensement, on mette une case sur le lieu de naissance des parents et la nationalité antérieure « afin d’obtenir des résultats mesurables sur l’ampleur des discriminations et leur déploiement ».
Une autre proposition a tout particulièrement suscité le débat : celle de mieux dispenser l’enseignement du fait religieux à l’école. Les rapporteurs expliquent en effet avoir acquis, au fil des auditions, la conviction que la lutte contre les discriminations « passe également par une meilleure connaissance des différences culturelles et religieuses au sein de la société française ». Et que, à cet égard, « l’école a un rôle essentiel à jouer afin de mettre fin à certains amalgames, préjugés ou raccourcis nés de l’ignorance ».
Faudrait-il lui consacrer un enseignement spécifique ou le renforcer au sein des matières existantes ? Esther Benbassa et Jean-René Lecerf « inclinent plutôt pour un enseignement dédié ». Mais, précisent-ils, « il n’aurait évidemment aucun objectif de prosélytisme, l’éducation religieuse restant du ressort des familles et des différents cultes ». L’enseignement devrait rester « distancié » et « ne serait pas confié à des autorités religieuses, mais à des enseignants formés ».
Parmi les autres préconisations du rapport, on retiendra la mise en place d’un recours collectif en matière de discrimination. Ou bien encore l’établissement d’un récépissé « à titre expérimental » pour les contrôles d’identité, qui était l’une des promesses de François Hollande… mais que Manuel Valls, alors au ministère de l’Intérieur, avait enterrée.
(1) La lutte contre les discriminations : de l’incantation à l’action – Benbassa-Lecerf – Novembre 2014 – Disponible sur www.senat.fr.