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Des crèches misent sur le langage pour lutter contre les inégalités

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Plusieurs d’entre elles s’appuient sur le développement du langage des tout-petits pour augmenter leurs chances d’insertion, à travers la méthode « Parler Bambin ». Celle-ci ne fait toutefois pas l’unanimité.

« A quatre ans, un enfant pauvre a entendu 30 millions de mots de moins qu’un enfant issu d’un milieu favorisé », souligne la fondation Terra Nova, dans un rapport intitulé « La lutte contre les inégalités commence dans les crèches »(1). Or la stimulation des compétences langagières dès la sortie du berceau peut avoir des effets positifs sur le futur des enfants, défend-elle. Les auteurs citent notamment deux expériences conduites aux Etats-Unis dans les années 1960 et 1970, auprès d’enfants de milieux défavorisés âgés de 0 à 5 ans, mêlant jeux linguistiques, lectures individualisées et implication des parents. Ces programmes, selon les évaluations scientifiques qui ont été menées, permettraient d’améliorer la réussite scolaire, l’accès à l’enseignement supérieur plus large, réduiraient le chômage… Estimant que, en France, « nos crèches sont encore trop peu conçues comme des lieux d’éducation », la fondation promeut le déploiement de démarches expérimentales pour développer les compétences langagières des bébés. « Parler Bambin » a été initié en 2008 dans deux crèches de Grenoble situées en zone urbaine sensible, à l’initiative du centre communal d’action sociale, du médecin Michel Zorman et d’un laboratoire de recherche (Cogni-Sciences) de l’université Pierre-Mendès-France de Grenoble. La méthode combine ateliers en petits groupes, stimulation du langage dans les situations du quo­tidien et implication des parents(2).

Dans les ateliers (deux ou trois enfants au maximum) organisés trois fois par semaine, les professionnels encouragent la parole de l’enfant, lui posent des questions ouvertes, précisent son vocabulaire en partant de ce qu’il sait déjà ou reformulent ses demandes. En dehors, les ­personnels de la crèche sont invités à profiter de la moindre occasion pour libérer sa parole. Les parents sont chargés de lire régulièrement un imagier de vocabulaire avec lui. Après avoir été généralisé dans les crèches grenobloises, « Parler Bambin » a essaimé à Lille, à Rennes, dans le département d’Ille-et-Vilaine, à Metz, au Havre, à Bourges. A Nantes, il est expérimenté depuis 2013 dans ­quatre crèches municipales.

Ce programme suscite néanmoins des réticences au sein de nombreux ­centres de formation d’éducateurs de jeunes enfants : « Ces démarches, dont le projet de fond reste intéressant, donnent une mauvaise réponse à un vrai problème. Ce sont les pauvres qui sont repérés comme inadaptés au système et pas la société qui produit et aggrave ces inégalités », s’agace Didier Favre, directeur-adjoint du centre de formation aux métiers de la petite enfance de L’Horizon à Malakoff (Hauts-de-Seine). Il reproche à ce programme, « présenté comme une énième méthode-miracle » de vouloir résoudre les difficultés de langage du jeune enfant en le « sur-stimulant ». En effet, « le pédopsychiatre­psychanalyste Bernard Golse a pointé[3] un risque de stigmatisation évident lié au repérage des enfants. C’est bien l’attention globale portée à l’enfant qui compte et non pas des séances à des moments donnés. » De plus, « toutes ces études oublient que c’est le lien école-familles qu’il faut travailler. C’est là que réside depuis toujours l’enjeu principal », insiste Didier Favre.

Notes

(1) Disponible sur www.tnova.fr.

(2) Les éditions de La Cigale diffusent les outils pédagogiques de la méthode « Parler Bambin » – www.editions-cigale.com.

(3) Lors du colloque « La petite enfance, clé de l’égalité des chances », organisé le 12 septembre à l’Assemblée nationale par la CNAF, l’Institut Montaigne et Terra Nova.

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