« En France, 850 000 personnes sont touchées par la maladie d’Alzheimer, 150 000 par la maladie de Parkinson et 85 000 par la sclérose en plaques. » Succédant au troisième plan « Alzheimer » 2008-2012, un nouveau plan étendu à d’autres maladies neurodégénératives a été présenté le 18 novembre par Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé, ainsi que par Laurence Rossignol et Geneviève Fioraso, secrétaires d’Etat chargées respectivement des personnes âgées et de la recherche. Un élargissement justifié par les caractéristiques communes de ces pathologies (très souvent invalidantes, dépourvues de traitement curatif, dont les traitements symptomatiques exposent à des effets secondaires importants…) et qui doit permettre une approche coordonnée, en particulier dans le domaine de la recherche. « Fruit d’une large concertation avec les acteurs du secteur », le plan comporte 96 mesures réparties en quatre axes stratégiques pour la période 2014-2019, mais aucune précision sur son financement(1). Des associations de malades et d’établissements craignent que les crédits alloués soient insuffisants (voir ce numéro, page 21).
Dix mesures visent à améliorer la réponse aux besoins d’accompagnement social et médico-social des malades en poursuivant la dynamique engagée par le précédent plan « Alzheimer ». Afin d’améliorer l’accompagnement à domicile, le plan prévoit ainsi de « mobiliser davantage » les services d’aide et d’accompagnement à domicile (SSAD) dans la politique d’accompagnement des personnes malades, de renforcer et d’adapter l’intervention des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) et des services polyvalents d’aide et de soins à domicile (Spasad). A ce titre, il s’agira notamment d’identifier et de responsabiliser des SAAD et des SSIAD « de référence » sur chaque territoire, de mieux identifier les complémentarités entre les acteurs de l’aide et des soins à domicile ainsi que les frontières avec une prise en charge en hospitalisation à domicile. Le plan prévoit également de tester avec quelques SSIAD et/ou Spasad volontaires un accompagnement pluridisciplinaire sur la base de protocoles d’intervention et de publics cibles. Autres mesures : la création de 74 nouvelles équipes spécialisées « Alzheimer » (soit 740 places et 2 220 personnes accompagnées) et l’expérimentation de leur extension aux autres maladies neurodégénératives.
Côté établissements, le plan prévoit de poursuivre le déploiement des pôles d’activité et de soins adaptés (PASA) et des unités d’hébergement renforcé (UHR), dispositifs instaurés par le dernier plan « Alzheimer » au sein des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), afin d’« assurer un bon maillage territorial de l’offre ». Le cahier des charges de ces dispositifs sera rénové pour permettre l’accueil des malades de Parkinson et de la sclérose en plaques « lorsque cela se justifie ». En outre, les besoins des malades dits « jeunes » (moins de 70 ans) seront pris en compte dans les travaux de rénovation des outils de tarification des EHPAD (grille Aggir et référentiel Pathos). Par ailleurs, afin d’assurer la continuité des soins et/ou l’accès aux prises en charge adaptées aux résidents d’EHPAD touchés par une maladie neurodégénérative, des travaux seront engagés avec l’assurance maladie en vue de la prise en charge de certains médicaments et dispositifs médicaux en dehors de la dotation globale de soins des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes avec ou sans pharmacie à usage intérieur.
Autre axe de travail : le développement de l’offre médico-sociale « sur la base d’une gamme de services intégrés portés par des appels à projet transversaux ». Les agences régionales de santé (ARS) auront ainsi la tâche d’identifier les besoins non couverts grâce à une démarche de diagnostic territorial et devront favoriser les appels à projets transversaux ou innovants pour construire une « gamme de services adaptés » à la spécificité des maladies neurodégénératives (par exemple avec le développement de plateformes de services regroupant des places d’hébergement temporaire, d’accueil de jour et de SSIAD sur un territoire). Le plan prévoit en outre de « confirmer la possibilité pour les ARS de proposer, en lien avec le niveau national, une fongibilité entre les mesures qu’elles doivent mettre en œuvre dans les cas où celle-ci s’avère nécessaire pour répondre aux besoins du territoire ».
D’autres mesures visent à poursuivre le soutien aux aidants : création de 65 plateformes d’accompagnement et de répit supplémentaires, poursuite de la réorganisation de l’accueil de jour ou encore développement de l’offre d’hébergement temporaire jusqu’à atteindre l’objectif fixé par le plan précédent (soit un total de 5 600 places, sachant que 55 % de cet objectif a été atteint au 31 décembre 2013).
