« Il y a autant de manières d’être psychologue en établissement que de contextes d’exercice. Les positionnements sont extrêmement divers selon les structures, les contrats de travail, les fiches de poste, le public de l’institution… », explique Laurent Garcia, psychologue et formateur. Certains psychologues interviennent uniquement auprès des usagers que ce soit sous la forme d’entretiens individuels, de travail de groupe, de tests, d’ateliers spécifiques (par exemple autour de la mémoire pour des malades d’Alzheimer)… En règle générale, leur intervention est soumise au fait que les bénéficiaires sont « en mesure d’exprimer leur vécu interne », souligne Gilles Métais, porte-parole du collectif des psychologues de la fédération Santé-Action sociale de la CGT. Quand ce n’est pas le cas – par exemple dans certains établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ou dans des établissements pour personnes très handicapées – ou lorsque les personnes sont en trop grande souffrance psychologique, le psychologue peut utiliser des outils de médiation, en lien avec le corps notamment.
Au-delà du soutien psychologique, le psychologue est également amené à orienter les usagers vers des structures extérieures (un centre médico-psycho-pédagogique par exemple) pour un suivi plus poussé. « Il doit savoir travailler en coordination dans le cadre d’un réseau de partenaires », observe Antoine Molleron, psychologue au sein de l’association de protection de l’enfance Jean-Cotxet à Paris et membre de la Société française de psychologie.
Une autre fonction des psychologues en institution consiste à travailler en direction des équipes. « Et ce d’autant plus que l’établissement accueille des publics très en difficulté, ce qui accroît le besoin qu’ont les professionnels d’échanger sur les relations qu’ils nouent avec eux », explique Gilles Métais. Leur intervention revêt alors différentes formes : « Le travail le plus classique est la synthèse où sont repris les objectifs que s’est donnés l’équipe. Mais, de façon plus spécifique, les psychologues réalisent aussi de la supervision – appelée aussi reprise d’activité selon les lieux[1] – qui permet aux professionnels d’évoquer ce qui se joue dans leurs interventions auprès des usagers. » « Ils participent à la fois aux réunions d’équipe pour apporter leur éclairage clinique dans le cadre d’études de cas et amènent les professionnels à se distancier du terrain pour analyser leurs pratiques », complète Laurent Garcia.
Beaucoup interviennent cependant à la fois auprès des usagers et des équipes. C’est le cas de Nathalie Seigneur. Cette psychologue au sein de l’établissement et service d’aide par le travail (ESAT) Léopold-Bellan, à Paris, reçoit en entretien les adultes handicapés qui le souhaitent tout en apportant son soutien à l’équipe. « Mon travail se situe à ces deux niveaux mais pas seulement : je m’occupe également des admissions en recevant en première instance les personnes qui veulent intégrer l’ESAT et en donnant mon avis. S’il est négatif, il n’y a pas de suite », explique-t-elle. Elle rencontre également les familles et fait le lien avec le secteur sanitaire au besoin (psychiatre, centre médico-psychologique…). « C’est une ressource indispensable dont le regard affûté et l’expertise apportent une distanciation nécessaire – et ce, que ce soit dans le cadre de l’évaluation de la personne lors de son admission, au cours du suivi des travailleurs qu’elle reçoit régulièrement ou lors de situations de crise, pendant les réunions d’équipe ou à la suite d’une interpellation par un moniteur d’atelier qui connaît des difficultés d’accompagnement », commente Anne Frérot, directrice de l’ESAT.
Ces missions multiples n’ont rien d’inhabituel. Dans certains cas, s’y greffe une intervention auprès des directions d’établissements. « Les psychologues peuvent être associés à la mise en œuvre d’une démarche “qualité”, à l’élaboration du projet d’établissement, à l’évaluation interne ou externe de la structure… », explique Laurent Garcia. Il y a d’ailleurs là un véritable enjeu, souligne François Noble, directeur de l’Association nationale des cadres du social (Andesi) : « Nous sommes de plus en plus sollicités par des associations pour repenser la place des psychologues dans le sens d’une plus grande participation à la fonction de direction – c’est par exemple le cas de structures traditionnellement tournées vers le handicap mental qui accueillent désormais des personnes handicapées psychiques : les psychologues peuvent apporter leur expertise mais aussi contribuer à la mission de recherche et développement. » « Le psychologue est invité à repenser son rôle au-delà de la clinique individuelle pour sauvegarder ou construire une clinique institutionnelle en lien plus étroit avec les directions », complète Isabelle Méry, chef de projet à l’Andesi.
Défini et protégé par la loi du 25 juillet 1985, le titre de psychologue est identique quel que soit son secteur d’activité et son statut (libéral, salarié du secteur public, associatif ou privé). Pour exercer, le psychologue doit être titulaire d’un master 2 professionnel ou de recherche en psychologie – diplôme délivré par de nombreuses universités. Depuis 1996, il existe un code de déontologie qui a été actualisée en 2012 – mais, pour l’instant, il n’est pas inscrit dans la loi et n’est donc pas opposable. Il précise notamment que le psychologue « n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées » et « préserve la vie privée et l’intimité des personnes en garantissant le respect du secret professionnel ». Il affirme également que « le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l’application des méthodes et techniques qu’il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule ».
(1) L’activité de supervision est toutefois fréquemment réalisée par des psychologues extérieurs à l’établissement, ce qui permet une lecture des situations plus distanciée.