Le réalisateur Jean-Pierre Améris (Les émotifs anonymes) était fasciné depuis toujours par Helen Keller (1885-1968), cette femme américaine sourde et aveugle qui apprit à communiquer grâce à une gouvernante déterminée. Il a longtemps voulu raconter cette histoire à sa façon. Mais le montant des droits était vertigineux… Après la déception initiale, il entreprend des recherches sur la surdicécité. Dans un livre écrit dans les années 1920, il lit le portrait d’une autre jeune femme qui cumule les handicaps, Marie Heurtin, accueillie en 1895 dans l’établissement pour filles sourdes de Larnay (Vienne). Une sœur s’est dédiée corps et âme pour permettre à cette enfant sauvage – que les médecins voulaient envoyer à l’asile – de communiquer. C’est cette histoire, ce rapport fusionnel entre sœur Marguerite et cette petite fille de 11 ans qui doit littéralement tout apprendre, qu’il filme dans Marie Heurtin, son dernier long métrage. Pour interpréter l’enfant, qui ne s’exprime que par des coups et des cris, il a choisi une jeune fille sourde épatante. Elle joue à merveille la défensive, l’agressivité, la peur constante de cette enfant qui ne sait rien. Mais c’est surtout la pugnacité de sœur Marguerite qui est mise en avant dans le film : dépeinte comme déraisonnable et obstinée, la nonne, armée de sa foi et de son amour pour la petite Marie, tâtonne pour trouver une méthode qui lui permettra de s’adapter à la société ou, du moins, d’ouvrir les portes de la communication. « Calvaire, calvaire, calvaire », clame-t-elle quand, au bout de quatre mois de tentatives d’enseignement, elle n’arrive toujours pas à faire prendre un bain à Marie, ni à la faire asseoir à table, ni à lui apprendre le moindre geste de la langue des signes… Jusqu’au déclic. Qui n’est que le début d’un long apprentissage de la dactylologie(1). Et à chaque pas franchi, on est un peu plus bouleversé.
Marie Heurtin
Jean-Pierre Améris – Avec Isabelle Carré et Ariana Rivoire – 1 h 35 – En salles le 12 novembre –
(1) Alphabet de la langue des signes.