Itinéraire d’un esprit critique

Du militantisme à la formation, en passant par l’animation socio ? culturelle… Dans son autobiographie, Chemins et mémoires, le Stéphanois Paul Masson retrace une vie transformée par l’éducation populaire. Fils d’ouvriers de la vallée de l’Ondaine, Paul Masson grandit dans un univers marqué par la mine, l’industrie et l’engagement militant : son père, syndicaliste, et sa mère, engagée dans les Associations populaires familiales, se sont rencontrés aux réunions de la Jeunesse ouvrière chrétienne. A l’âge de 11 ans, le jeune Paul entre à sa demande au petit séminaire. Cette décision fait de lui « l’intellectuel de la famille » et l’expose à un véritable choc culturel : la pratique du latin, du grec, la découverte de l’histoire, de la géographie, de la philosophie ou de la physique-chimie lui ouvrent d’« autres mondes ». Au contact de ces univers érudits, l’adolescent « interroge [ses] schémas culturels » et acquiert « des mécanismes pour forger [son] esprit critique ». Très vite, il est conquis par les « humanités » – non sans culpabilité : « J’aspire à connaître, à comprendre l’homme intemporel présent en chacun de nous, écrit-il. Mais lorsque je me laisse aller au plaisir de la connaissance et de la recherche gratuite, j’ai le sentiment de trahir mon milieu. » De cette tension initiale naît finalement sa vocation : après quelques années de tâtonnements professionnels, le jeune homme est embauché comme permanent par la Fédération des centres sociaux de la Loire. Là, il n’aura de cesse de mettre en pratique les principes de l’éducation populaire, découverte auprès de l’association Culture et liberté, et notamment la mise en lumière des « conditionnements » subis par les individus au sein de la société. Un processus de « formation permanente » qui nourrira toute sa carrière, mais qui fait désormais défaut aux travailleurs sociaux, regrette-t-il : « Formés dans les écoles, chacun selon sa spécialité, ces derniers pensent leur métier à travers les publics des dispositifs sociaux. […] Progressivement dépossédés des équipements qu’ils ont contribué à créer, les habitants des quartiers deviennent objets de politiques publiques gérées par les classes moyennes. » Loin des objectifs d’empowerment et de transformation sociale portés par l’éducation populaire.