Les 14 recommandations du rapport Dynamiser l’emploi des personnes handicapées en milieu ordinaire(1), remis au gouvernement le 4 novembre par la députée (SRC) des Côtes-d’Armor Annie Le Houérou, « feront l’objet d’un examen attentif durant les prochaines semaines, dans la perspective de la conférence nationale du handicap du mois de décembre, qui sera l’occasion d’examiner comment elles pourraient être appliquées ». C’est ce qu’ont indiqué le ministre du Travail et de l’Emploi, François Rebsamen, et la secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées, Ségolène Neuville, qui ont reçu ce document au terme de la mission confiée à l’élue en mars dernier, dans la continuité du comité interministériel du handicap du 25 septembre 2013.
Partant du constat que le droit des personnes handicapées à être efficacement accompagnées dans leur parcours professionnel « reste trop souvent encore lettre morte », le chômage touchant deux fois plus ce public que le reste de la population (à hauteur de 22 %), la députée considère qu’il est « nécessaire d’adapter, de réformer et de compléter les dispositifs » existants, en restant dans l’esprit de la loi « handicap » du 11 février 2005.
Le droit à un emploi ordinaire est « indissociable de la mise en place des « aménagements raisonnables » du milieu professionnel », décrit-elle en premier lieu, en faisant référence à la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 contre les discriminations en matière d’emploi, notamment liées au handicap, qui fixe le cadre général applicable en la matière et qui a été transposée en France par diverses dispositions. Dans les faits, ces aménagements sont conçus et financés, dans le secteur privé, par l’Agefiph, et, dans la fonction publique, par le Fiphfp, tandis que, sur le terrain, les organismes de placement spécialisés Cap emploi et les services d’aides au maintien en emploi des travailleurs handicapés (Sameth) sont les principaux interlocuteurs des employeurs et des personnes handicapées. Mais force est de constater que le taux d’emploi des travailleurs handicapés est loin de l’obligation légale de 6 % des effectifs : il se situe à 3 % dans le privé et à près de 4,4 % dans le public, alors que, dans le même temps, le nombre de demandeurs d’emploi en situation de handicap ne cesse d’augmenter (voir le cri d’alarme de l’Association des paralysés de France, ce numéro, page 18).
La question de l’aménagement raisonnable est en outre trop souvent regardée sous le seul angle technique et matériel et, le cas échéant, réglée avec les adaptations requises, mais d’autres aspects doivent être envisagés pour faciliter l’emploi des personnes handicapées. Ainsi, « selon la diversité des handicaps, le besoin d’accompagnement peut prendre, outre la forme de prestations matérielles, celle d’un suivi, d’un soutien, d’une veille ». Or, du tutorat en entreprise aux prestations ponctuelles spécifiques, les solutions mises en œuvre restent limitées et n’empêchent pas « des discriminations dans l’emploi faute d’un accompagnement adapté », note le rapport, qui s’appuie à ce sujet sur les réclamations adressées au défenseur des droits. Par ailleurs,les échanges entre milieu adapté et milieu ordinaire sont encore marginaux, et les dispositifs d’emploi qui permettent aux travailleurs handicapés de prendre contact avec la réalité du travail hors du secteur protégé sont « peu utilisés ». Beaucoup de chefs d’entreprise les jugent complexes et préfèrent sous-traiter avec des établissements et services d’aide par le travail (ESAT) pour remplir leurs obligations d’emploi.
Le fait est que nombre « des besoins à particularités, en partie liés au handicap psychique, sont mal couverts », poursuit Annie Le Houérou, même si, là aussi, la mission relève de nombreuses actions sur le terrain, notamment dans le secteur associatif, avec des pratiques et des situations très diverses.
Au final, la députée bretonne préconise moins de bouleverser le panorama actuel que de renforcer les moyens existants. Parmi ses recommandations, elle suggère, en premier lieu, de confier « explicitement une nouvelle mission au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) en faveur des travailleurs handicapés », car « dès que la voie est possible, le chemin du droit commun doit être privilégié pour favoriser l’inclusion sociale maximale des personnes handicapées ».
L’élue invite aussi les partenaires sociaux à « intégrer l’emploi et le maintien en emploi des personnes handicapées à toutes les étapes de la négociation collective, du niveau national à celui du bassin d’emploi ». Et d’ailleurs, l’agenda social arrêté pour la fin 2014-début 2015 « doit bien prendre en compte les travailleurs handicapés », pour mettre fin à « l’atonie du dialogue social sur les questions du handicap », qui se traduit par peu d’accords signés et des contenus décevants.
Pour encourager les efforts des entreprises et des services publics, Annie Le Houérou propose aussi la création d’un label administratif « entreprise-administration handi-accueillante », inspiré d’une norme élaborée en 2010 par l’AFNOR. Elle plaide aussi pour clarifier la notion centrale d’« aménagement raisonnable » des conditions de travail, qui reste trop floue pour beaucoup d’entreprises où les outils et les savoir-faire nécessaires font défaut. Une lacune à pallier en prévoyant de faire financer par l’Agefiph et le Fiphfp une prestation « étude de faisabilité », qui donnerait « à l’employeur un contenu concret à la notion d’aménagement raisonnable, en lien avec les travaux initiés par le défenseur des droits ».
Concernant la mobilité des travailleurs handicapés entre structures, voire entre milieu adapté et milieu ordinaire, elle devrait être favorisée par des décisions d’orientation de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées affinées : « milieu ordinaire de travail avec besoins spécifiques en évaluation-accompagnement » et « milieu protégé avec évaluation renforcée ». Enfin, pour élargir le champ des possibilités professionnelles des personnes en ESAT, le contenu professionnel des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens qui lient ces structures aux agences régionales de santé devrait être valorisé, tandis que des plateformes d’échanges « Services-emploi pour tous » pourraient ouvrir dans chaque bassin d’emploi avec les Cap emploi.
(1) Dynamiser l’emploi des personnes handicapées en milieu ordinaire – Aménager les postes et accompagner les personnes – Disp. sur