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Protection de l’enfance : un rapport recommande de renforcer l’obligation de signalement des médecins

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« C’est par le secteur de la santé (que tous les enfants utilisent largement) que le repérage de la maltraitance peut être effectué le plus précocement possible », plaide le comité de suivi du colloque du 14 juin 2013 sur les violences faites aux enfants dans un rapport remis le 1er octobre dernier à la ministre des Affaires sociales et de la Santé. Présidé par Anne Tursz, pédiatre et directrice de recherche émérite à l’Inserm, et composé de 16 professionnels en grande partie issus du monde médical(1), le comité formule 44 recommandations visant – selon l’intitulé du rapport – à « prévenir la maltraitance des enfants par le renforcement du rôle des médecins et de la coordination entre secteurs professionnels ».

Un phénomène sous-estimé

« La maltraitance est en France un phénomène dont l’ampleur reste méconnue, dont on parle dans les médias et le public essentiellement sous l’angle du fait divers et face auquel les professionnels sont mal armés », déplore en premier lieu le comité de suivi. Même si le « déni total » a pris fin, il demeure une « sérieuse ignorance de l’ampleur du problème » confortée par des chiffres officiels qui « ne se recoupent pas entre eux et sont tous sûrement sous-estimés ». Si « la sous-estimation de la maltraitance en général est hautement probable, on a pour la maltraitance mortelle des preuves scientifiques argumentées », affirme encore le comité de suivi, chiffres à l’appui. Ainsi, souligne-t-il, une recherche de l’Inserm a identifié 255 cas d’infanticide par an, contre 17 cas par an en moyenne officiellement recensés pendant la période 1996-2000. Aussi, « loin d’être une simple juxtaposition de faits divers, la maltraitance est un fréquent et grave problème de santé publique », dénonce-t-il.

Deuxième motif d’inquiétude pour les membres du comité : seuls 5 % des signalements émanent des médecins alors que « tous les enfants maltraités passent un jour ou l’autre par le système de santé (notamment le cabinet du généraliste ou du pédiatre et les urgences hospitalières) ». Ces professionnels ont une « véritable hantise » d’engager leur responsabilité personnelle, les médecins libéraux étant ceux qui redoutent le plus les poursuites judiciaires pour signalement abusif et dénonciation calomnieuse, explique le rapport. Ce, malgré les consignes données par le Conseil national de l’ordre des médecins quant à l’obligation de signalement et de levée du secret professionnel en cas de sévices exercés sur un mineur. Rappelons en effet que, en application de l’article R. 4127-44 du code de la santé publique, lorsqu’un médecin intervient auprès d’un mineur victime de sévices ou de privations, il doit alerter les autorités judiciaires ou administratives « sauf circonstances particulières qu’il apprécie en conscience ». Pour le comité de suivi, la notion de circonstances particulières que le médecin apprécie en conscience constitue « une brèche dans le dispositif législatif, lui permettant de s’abstenir de signaler ». Il préconise donc de modifier l’article en supprimant cette exception au signalement.

Un médecin dans chaque CRIP

D’autres recommandations visent à améliorer les relations des médecins avec le conseil général ainsi que la transmission des informations préoccupantes qui « n’est pas encore une démarche claire pour bien des médecins ». Ainsi, le comité de suivi suggère d’assurer la présence d’un médecin dans chaque cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes (CRIP) et de désigner dans chaque service de protection maternelle et infantile un médecin référent « protection de l’enfance » chargé d’établir des liens avec l’ensemble des médecins généralistes et pédiatres du département. Autres recommandations : instituer un bilan médical initial pour les enfants placés et un suivi médical et psychologique régulier pendant le placement, publier tous les décrets d’application de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, notamment ceux qui sont relatifs aux examens de dépistage obligatoires, allouer des financements adéquats à la santé scolaire, former et informer les personnels de soins des services d’urgence sur les procédures à suivre en cas de maltraitance (affichage des coordonnées de la CRIP et du parquet, notamment).

Prônant un « véritable décloisonnement de toutes les professions impliquées dans le bien-être des enfants », le comité de suivi appelle par ailleurs à promouvoir le partage d’informations et la pratique du secret partagé. Il plaide aussi pour « des changements de mentalité » autour de la notion du placement. Ainsi, pour lui, « le placement, s’il est inéluctable, doit être le plus précoce possible » et « seules comptent les interactions positives soutenues dans le temps ». Ces idées doivent, selon lui, être partagées par les diverses professions concernées.

Enfin, le rapport formule des recommandations relatives à la prévention précoce et au soutien à la parentalité, à la formation des professionnels ou encore à la surveillance épidémiologique. D’une manière générale, il appelle l’Etat à « dégager une vision claire de la protection de l’enfance » tout en soulignant que ses propositions « supposent que soient dégagés des moyens financiers ».

Notes

(1) En désaccord avec la méthode de travail et les propositions du comité de suivi, Laurent Puech, assistant de service social et ancien président de l’Association nationale des assistants de service social, l’a quitté en novembre 2013 – Voir ASH n° 2836 du 6-12-13, p. 18.

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