Alors que commence, le 1er novembre, la trêve hivernale des expulsions locatives, la Fondation Abbé-Pierre s’inquiète d’un « répit sans perspective » pour les ménages et fait état de chiffres toujours plus alarmants. Selon le ministère de la Justice, le nombre d’assignations au tribunal a augmenté de 7,7 % en cinq ans pour atteindre 161 776 en 2013. Dans la même période, le nombre de décisions prononçant l’expulsion a crû de 12,2 % (125 923 en 2013). « De nombreuses familles risquent l’expulsion ou sont expulsées alors qu’elles devraient être “protégées” au titre du droit au logement opposable (DALO) depuis la circulaire d’octobre 2012 », rappelle la fondation, à l’instar du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées (HCLPD), selon lequel 141 bénéficiaires de ce droit menacés d’expulsion ont été signalés depuis le début de l’année à la cellule de veille du Haut Comité(1). « Certaines préfectures organisent donc elles-mêmes des exceptions aux circulaires ministérielles, comme si, pour les plus démunis, le droit était à géométrie variable », dénonce la Fondation Abbé-Pierre. Les réponses du gouvernement en matière de prévention ne sont toujours pas à la hauteur des besoins, pointe-t-elle de nouveau, d’autant que les décrets d’application de la loi « ALUR », notamment sur les commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives, ne sont toujours pas parus, et que le dispositif de garantie universelle des loyers a considérablement été revu à la baisse.
Les associations s’inquiètent par ailleurs des insuffisances du projet de loi de finances pour 2015 en matière d’hébergement et d’accès au logement. Le budget prévu « n’est pas en cohérence avec les ambitions du plan de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale et ne prend pas en compte les besoins identifiés par les associations », déplore l’Uniopss (Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux). Pour l’organisation, les conditions de sortie de la gestion saisonnière de l’hébergement sont loin d’être réunies. Alors qu’elle estime qu’il aurait fallu créer 3 000 places d’hébergement supplémentaires, réparties sur le territoire en fonction des constats posés dans le cadre des diagnostics territoriaux, « le projet de loi prévoit la transformation de 2 500 places d’hébergement d’urgence en places de centres d’hébergement et de réinsertion sociale, ce qui n’est pas une offre supplémentaire », pointe Jeanne Dietrich, conseillère technique au pôle « lutte contre les exclusions » de l’Uniopss. En outre, si le budget alloué à l’hébergement d’urgence est en hausse, « le fléchage sur les places d’hôtel reste préoccupant ». Parmi les autres inquiétudes : l’absence de revalorisation de l’aide personnalisée au logement pour rattraper son décrochage par rapport au coût des loyers, ou encore la programmation insuffisante de logements très sociaux PLAI (prêts locatifs aidés d’intégration). L’Uniopss évalue les besoins à 60 000 PLAI, soit près du double de ce qui est prévu dans le projet de budget. « En outre, le projet de loi prévoit une réduction de la subvention par logement », ce qui risque de remettre en cause les opérations, ajoute Jeanne Dietrich. Quant à la demande des associations de faire adopter une loi de programmation pluriannuelle de logements sociaux, elle est toujours sans réponse.