Dans un arrêt rendu le 11 novembre, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a considéré qu’un Etat membre de l’Union européenne (UE) pouvait exclure du bénéfice de certaines de ses prestations sociales un citoyen de l’UE économiquement inactif présent sur son territoire uniquement pour bénéficier de son système social. Par « certaines prestations », la Cour vise les prestations spéciales en espèces à caractère non contributif, définies pour chaque pays en annexe X du règlement européen n° 883/2004 du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale. En France, il s’agit de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, de l’allocation aux adultes handicapés et de l’allocation supplémentaire d’invalidité. Le revenu de solidarité active et les prestations familiales ne sont, en revanche, pas concernés.
Dans cette affaire, qui se déroule en Allemagne, le Jobcenter de Leipzig – équivalent du Pôle emploi en France – a refusé d’octroyer les prestations de l’assurance de base à une mère de famille d’origine roumaine, estimant qu’elle ne recherchait pas d’emploi et était entrée sur le territoire national uniquement dans le but d’obtenir l’aide sociale. Le droit allemand permet en effet aux demandeurs d’emploi en situation précaire de prétendre à l’assurance de base afin, notamment, de pourvoir à leur subsistance. Mais il exclut du bénéfice de ces prestations les personnes qui se rendent en Allemagne dans le seul but de jouir du système social ou de rechercher un emploi. Cette législation est-elle conforme au droit de l’Union européenne ? C’est la question qu’a posée à la CJUE le Tribunal social de Leipzig, devant laquelle était arrivé le litige.
Dans sa décision, la Cour de justice de l’Union européenne répond à cette question par l’affirmative. Elle juge que les ressortissants d’autres Etats membres ne peuvent réclamer une égalité de traitement avec les ressortissants de l’Etat membre d’accueil – et donc accéder comme eux aux prestations spéciales en espèces à caractère non contributif – que si leur séjour dans cet Etat respecte les conditions de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 sur la libre circulation des citoyens de l’UE. Selon ce texte, rappelle-t-elle, un Etat membre d’accueil n’est pas obligé d’accorder une prestation d’assistance sociale pendant les trois premiers mois de séjour et, lorsque la durée du séjour est supérieure à trois mois mais inférieure à cinq ans, elle conditionne le droit au séjour au fait notamment que les personnes économiquement inactives doivent disposer de ressources propres suffisantes afin d’éviter qu’elles deviennent une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale du pays concerné. « La directive cherche ainsi à empêcher que les citoyens de l’Union économiquement inactifs utilisent le système de protection sociale de l’Etat membre d’accueil pour financer leurs moyens d’existence », explique la CJUE dans un communiqué. Conclusion : « Un Etat membre doit avoir la possibilité de refuser l’octroi de prestations sociales à des citoyens de l’Union économiquement inactifs qui exercent leur liberté de circulation dans le seul but d’obtenir le bénéfice de l’aide sociale d’un autre Etat membre, alors même qu’ils ne disposent pas de ressources suffisantes pour prétendre au bénéfice d’un droit au séjour. »
En l’espèce, la mère de famille roumaine séjournait en Allemagne depuis plus de trois mois et moins de cinq ans et, à ce titre, devait donc disposer d’un titre de séjour. Or, relève la CJUE, « elle ne cherchait pas de travail au moment des faits » et n’avait pas les moyens de subvenir seule à ses besoins et à ceux de sa famille. Dans ces conditions, elle ne pouvait prétendre à un droit de séjour en vertu de la directive sur la libre-circulation et, partant, ne pouvait réclamer « une égalité de traitement avec les ressortissants de l’Etat membre d’accueil ».