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Dans une bulle de silence

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Où sont les sourds ? Pas plus qu’ils ne nous entendent, nous n’entendons parler d’eux. En tout cas, pas dans leur quotidien, pas dans leur intimité. Les mots qu’on ne me dit pas remédie à cet état de fait. Son auteure, Véronique Poulain, a été élevée par deux parents sourds. Son oncle et sa tante le sont aussi. Elle est entendante, et donc bilingue. Deux cultures l’ont habitée pendant son enfance, au cœur des années 1970 : le jour, c’étaient les mots, la parole, la musique, le bruit ; le soir, chez elle, elle se contentait de signes, de communication non verbale, d’expression corporelle, de regards, d’un certain silence. Alors, des anecdotes, elle en a des centaines à raconter. A la manière d’un Jean-Louis Fournier, dans des chapitres courts et efficaces, elle nous dresse la liste de ses fiertés et de ses gênes. Et c’est à la fois drôle, cocasse, brutal, voire cruel. Tantôt tendre, tantôt rempli de colère. Au fil des pages, elle passe de la petite fille qui assure qu’il ne peut rien lui arriver – « Si je ne suis pas entendue, qu’est-ce que je suis regardée ! Mes parents ont toujours un œil sur moi » – à l’adolescente forcément rebelle – période durant laquelle elle rêve « de parents qui parlent, qui me parlent, qui entendent, qui m’écoutent ». Dans ces années-là, les sourds n’avaient pas encore droit de cité ; il n’existait pas de décryptage pour les émissions de télévision, ni Minitel, ni Internet, ni téléphone portable pour envoyer des SMS. Enfant, Véronique Poulain servait de béquille à ses parents à de nombreux moments de la vie quotidienne. Elle a eu honte d’eux quand ils n’arrivaient pas à se faire comprendre des commerçants, quand ils émettaient des bruits et autres grognements considérés comme impolis par le commun des entendants, ou qu’ils tentaient de parler avec leur voix « cassée, déchiquetée, mutilée ». Elle en a eu marre de soirées qu’elle devait passer à leurs côtés au foyer des sourds, a été excédée des réflexions que pouvaient lui faire ses amis, en a eu assez de s’ennuyer durant de longues journées dans une « bulle de silence ». Elle raconte comment elle se réfugiait alors chez ses grands-parents, qui couvaient cette petite-fille « normale » et chez qui elle « compensait » en les soûlant de paroles. Mais ce livre est surtout un cri d’amour à ses parents. Aujourd’hui, pour Véronique Poulain, le silence est un réconfort. D’un écartèlement entre deux mondes, elle a fait une richesse.

Les mots qu’on ne me dit pas

Véronique Poulain – Ed. Stock – 16,50 €

Culture

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