Le plan entend traduire les exigences du futur service territorial de santé au public, institué par le projet de loi « santé »(2), dans le champ des maladies neuro-dégénératives. Objectif : favoriser l’intégration des réponses sanitaires, médico-sociales et sociales au sein de « véritables » parcours de santé, notamment pour les situations complexes. Il est également prévu d’améliorer l’accompagnement de fin de vie des personnes concernées (formation des professionnels, soutien aux familles…) ou encore de consolider la dynamique d’intégration des services d’aide et de soins pour les personnes âgées en perte d’autonomie grâce à la création de 100 nouveaux dispositifs MAIA (50 en 2015 et 50 en 2016)(3).
Dans le domaine des soins, un des enjeux est d’offrir un diagnostic « de qualité » pour éviter les situations d’errance médicale. Le plan entend également « favoriser une évaluation globale et partagée de chaque situation ou garantir l’accès à un programme personnalisé de soins ». Les gestionnaires de cas des MAIA devront ainsi bénéficier d’un outil unique d’évaluation multidimensionnelle des besoins et les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) d’outils descriptifs des impacts de chaque maladie neurodégénératives en terme de handicap. Les travaux de la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie visant à harmoniser les pratiques des MDPH et des équipes « APA » (allocation personnalisée d’autonomie) des conseils généraux et à améliorer l’équité de traitement sur le territoire seront quant à eux poursuivis. D’autres mesures consistent à développer l’éducation thérapeutique, à consolider l’offre de soins, à soutenir la mise en place des centres-experts « Parkinson », à identifier des centres-experts « sclérose en plaques », à créer 20 à 30 unités cognitivo-comportementales supplémentaires ou encore à améliorer la prise en compte des situations de souffrance psychique via un « recours optimisé » à une prise en charge psychiatrique.
Un des objectifs du plan est de favoriser l’adaptation de la société aux enjeux des maladies neuro-dégénératives et d’atténuer leurs conséquences sur la vie quotidienne des malades. Il est ainsi prévu de valoriser les avancées de la politique d’adaptation des logements en faveur des personnes handicapées ou en perte d’autonomie ou encore de recenser et de diffuser les initiatives « les plus porteuses » pour faciliter les déplacements des personnes concernées. Un autre enjeu du plan est d’atténuer les conséquences économiques de la maladie via un assouplissement des conditions d’ouverture des droits aux indemnités journalières en cas d’arrêt maladie, en particulier pour les salariés ayant un parcours professionnel morcelé. Un plan « santé au travail » pour la période 2015-2019 comportera en outre des mesures en faveur du maintien d’un parcours professionnel pour les malades « jeunes ». L’accès aux assurances et aux crédits sera également renforcé (harmonisation des questionnaires de santé par pathologie…).
Pour « rendre effective la démocratie sanitaire », le plan prévoit de poursuivre et/ou de développer les conventions avec les associations de personnes malades et/ou d’aidants au niveau national et local, et de développer les réseaux de représentants ayant vocation à être présents au sein des MAIA et des établissements de santé et médico-sociaux.
Côté gouvernance, un comité de suivi du plan, ayant un rôle d’observation et de ressources, sera mis en place au niveau national et présidé par le professeur Michel Clanet, neurologue chef de pôle au CHU de Toulouse(4). Une équipe projet restreinte sera chargée de l’animation en vue de faciliter l’avancée des travaux et d’organiser des échanges entre les acteurs impliqués. Les ARS seront, quant à elles, chargées de l’animation et du pilotage des mesures au niveau local et devront veiller à faire évoluer leur organisation pour tenir compte du périmètre élargi du plan.
(1) Rappelons que le plan « Alzheimer » 2008-2012 était doté de 1,6 milliard d’euros, dont 1,2 milliard pour le secteur médico-social. Une partie de ces crédits reste à ce jour non utilisée.
(3) Rappelons que le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement prévoit de changer la signification de l’acronyme MAIA. Jusqu’à présent « maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer », elles devraient devenir « méthodes d’action pour l’intégration des services d’aide et de soins dans le champ de l’autonomie » – Voir ASH n° 2866 du 27-06-14, p. 73.
(4) Le comité de suivi comprendra notamment des représentants des associations d’usagers et d’aidants, des établissements sanitaires et médico-sociaux et des collectivités locales. La liste complète figure en annexe 2 du plan, disponible sur