Depuis quelques années se créent de nouvelles formes d’habitat pour les personnes handicapées, à mi-chemin entre le logement autonome privé et l’établissement médico-social. Alors que la loi « Handicap » de 2005 consacre le libre choix du mode et du lieu de vie des personnes, sur le terrain, ces initiatives se heurtent à différents freins (juridique, économique mais aussi éthique). Nous avons voulu rassembler les nombreux opérateurs – associations, bailleurs, institutions – qui ont participé à la mise en place de ces solutions de logement alternatives pour analyser leurs difficultés. A l’issue d’une année de travaux, nous venons de finaliser une note que nous diffusons largement dans l’espoir de placer ces questions dans le débat public.
Ces initiatives relèvent de plusieurs principes : que les gens puissent vivre chez eux, dans la cité et qu’ils mutualisent leurs moyens pour optimiser les services de façon à bénéficier, par exemple, d’une présence 24 heures sur 24. Il peut s’agir de groupes de personnes handicapées qui se constituent en association pour mettre en commun leurs moyens financiers et contractualiser avec un ou deux prestataires. Autre cas de figure : un opérateur élabore un dispositif qui associe logement et services. Par exemple, à Marseille, l’association Handitoit permet à des personnes handicapées de louer des appartements adaptés dans un ensemble immobilier classique et de disposer d’un service apportant une aide humaine jour et nuit pour l’accomplissement des actes essentiels de la vie quotidienne. A Mulhouse, l’association Handicap service Alister a créé des maisons dans lesquelles vivent des personnes souffrant d’un traumatisme crânien dans des appartements privés et dont l’accompagnement est assuré par une maîtresse de maison. Pour financer ce service d’aide, les opérateurs ont recours à la mutualisation des moyens financiers au titre de la prestation de compensation du handicap (PCH). Chaque personne verse une partie ou la totalité de sa PCH pour bénéficier de ce service partagé.
Oui, dans la mesure où rien ne l’interdit. Mais dans le contexte économique et comptable actuel, les services des conseils généraux ont tendance à rendre cette expérience impossible en diminuant le nombre d’heures de PCH allouées ou en contrôlant au plus près l’effectivité de la prestation. L’interprétation de ce « contrôle d’effectivité » qui permet au conseil général de vérifier que la PCH sert bien à la bonne personne et est utilisée comme le prévoit le plan d’aide peut créer des tensions. Aujourd’hui, cette mutualisation des heures de PCH reste informelle et crée une insécurité. Dans certains départements, les associations ont signé une convention avec le conseil général. Mais elle n’a pas de valeur juridique, si bien que si l’élu change, le nouvel arrivé peut mettre fin à l’initiative.
Nous constatons que les bailleurs demandent parfois à l’opérateur d’assurer une fonction d’intermédiation – en étant le locataire et en sous-louant le logement à la personne handicapée. Il souhaite sécuriser le « risque » de location d’une personne handicapée – pouvoir percevoir des loyers en cas de vacance locative prolongée et bénéficier d’un intermédiaire en cas de difficulté avec la personne handicapée. Comme si cette dernière ne pouvait pas être un client ordinaire. Ce mode de partenariat interroge sur la nature du risque pris par le bailleur quand il loue un logement à une personne handicapée.
Nous déciderons de la suite à donner à ces travaux lorsque nous aurons recueilli les réactions qu’ils suscitent, tant du côté de nos réseaux associatifs que des institutions. Les attentes des personnes handicapées ont évolué, elles demandent à vivre chez elles, il faut inventer un cadre juridique pour généraliser ces expériences.
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