Le constat « réaliste et sans complaisance » dressé par la ministre du Logement le 20 octobre, en clôture de la 6e journée nationale du droit au logement opposable (DALO), n’étonnera personne : « si le nombre de relogements est aujourd’hui en progression, avec plus de 20 000 relogements effectués en 2013 (contre 10 800 en 2009), il reste à ce jour plus de 54 000 ménages à reloger », dont plus de 40 000 en Ile-de-France. Pour faire face à cette situation, Sylvia Pinel a présenté un « plan d’action » visant à remobiliser l’Etat et ses partenaires autour du logement des ménages dits « prioritaires ». Un « plan d’action » qui ressemble, sur bien des aspects, à un rappel de la loi plus qu’à un catalogue de nouvelles mesures.
La ministre ne s’en est d’ailleurs pas cachée : elle souhaite « passer un discours de fermeté vis-à-vis de l’application de la loi ». En la matière, a-t-elle dit, l’Etat se doit d’être exemplaire. Dans son collimateur en particulier : les droits de réservation de logements du préfet – couramment appelés « contingent préfectoral ». Des instructions seront ainsi envoyées aux représentants de l’Etat pour leur rappeler le caractère obligatoire du relogement des bénéficiaires du DALO et leur enjoindre notamment :
→ de mobiliser « à plein » le contingent de l’Etat « en signant les conventions de réservation Etat/bailleur qui ne l’auraient pas été ou, à défaut, en prenant un arrêté »(1) ;
→ d’accroître la proportion de ce contingent utilisée pour les bénéficiaires du DALO(2).
Il leur sera également demandé d’inclure les ménages bénéficiant du DALO dans les attributaires des logements neufs, « notamment financés en prêt locatif aidé d’intégration », ou bien encore d’inciter les bailleurs à présenter des dossiers dans le cadre des appels à projets financés par le Fonds national pour le développement d’une offre de logements locatifs très sociaux, afin de développer l’offre de logements sociaux accessibles financièrement.
Sylvia Pinel souhaite également mobiliser les partenaires de l’Etat. Et en premier lieu Action logement, dont les collecteurs peuvent proposer des logements aux salariés des entreprises cotisant au 1 %. « Le fléchage vers des ménages bénéficiant du DALO d’une partie de ces logements a fait l’objet de circulaires préconisant la passation d’accords locaux Etat/collecteurs afin de préciser les conditions de mobilisation de ces logements. » Mais les résultats disponibles sont « décevants et bien inférieurs à la proportion fixée par la loi à 25 % de ces attributions ». Ainsi, la ministre souhaite que le contingent d’Action logement soit mobilisé à cette hauteur et que la passation d’accords locaux avec les principaux collecteurs d’Action logement présents dans les territoires soit généralisée. « L’enjeu est de mettre en place un pilotage national afin d’instaurer un lien de suivi et d’évaluation avec l’Union des entreprises et des salariés pour le logement. »
Autres partenaires de l’Etat incités à la mobilisation : les maires, avec qui Sylvia Pinel souhaite engager une concertation pour aborder la question du relogement des ménages DALO sur le territoire de leur commune. « Je veux associer les élus à la procédure afin de prendre en compte leurs préoccupations légitimes en termes d’équilibre sociologique », a-t-elle déclaré, déplorant avoir trop entendu de discours glissant vers une forme de stigmatisation à l’encontre des personnes reconnues « DALO ». « Etre reconnu prioritaire et urgent dans le cadre du DALO n’est pas nécessairement lié à un niveau de ressources très faible. »
La ministre souhaite aussi travailler avec les bailleurs sociaux sur une meilleure politique d’attribution des logements sociaux. Ainsi, « le nombre de ménages à reloger bénéficiant du DALO sera désormais inscrit dans le cadre de la gestion de la demande et de l’attribution des logements sociaux ». De plus, comme le prévoit la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové du 24 mars dernier, l’attribution d’un logement à un ménage bénéficiant du DALO s’imputera en priorité sur les droits à réservation des communes faisant l’objet d’un arrêté de carence.
A noter : la ministre a annoncé la mise en place d’une « commission spécifique dédiée aux relogements des ménages bénéficiant du DALO en Ile-de-France » au sein du comité régional de l’habitat et de l’hébergement. « Cette “cellule de suivi” ad hoc sera notamment chargée d’examiner les cas difficiles ou bloqués en associant l’ensemble des acteurs concernés afin de proposer une solution aux ménages ayant obtenu il y a longtemps une décision favorable de la commission de médiation », a-t-elle expliqué.
Au-delà de la mobilisation des contingents, l’autre priorité affichée du « plan d’action » de la ministre est de mieux informer et accompagner les ménages concernés par le DALO. Sans donner de précisions sur la façon dont elle entend procéder, Sylvia Pinel a ainsi fait part de son vœu de voir les ménages mieux informés, d’une part, sur la portée de la décision de la commission – « et notamment sur le fait que celle-ci ne les dispense pas de renouveler leur demande de logement social » – et, d’autre part, « sur le risque de perte de chance qu’ils prennent en ne faisant pas les démarches nécessaires pour obtenir effectivement un logement social ou en refusant des propositions de logement adaptées qui leur sont faites ».
La ministre souhaite également « mettre en place à chaque fois que c’est nécessaire un accompagnement et, le cas échéant, un bail glissant afin d’accélérer le relogement en combinant accompagnement et sécurisation du rapport locatif ». C’est l’objectif des crédits du Fonds national d’accompagnement vers et dans le logement qui, indique-t-elle, « devront être pleinement utilisés » pour donner aux ménages un soutien, que ce soit dans la phase de relogement ou dans celle du maintien dans le logement.
(1) Conclue entre le préfet et le bailleur, la convention de réservation détermine les modalités pratiques de mise en œuvre des réservations dont bénéficie l’Etat. A défaut de signature d’une telle convention, le préfet fixe ces modalités par arrêté.
(2) Une convention de réservation détermine notamment les catégories de personnes prioritaires qui, en plus de celles qui sont reconnues prioritaires par la commission de médiation, sont éligibles aux logements réservés par le préfet.