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Les cinq associations intervenant en rétention veulent la révision du projet de loi sur l’immigration

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« Nos analyses, témoignages et constats de terrain appellent une nouvelle fois à un changement de politique et au respect effectif des droits fondamentaux des personnes placées en rétention. » A l’occasion de la publication, le 18 novembre, de leur quatrième rapport commun, les cinq associations qui interviennent dans les centres de rétention administrative pour y assurer une mission d’information et d’assistance juridique – l’Assfam, la Cimade, Forum réfugiés-Cosi, France terre d’asile et l’Ordre de Malte – demandent que soit modifié en profondeur le projet de loi relatif aux droits des étrangers, présenté en conseil des ministres en juillet dernier(1) et dont l’examen parlementaire pourrait commencer au début 2015.

De fait, le tableau dressé dans leur rapport (issu des statistiques disponibles, complétées par leurs propres données) est toujours sombre : la France « enferme toujours autant de personnes étrangères, y compris les plus vulnérables. Au total, ce sont plus de 45 000 personnes, dont 3 607 enfants, qui ont été privées de liberté » en 2013, soulignent les auteurs. Tandis que « le nombre de retours forcés est en hausse (+ 15 %), atteignant 44 458 personnes en 2013 contre 38 652 en 2012 », celui des éloignements via les « aides au retour » a chuté (- 58 %). Quant à l’assignation à résidence, elle ne représente, selon le rapport, que « 2,9 % des mesures de contrainte ». Autre constat : parmi les 51 844 personnes expulsées, 60 % l’ont été vers un pays de l’Union européenne. « Le record de l’enfermement de citoyens européens en rétention, roumains pour la plupart, est battu en 2013 », selon les associations.

Leur rapport dénonce par ailleurs « la persistance d’atteintes graves aux droits fondamentaux des personnes retenues », en particulier l’absence de contrôle des mesures d’éloignement par les juges judiciaires. Conséquence de la loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité qui a repoussé l’intervention du juge des libertés et de la détention après cinq jours de rétention, 54 % des personnes retenues expulsées l’ont été sans avoir pu être présentées devant un juge. Or, en métropole, les juges des libertés et de la détention ont sanctionné 20 % des procédures. Preuve, selon les associations, des « nombreuses violations des droits dont sont victimes les personnes étrangères enfermées en rétention ». Au total, la moitié des personnes retenues a été libérée, soit par décision du juge judiciaire ou administratif, soit parce que les autorités n’ont pu les éloigner. « Ainsi, le recours à la rétention pourrait être plus limité, si l’administration agissait avec plus de discernement », en conclut le rapport.

Sur les plus de 3 600 mineurs enfermés, plus de 3 500 l’ont été à Mayotte, « dans des conditions dégradantes et sans accès effectif au juge », soulignent encore les associations. Si, en métropole, le nombre de familles et d’enfants en rétention a nettement diminué, « cette pratique traumatisante perdure » et sur les 27 centres de rétention existants, « dix sont toujours habilités à recevoir des familles, même si leur utilisation à cette fin est variable ». Au total, « 19 familles, dont 27 adultes et 41 enfants, y ont encore été enfermées durant l’année 2013 (contre 85 adultes et 99 enfants en 2012) ». A ces derniers s’ajoutent « 112 personnes [qui ont] aussi subi cette privation de liberté alors qu’elles s’étaient déclarées mineures ». Et les locaux de rétention administrative, créés par arrêté préfectoral, ont retenu plus de 220 enfants (dont plus de 50 en métropole) alors qu’ils ne sont pas habilités à recevoir des familles. Les auteurs pointent également de « graves atteintes au droit de vivre en famille » : l’administration semblerait opter « pour l’enfermement d’un seul membre, le plus souvent le père, en espérant ainsi contraindre au départ le reste de la famille. L’éclatement de la cellule familiale durant la privation de liberté et le risque qu’il perdure en cas d’expulsion constitue une violence forte à l’égard des personnes. » Sans compter que ces placements en rétention « ont pour conséquence de laisser des mineurs seuls à l’extérieur pendant plusieurs jours sans aucune personne bénéficiant de l’autorité parentale pour les garder ».

Alors qu’elles attendaient beaucoup du projet de loi relatif aux droits des étrangers, les cinq associations regrettent qu’il « renforce davantage le système d’enfermement » et conserve « les mesures les plus dures de la loi Besson de 2011, tout en restant muet sur les atteintes aux droits les plus problématiques ». Si toutes ne partagent pas forcément les mêmes positions, elles s’accordent sur « neuf raisons » qui appellent, selon elles, « une révision profonde du projet de loi ». En premier lieu, la nécessité de réviser la durée maximale de rétention (45 jours depuis 2011), d’assurer le contrôle du juge judiciaire en prévoyant son intervention après 48 heures de rétention, de protéger les enfants de la privation de liberté et de mettre fin au « régime dérogatoire » en outre-mer. Les associations veulent aussi que le projet de loi prévoie la suppression ou la limitation du recours aux locaux de rétention administrative, « angle mort de la rétention », assure la suspension de l’expulsion des personnes atteintes d’une maladie grave, y compris quand elle est décelée en rétention. Elles demandent aux parlementaires de revenir sur le projet d’élargissement de la mesure d’interdiction de retour dans l’Union européenne et de création d’une interdiction de circuler en France pour les citoyens européens en cas de « trouble à l’ordre public » ou d’« abus de droit ». Enfin, elles souhaitent que l’assignation à résidence puisse garantir aux personnes l’exercice de leurs droits.

(1) Voir ASH n° 2872 du 29-08-14, p. 5.

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