Dans un arrêt du 8 octobre, la première chambre civile de la Cour de cassation a rejeté les pourvois des deux associations de protection de l’enfance qui demandaient la reconnaissance de la responsabilité de l’Etat dans l’affaire de la petite « Marina », morte en 2009 sous les coups et actes de torture de ses parents après un signalement au parquet classé sans suite.
Les associations Enfance et partage et Innocence en danger critiquaient le jugement du tribunal d’instance du 13e arrondissement de Paris qui, le 6 juin 2013, avait rejeté leur demande de condamnation de l’Etat pour faute lourde dans cette affaire(1). Elles dénonçaient des dysfonctionnements des services de la justice, et en particulier la décision de classement sans suite prise par le parquet du Mans à la suite du signalement de suspicion de mauvais traitements adressé par la directrice de la nouvelle école de la fillette, appuyé par des témoignages de ses précédents enseignants et d’un médecin scolaire. Un classement sans suite intervenu alors même que, selon les deux associations, les services de gendarmerie n’avaient auditionné ni les personnels de l’Education nationale ni les parents de la fillette, et que le médecin-expert désigné pour examiner cette dernière n’avait pu exclure l’existence de faits de violence ou de mauvais traitement, « malgré les explications concordantes » du père de l’enfant. Mais la Cour de cassation n’a pas retenu leurs arguments.
Selon la Haute Juridiction, au regard des faits énoncés par le tribunal d’instance, c’est à bon droit que celui-ci en a déduit « qu’aucune faute lourde, au sens de l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire(2), n’était caractérisée ». Le tribunal avait ainsi indiqué que, à la suite du signalement, « le substitut des mineurs avait fait diligenter une enquête, prescrivant l’examen de l’enfant par un médecin légiste et son audition filmée ». Il avait aussi constaté que, « contrairement aux allégations des associations, aucun des éléments d’information communiqués par les enseignants au procureur de la République n’incriminait les parents de l’enfant dans les actes de maltraitance suspectés et que les services de gendarmerie […] avaient réquisitionné le médecin légiste et informé les parents de leur enquête et de la date d’audition de leur fille ». Le tribunal d’instance avait également relevé que « l’avis circonstancié du médecin ne nécessitait aucun complément d’enquête auprès de ce dernier » et que, « au cours de son audition par un gendarme spécialisé, l’enfant, souriante et qui ne montrait aucune appréhension, donnait une explication circonstanciée pour chaque cicatrice révélée par l’expert, sauf pour deux lésions trop anciennes ».
Dans un communiqué diffusé le jour même de la décision de la Cour de cassation, l’association Enfance et partage a fait savoir qu’elle allait étudier « la possibilité de saisir la Cour européenne des droits de l’Homme ».
(2) Selon cet article, l’Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice. Sauf dispositions particulières, cette responsabilité n’est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice.