Les divergences sont loin de se dissiper au sein l’Unifed (Union des fédérations et syndicats nationaux d’employeurs sans but lucratif du secteur sanitaire, médico-social et social) sur l’organisation et la représentation de la branche associative sanitaire, sociale et médico-sociale (BASS). C’est ce qu’a démontré, le 9 octobre, une table ronde organisée par le Syndicat des employeurs associatifs de l’action sociale et médico-sociale (Syneas) avec les autres syndicats employeurs de la branche, dans le cadre de sa Ve université. Alors que le chantier de la convention collective unique étendue a fini par devenir l’« Arlésienne » du secteur, « les choses ont été clairement dites », convient Stéphane Racz, directeur général du Syneas. Suffisamment pour relancer un débat jusqu’ici fait de non-dits et de crispations ?
De fait, les acteurs de la BASS vont se retrouver au pied du mur au 1er janvier 2017, date d’entrée en vigueur des nouvelles règles de la représentativité patronale. Pour la direction générale du travail, la notion de branche est liée au périmètre d’une convention collective. Parallèlement, « le chantier annoncé sur la rationalisation des branches va se concentrer d’une part sur les branches trop petites ou trop peu productives en matière d’accords, d’autre part sur les environnements complexes nécessitant une réorganisation, explique Stéphane Racz. Si les secteurs concernés ne sont pas encore identifiés, l’Unifed pourrait faire partie de cette dernière démarche, qui n’aura pas de dimension coercitive dans un premier temps, mais dans laquelle le ministère pourrait s’investir pour favoriser les évolutions. » Au début de son mandat, le président de l’Unifed, Thierry Mathieu, également vice-président de la Fegapei (Fédération nationale des associations gestionnaires au service des personnes handicapées et fragiles), avait promis de remettre la question sur le métier en 2014. « Cela a été fait. Mais on honorera ou pas le rendez-vous », a-t-il averti. Et de préciser les deux options possibles pour y arriver : la convention collective unique pourrait aboutir « de façon rationnelle » ou bien « s’imposera à nous », sachant qu’« une manière d’étrangler une convention collective est de ne plus la financer ».
Sur la perspective d’une convention collective unique dans un premier temps limitée au périmètre de la BASS, la Fegapei et le Syneas sont sur la même longueur d’onde. En attendant, les deux organisations travaillent « à un nouvel environnement conventionnel de la CC 66 qui pourrait servir de base » à un futur texte commun, a rappelé Alain Raoul, vice-président du Syneas(1). D’autres organisations employeurs se montrent volontaires, sans cacher leurs doutes. Considérant que les textes conventionnels de la branche « sont datés » et ne correspondent plus « aux métiers et au contexte socio-économique » du secteur, Mohammed Abdelatif, administrateur de la Croix-Rouge, juge que si les membres de l’Unifed « arrivent à se mettre d’accord sur des thématiques données », ils pourront « petit à petit » construire une convention collective unique. Unicancer « s’est déclaré favorable à une convention collective unique si les partenaires sont autour de la table », a également indiqué Martine Sigwald, DRH Groupe d’Unicancer, non sans relever qu’il faudra aux membres de l’Unifed « se mettre d’accord sur la méthodologie du dialogue social » et faire table rase de certains poids de l’histoire. Tandis que la marge de manœuvre financière des employeurs est l’un des enjeux du dossier, la spécificité des règles budgétaires auxquelles sont soumis les établissements sanitaires entre aussi en ligne de compte.
Quant à la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs (FEHAP), elle ne varie pas dans sa position : « Le secteur privé non lucratif n’échappera pas à une convention collective unique, mais nous la voulons étendue au champ de la protection sociale », a réaffirmé Alain Carrée, son vice-président. Parmi ses arguments : pour être visible, la branche doit correspondre « à une logique de parcours de soins et de primauté de la personne » et englober d’autres acteurs, comme l’aide à domicile, le Syndicat employeur des acteurs du lien social et familial et le Syndicat national des employeurs spécifiques d’insertion. Une vision non partagée par les autres acteurs : « Pour nous, la branche doit s’organiser et dialoguer avec d’autres branches au sein de l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire [UDES], qui est une réponse à la visibilité de la fonction employeur pour tout ce qui est commun au secteur de l’ESS », répond Stéphane Racz. Font désormais partie de l’UDES le Syneas, la Fegapei et la Croix-Rouge. Le prochain conseil d’administration d’Unicancer, à la fin de l’année, « sera saisi de la question de son adhésion », a fait savoir Martine Sigwald. La loi du 5 mars 2014 a reconnu l’UDES comme organisation multiprofessionnelle, « ce qui doit être une première étape vers l’intégration dans l’interprofessionnel », a-t-elle souligné. Alors qu’au sein de l’UDES, chaque collège dispose d’une représentation équivalente, la FEHAP estime que le poids de l’Unifed devrait y être reconnu. « La FEHAP adhérera à l’UDES quand ses statuts correspondront » à cette demande, a fait valoir Alain Carrée, considérant que le secteur sanitaire et social « mérite mieux qu’un strapontin ».
Bien que connues, les difficultés des membres de l’Unifed à avancer vers un projet commun ont ainsi été réaffirmées. Or, « avec un mode de fonctionnement inadapté, sans ambition, sans orientations stratégiques, notre branche professionnelle ne peut incarner le secteur et le représenter », a conclu Philippe Launay, président du Syneas. Le syndicat employeur pose donc « quatre conditions » pour structurer la branche. Tout d’abord, qu’elle « se dote d’un projet politique » et que l’Unifed fasse évoluer son fonctionnement : « Les règles actuelles qui régissent le collège employeur de la branche sont dépassées. Ainsi le droit de veto accordé à toutes les composantes de l’Unifed empêche l’action collective et le déploiement d’une stratégie, puisque chacun peut arbitrairement dire non et bloquer les initiatives de la majorité ». A ces demandes s’ajoutent la création de la convention collective unique étendue et l’affirmation de la branche de son appartenance à l’économie sociale et solidaire, par l’adhésion de toutes ses composantes à l’UDES. Pour Stéphane Racz, ces conditions seront « des exigences du Syneas en 2015 ». Quitte, dans l’impossibilité d’un projet commun, « à travailler avec ceux qui le veulent ». La question de l’avenir de la branche posera donc forcément celle de la survie de l’Unifed.