Le Premier ministre, Manuel Valls, a chargé la garde des Sceaux, Christiane Taubira, « d’engager sans délai une concertation » sur l’aide juridictionnelle (AJ) avec l’ensemble de la profession d’avocat, sur la base des propositions du rapport du député (PS) Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce document, rendu public le 9 octobre(1), ouvre la voie à une réforme du financement et de la gouvernance de ce dispositif « à bout de souffle », au-delà des dispositions budgétaires contenues dans le projet de loi de finances pour 2015 (voir ce numéro, page 51). Saluant « la qualité et l’impartialité de la réflexion conduite par la mission, en étroite concertation avec les barreaux, largement consultés malgré les brefs délais impartis, ainsi qu’avec les représentants de la profession d’avocat », le chef du gouvernement considère en effet que « des pistes de travail concrètes et précises sont désormais tracées ».
Au terme du travail qui lui a été confié le 8 juillet dernier « pour mettre en œuvre des mesures opérationnelles de financement et tracer des perspectives claires et durables en matière de gouvernance de l’aide juridictionnelle », Jean-Yves Le Bouillonnec recommande notamment « un cheminement d’équilibre » conservant les fondamentaux de l’aide juridictionnelle « à la française » – qui associent étroitement l’Etat et les avocats –, en prenant appui sur le budget 2015 pour mettre en œuvre « un plan triennal global en faveur de l’aide juridictionnelle ».
Alors que le projet de loi de finances pour 2015 acte une hausse de 10 % des crédits consacrés à l’aide juridictionnelle, dont le montant devrait s’élever à 379 millions d’euros dont 43 millions de financements nouveaux affectés au Conseil national des barreaux, Jean-Yves Le Bouillonnec souhaiterait voir porter ce budget à 409 millions d’euros avec 80 millions de financements nouveaux. Il s’agit, selon lui, de « rattraper sept ans de non-indexation de l’unité de valeur » qui sert de base au barème de l’aide juridictionnelle pour la rétribution des avocats, qui ne seraient donc pas mis à contribution financièrement. En contrepartie, la profession devrait « s’engager dans une solidarité interne au titre de l’aide juridictionnelle ».
Le rapport souligne en effet la « forte disparité » de la participation de la profession à ces missions, termes appuyés par Christiane Taubira qui relève que « 7 % des avocats réalisent 57 % des missions alors que 58 % des avocats ne participent jamais à la prise en charge de telles missions ». « Cela pose nécessairement la question d’une solidarité entre barreaux pour répartir l’effort et les ressources », estime la garde des Sceaux.
Un tel système de péréquation est effectivement suggéré dans le rapport, qui passe au crible plusieurs pistes de financement permettant d’augmenter la rétribution des avocats concernés, en écartant cependant celle de la taxation du chiffre d’affaires des cabinets – contre laquelle les avocats se sont élevés au cours de l’été(2) –, mais en privilégiant la création d’une « cotisation de solidarité interbarreaux pour le service de l’aide juridique ».
(1) Financement et gouvernance de l’aide juridictionnelle – A la croisée des fondamentaux – Analyse et propositions d’aboutissement – Disponible sur