Une enfant d’exception

Quand sa fille naît porteuse d’une trisomie non dépistée, la vie de Fabien Toulmé s’écroule. C’est que cet ingénieur et auteur de bandes dessinées avait quasiment « prédit » ce handicap, inquiet dès le début de la grossesse et interrogeant sans cesse les médecins sur les risques potentiels. Une intuition ? « Il y aurait plus de probabilités de gagner au loto », avait sourit la gynécologue devant ses questions incessantes.

Sa femme et lui ont donc défié les statistiques, et l’arrivée de Julia n’est pas accueillie avec le bonheur qui caractérise les naissances. L’auteur, qui relate dans Ce n’est pas toi que j’attendais sa propre histoire en images, fait preuve d’une franchise absolue, parfois perturbante, quand il raconte les premiers jours de sa fille, cet enfant dont il ne veut pas. Dès qu’il la voit, il ressent « une grande secousse, un tremblement ». Il ne cesse de comparer son bébé aux autres, « normaux ». « Je me mis à imaginer ces vieux qui se trimbalent en ville avec à leurs bras leur enfant, un adulte trisomique, la langue pendante, le bide à l’air. Ces vieux qui ont l’air tristes et désabusés… », écrit-il dans les cases les plus sombres. Fabien Toulmé a élaboré son récit – un roman graphique en bichromie de près de 250 pages – en détaillant toutes les étapes de cette naissance, de la douleur à, de longs mois plus tard, un sentiment de plénitude. Car Julia, d’abord considérée comme un « boulet » va finir, grâce à sa bonne humeur contagieuse, par conquérir ce papa angoissé. Qui s’investit de plus en plus pour accompagner son enfant dans sa progression – « Chaque étape passée était une petite victoire attendue avec impatience ». Au centre d’action médico-sociale précoce (CAMSP) d’Aix-en-Provence, où sa fille est prise en charge, il est impressionné par la quantité de rendez-vous hebdomadaires prescrits (kiné, orthophoniste, psychomotricien, éducateur). Il y rencontre aussi d’autres parents qui vivent le handicap chacun à leur manière. C’est sur sa femme, qui semble vivre cette naissance plus sereinement, que Fabien Toulmé pourra le plus s’appuyer. Au Brésil, dont elle est originaire, les enfants trisomiques sont nommés « enfants spéciaux », au sens d’exceptionnels. On considère qu’ils choisissent les parents qu’ils pensent à la hauteur pour s’occuper d’eux…