« Vous savez, il y a des établissements très bien en Belgique. » Cette petite phrase, Jeanne Auber l’a entendue des dizaines de fois. Au début, la maman de Julie, jeune fille porteuse d’une anomalie génétique rare source de handicaps multiples(1), n’y a guère prêté attention. Les établissements belges, elle les avait vus dans des reportages télévisés, dénonçant situations de maltraitance et business éhonté, et elle refusait d’y penser. Mais à force de refus d’admission par des structures françaises, Jeanne Auber a fini par rejoindre les rangs des « sans-solution », tentés par l’exil belge. C’est ce cheminement qu’elle raconte dans Les exilés mentaux, à la fois journal de bord d’une recherche de place toujours déçue et enquête sur l’ampleur du phénomène. Au-delà des nombreux rapports publiés sur le sujet, Jeanne Auber a rencontré des familles concernées, interrogé des responsables d’associations belges et visité des établissements. Au terme de son enquête, elle en est convaincue : il s’agit d’un« scandale franco-français », la France ayant institutionnalisé cet exil, notamment par le biais des conventions d’aide au financement de places dans les structures belges. Chaque année, l’assurance maladie dépenserait ainsi plus de 65 millions d’euros pour l’accueil des Français en Belgique. Ce, alors que le manque de places reste criant dans les établissements hexagonaux. Cruelle ironie : dans le même temps, le nombre de « sans-solution » augmente également de l’autre côté de la frontière. Où, faute de financements, les structures créées le sont presque exclusivement pour les Français.
Les exilés mentaux, un scandale français
Jeanne Auber – Ed. Bayard – 14,90 €
(1) Elle raconte son histoire dans le livre Bonjour, jeune beauté ! – Voir ASH n° 2810 du 17-05-13, p. 34.