Les principes énoncés dans la note d’orientation de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) diffusée le 30 septembre(1) pourront-ils être mis en œuvre dans le contexte budgétaire et législatif actuel ? Les syndicats et les associations du secteur habilité justice en doutent. « Ce changement de regard et de langage sur la jeunesse en difficulté est important, de même que la réaffirmation des fondamentaux de la justice des mineurs, commente Maria Inès, secrétaire nationale du Syndicat national des personnels de l’éducation et du social (SNPES)-PJJ-FSU. Cependant, la note va se heurter à la question des moyens, qui ne sont pas du tout à la hauteur des besoins, et au fait que la réforme de l’ordonnance de 1945, dont les dispositifs les plus sécuritaires subsistent, n’ait pas encore eu lieu. » Celle-ci devrait, en effet, être annoncée à la fin de l’année, mais son inscription au calendrier parlementaire est encore très incertaine. Quant au projet de loi de finances pour 2015, il prévoit 778 millions d’euros en crédits de paiement pour la PJJ (contre 785 millions en 2014), et seulement 28 équivalents temps plein supplémentaires pour le renfort des actions éducatives en milieu ouvert et dans les centres éducatifs fermés (CEF). « Budgétairement parlant, les CEF restent au cœur du dispositif de placement », regrette Maria Inès, soulignant que la question de l’hébergement est renvoyée à l’un des groupes de travail prévus pour 2015, d’autres étant annoncés, notamment sur l’insertion sociale et professionnelle et les normes d’intervention. « Tout reste à faire en quelque sorte », résume la secrétaire nationale du SNPES.
Sur le fond, les syndicats déplorent que la note d’orientation n’ait pas remis en cause le recentrage de la PJJ sur les mesures pénales. « Les prises en charge au civil et des jeunes majeurs resteront extrêmement rares », déplore Alain Dru, secrétaire général de la CGT-PJJ. Alors que le document réaffirme le rôle de « fil rouge » du milieu ouvert, « le budget de fonctionnement de la PJJ chute de 40 %, ce qui ne laissera plus rien pour permettre aux éducateurs de se déplacer, d’aller voir les jeunes suivis », surtout quand ils sont pris en charge dans un établissement éloigné de la juridiction qui a prononcé la mesure. Plus globalement, « si la loi ne change pas, la note aura les mêmes effets que la circulaire de 2012 sur les peines planchers : elle n’aura de valeur que l’intérêt que les magistrats y trouveront ».
Si la note conforte le rôle du secteur associatif habilité (SAH), non sans d’ailleurs inquiéter les syndicats de la PJJ, les fédérations associatives attendent davantage de précision sur les rôles respectifs des associations et du secteur public. D’autant que le budget du SAH est lui aussi en baisse. « Le nombre d’établissements et services du secteur associatif est passé de 1322 en 2009 à 1095 en 2013, relève Samia Darani, conseillère technique à l’Uniopss. Ceux ayant une double habilitation, à même de proposer une diversification des réponses, sont les plus touchés par cette diminution. » La note « manque d’opérationnalité », considère également Audrey Pallez, chargée du pôle « justice des mineurs » à la CNAPE (Convention nationale des associations de protection de l’enfant), selon qui la DPJJ n’a pas encore abordé tous les problèmes pouvant entraîner des dysfonctionnements dans les prises en charge. Un arrêté, qui devrait formaliser un nouveau cahier des charges pour les CEF, devrait être signé avant la fin de l’année. S’inspirant en partie du rapport de l’IGAS, de l’IGSJ et de l’IPJJ(2) remis à la garde des Sceaux en février 2013, le projet de texte « rend le cahier des charges opposable juridiquement, en réaffirmant et précisant principalement les missions et les règles de fonctionnement des CEF »,indique Audrey Pallez. Mais les associations n’ont pas encore obtenu satisfaction sur toutes leurs demandes, notamment celle de « faire valoir de manière prioritaire l’accueil interrégional des CEF alors que le principe de leur vocation nationale est maintenu », pointe-t-elle. Favoriser la prise en charge du jeune au plus près de sa famille et de son environnement serait pourtant plus conforme à la volonté de faire du milieu ouvert le « socle » de l’intervention éducative. Les associations attendent en outre que les arbitrages soient rendus sur la question du nombre d’équivalents temps plein (ETP) dans les CEF. « Il sera probablement fixé à 26,5, dont 1,5 en santé [contre 24 aujourd’hui et 27, hors personnel de santé, demandés par les inspections], avec un objectif de 85 % de taux d’occupation, explique Samia Darani. En plus de ces effectifs internes, chaque établissement devrait compter 0,5 ETP en santé dans le cadre d’un partenariat externe. » Il serait en revanche mis fin aux projets spécifiquement « santé mentale ». La CNAPE, qui craint que les normes en matière d’emploi pour les CEF aboutissent à une rigidité des projets d’établissements, a adressé, en octobre, un courrier à la directrice de la PJJ pour lui demander une réflexion sur un coût global de fonctionnement des CEF.
Autre texte prochainement soumis à la signature : la note sur la mesure judiciaire d’investigation éducative (MJIE). « Nous sommes à 90 % satisfaits de son esprit, même si nous demandons des retouches », souligne Michel Folliot, président de la FN3S (Fédération nationale des services sociaux spécialisés), soulevant néanmoins la question de la portée juridique de ce document, qui doit remplacer une circulaire de 2010. Alors que la modularité de la MJIE, dans le temps et le contenu, était contestée, le projet de texte fixe sa durée à six mois et supprime ses modules spécifiques. « En revanche, nous attendons de nous remettre au travail sur la question de la tarification », ajoute Michel Folliot. Un comité national de pilotage sur la MJIE est prévu par la DPJJ en décembre.
(2) Inspections générales des affaires sociales, des services judiciaires et inspection de la PJJ.