Si les débats ne sont pas clos sur la refonte de l’architecture des diplômes du travail social, l’Association nationale des assistants de service social (ANAS) s’inquiète des orientations dessinées par le groupe de travail « métiers et complémentarités » qui planche sur le sujet dans le cadre des « états généraux du travail social », dont le rapport doit être remis à la fin de l’année ou au mois de janvier, avant d’être discuté durant le premier semestre 2015. Depuis plusieurs mois opposée aux orientations prises par la commission professionnelle consultative (CPC) du travail social et de l’intervention sociale, qui pilote les travaux, l’association réagit à une « note d’étape » présentée le 9 octobre aux membres du groupe de travail, auquel elle participe. L’ANAS s’oppose à un « projet qui fait disparaître l’ensemble des diplômes actuels en travail social, pour aller vers un diplôme unique pour l’actuel niveau III » et à la remise en cause de « l’histoire du travail social » qui s’est structuré autour de la construction de métiers, « figures professionnelles » d’ailleurs bien identifiées par les usagers.
Les pistes privilégiées par la commission depuis plus de un an sont en effet confirmées, même si tout n’est pas encore tranché. Le document rappelle les préalables défendus par la CPC, dont le caractère générique des diplômes, la « correspondance avec les grades universitaires LMD » et l’alternance intégrative qui, toutefois, ne doit pas être réduite « à la seule formule de “stage sur site” ». Quel que soit le scénario d’architecture finale qui sera retenu, « l’identification de compétences communes constitutives d’un socle commun de compétences pour chaque niveau de diplômes apparaît comme une nécessité d’un triple point de vue », explique la note : valoriser la culture professionnelle commune du travail social, mettre en évidence des compétences relevant des « cœurs de métiers » et participer « à la construction d’une référence identitaire forte ». Le document, qui émet l’hypothèse d’une liste de « registres » de compétences, estime « qu’il apparaît raisonnable de tabler sur un volume de socle commun équivalent au minimum à 50 % de l’ensemble du cursus ». Deuxième « palier » de la formation : la « spécialité ». D’ores et déjà, « il apparaît assez clairement que deux grandes “familles professionnelles” peuvent être identifiées, l’une correspondant à l’aide et au développement social, l’autre à l’accompagnement socio-éducatif », poursuit la note. L’animation socioculturelle pourrait en constituer une troisième. Un « parcours optionnel » – « développement de projets territorialisés » ou « gestion des cas complexes », par exemple, constituerait le troisième « palier » de la formation (10 % du cursus). Dans ce « scénario exploratoire », chaque niveau de qualification « est associé à un intitulé générique de diplôme », comme « auxiliaire-assistant en travail social », « technicien-intervenant en travail social » ou « expert en travail social ». Les auteurs précisent que leur projet « redessine la carte des diplômes sans se focaliser sur les appellations de diplômes existants ».
Pour Antoine Guillet, membre du conseil d’administration de l’ANAS, qui rappelle que les passerelles existent déjà, « l’idée de rassembler les métiers en un seul diplôme pour développer le travail pluridisciplinaire est très discutable, car ce n’est pas en atténuant les différences que l’on favorisera les complémentarités ». Il rappelle que l’ANAS est toutefois « favorable à la mise en œuvre de troncs communs comme cela se développe progressivement » dans les centres de formation. Mais l’association craint que « la diversité et la richesse de plusieurs professions » qui se complètent et s’articulent au bénéfice de l’usager soient gommées. « Un assistant de service social et un éducateur ont des manières différentes de penser leur intervention. Leur formation permet de contrebalancer les logiques institutionnelles par des références propres à leur métier. Comment le travailleur social unique pourrait se positionner face à l’usager », interroge Antoine Guillet.
Selon lui, la refonte proposée cantonnerait les travailleurs sociaux à des « fonctions d’exécutants ». « Il s’agirait de former des professionnels “standard” avec des spécialités, dans une visée opérationnelle, méthodologique et technique », poursuit-il. Enfin, « la disparition des métiers du travail social provoque celle de leurs règles professionnelles et du secret par profession inscrit dans le code de l’action sociale et des familles pour les assistants de service social », redoute l’ANAS. Estimant que « ce qui pose véritablement problème est bien le contenu de la commande publique et l’organisation mise en place par les employeurs », elle appelle à « un engagement collectif dans une opposition constructive visant à promouvoir des pratiques professionnelles diversifiées et portées par du sens, dans le respect des personnes aidées et de l’intérêt collectif ».