Anne Matalon a lutté pendant quatorze ans contre une maladie dont elle savait qu’elle ne guérirait pas, le cancer des ovaires. Son amie Anne Kunvari, auteure de plusieurs documentaires, l’a filmée dans son quotidien et à l’hôpital durant les trois derniers mois de sa vie. Ce moment où, après avoir longtemps cherché le sens d’une existence sous traitement perpétuel, elle décide de préparer sa fin de vie et de choisir « le moment et la manière » de mourir. Dans ses papiers traîne depuis de longs mois le prospectus de Dignitas, qui propose le suicide assisté en Suisse. Elle n’aura finalement pas le temps de prendre contact avec l’association. Elle porte néanmoins sur elle en permanence ses « directives anticipées ».
Le tournage du documentaire a débuté le jour de la consultation annuelle d’Anne Matalon avec l’oncologue qui la suit depuis son diagnostic. La malade est encore coquette, dynamique, diserte. Mais quelques jours après, l’auteure du recueil de poèmes Chimiofolies est hospitalisée. Elle est affaiblie, mais toujours très entourée. Elle demande à son amie de continuer à la filmer jusqu’au bout, car « il est important de montrer aussi ça ». Si les médecins lui assurent qu’ils ne la laisseront pas souffrir, elle ne peut obtenir d’eux qu’ils l’aident à mourir comme elle le souhaite. Pour elle, pas question de vivre des semaines de douleur avec un tuyau dans la gorge. Anne aurait souhaité pouvoir demander une sédation terminale à un moment choisi par elle. « Mais même si c’est ta vie, c’est le médecin qui décide. C’est la loi. » Parce que c’était l’été, parce que beaucoup de médecins étaient en congés, parce qu’il n’y avait pas de lit libre dans le service où elle était habituellement suivie à Paris, Anne Matalon s’est retrouvée dans un hôpital qu’elle ne connaissait pas avec des médecins débordés qui ne l’avaient jamais suivie. Elle n’a bénéficié d’aucun soin palliatif.
La réalisatrice a voulu faire ce film pour donner la parole aux malades plutôt qu’aux soignants ou aux aidants. A travers les questions qu’elle se pose sur la fin de vie passe son engagement pour une évolution de la loi « Leonetti » qui, selon elle, « dépossède les malades de leur fin de vie » (1).
Le moment et la manière
Anne Kunvari – 59 min – En salles le 22 octobre
(1) Les députés Jean Leonetti (UMP, Alpes-Maritimes) et Alain Claeys (PS, Vienne) on été chargés par Manuel Valls d’élaborer d’ici au 1er décembre prochain un nouveau texte de loi sur l’accompagnement des personnes en fin de vie – Voir ASH n° 2866 du 27-06-14, p. 16.