L’ordonnance prise en application de la loi du 10 juillet 2014 habilitant le gouvernement à adopter des mesures législatives pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées(1) est parue au Journal officiel du 27 septembre.
Pour mémoire, c’est la loi du 11 février 2005 qui a fixé au 1er janvier 2015 la mise en accessibilité pour les personnes handicapées des transports collectifs et des établissements recevant du public, privés ou publics. Face au constat de l’impossibilité de respecter cette échéance, le gouvernement avait annoncé notamment la mise en place, par voie d’ordonnance, d’agendas d’accessibilité programmée (Ad’Ap) afin de permettre aux acteurs publics et privés de bénéficier d’un nouvel échéancier et de se mettre en conformité avec les règles d’accessibilité en évitant ainsi les sanctions pénales prévues par la loi de 2005 en cas de non-respect des obligations d’accessibilité(2).
L’ordonnance précise les modalités de mise en œuvre des Ad’Ap et contient plusieurs autres dispositions relatives aux normes d’accessibilité du cadre bâti, de la voirie et des transports publics. Elle est composée de quatre chapitres :
→ le premier porte sur les obligations d’accessibilité applicables au cadre bâti et les agendas d’accessibilité programmée pour les établissements recevant du public (ERP) et les installations ouvertes au public ;
→ le deuxième chapitre est consacré aux obligations d’accessibilité et aux schémas directeurs d’accessibilité-agendas d’accessibilité programmée dans le domaine des transports publics de voyageurs ;
→ le troisième chapitre contient diverses dispositions relatives à d’autres sujets d’accessibilité ;
→ le dernier chapitre concerne les règles applicables à l’outre-mer et les conditions et dates d’entrée en vigueur des dispositifs mis en place.
Présentation des points clés de cette ordonnance, qui a provoqué la colère des associations du champ du handicap (voir ce numéro, page 20).
L’Ad’Ap est défini comme un dispositif obligatoire pour les propriétaires et exploitants d’un ou plusieurs établissements recevant du public ou d’installations ouvertes au public permettant aux acteurs qui, au 31 décembre 2014, ne sont pas en conformité avec les règles d’accessibilité posées par la loi de 2005, de s’engager dans un calendrier précis. Cet agenda doit comporter une analyse des actions nécessaires pour que l’établissement réponde aux exigences légales et prévoir le programme et le calendrier des travaux ainsi que les financements correspondants. L’ordonnance précise que le contenu et les modalités de présentation d’un Ad’Ap seront précisés par décret pris après avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées. Elle indique en outre que le projet d’Ad’Ap doit être déposé en mairie ou en préfecture dans les 12 mois suivant sa publication, soit avant le 28 septembre 2015. Ce délai peut être prorogé pour une durée maximale de trois ans dans le cas où les difficultés techniques ou financières liées à l’évaluation ou à la programmation des travaux l’imposent ou en cas de rejet d’un premier agenda.
La durée d’exécution d’un Ad’Ap ne peut excéder trois ans à compter de son approbation. Néanmoins, elle peut porter sur deux périodes de trois ans au maximum chacune si l’ampleur des travaux le justifie et en cas de contraintes techniques ou financières particulières. A titre exceptionnel, précise l’ordonnance, dans le cas d’un patrimoine dont la mise en accessibilité est particulièrement complexe en raison des exigences de continuité de service, du nombre de communes d’implantation, du nombre et de la surface des bâtiments concernés ou du montant des investissements nécessaires rapporté au budget d’investissement mobilisable par le responsable de la mise en accessibilité, la durée totale d’un Ad’Ap peut alors porter sur trois périodes de trois ans au maximum chacune. En outre, en cas de force majeure, la prorogation de la mise en œuvre de l’Ad’Ap peut être demandée. Elle est prononcée par décision expresse de l’autorité administrative qui a validé l’agenda pour une durée maximale de trois ans, renouvelable si les circonstances de force majeure ou leurs conséquences l’imposent. En cas de difficulté technique ou financière grave ou imprévue, ou en cas d’obligation de reprise d’une procédure administrative, cette autorité peut accorder une prorogation de la durée de l’agenda pour une durée maximale de 12 mois.
L’absence, non justifiée, de dépôt du projet d’Ad’Ap dans les délais prévus entraîne une sanction pécuniaire forfaitaire de 1 500 € pour un agenda portant sur un seul ERP de 5e catégorie et de 5 000 € dans les autres cas. La durée du dépassement sera alors imputée sur la durée d’exécution de l’Ad’Ap. L’ordonnance prévoit également une sanction pécuniaire forfaitaire pour le manquement aux obligations de suivi, à savoir une amende de 1 500 € pour un agenda portant sur un seul ERP de 5e catégorie et de 2 500 € dans les autres cas.
En matière d’accessibilité des transports publics, l’ordonnance précise que les points d’arrêts à aménager, hors transports scolaires, sont ceux qui revêtent un caractère prioritaire à l’égard de « critères objectifs » portant sur la fréquentation et sur l’organisation des réseaux de transport et de la desserte des territoires. Des critères qui doivent être définis par décret. Les spécificités des obligations en matière d’accessibilité du service de transport scolaire, tant en ce qui concerne les points d’arrêt que le matériel roulant, sont également détaillées. Ainsi, l’ordonnance prévoit que les représentants légaux d’un élève handicapé scolarisé à temps plein dont le projet personnalisé de scolarisation prévoit l’utilisation du réseau de transport scolaire peuvent demander la mise en accessibilité des points d’arrêt de ce réseau les plus proches de son domicile et de l’établissement scolaire fréquenté. La mise en accessibilité ne peut alors être refusée qu’en cas d’impossibilité technique avérée définie à l’article L. 1112-4 du code des transports (obstacle impossible à surmonter sauf à procéder à des aménagements d’un coût manifestement disproportionné). Dans ce cas, un moyen de transport de substitution doit être organisé. Les autres points d’arrêt à l’usage exclusif du service de transport scolaire ne sont en revanche pas soumis à l’obligation d’accessibilité. Lorsque des points d’arrêt sont rendus accessibles à la demande du responsable d’un enfant handicapé, du matériel roulant routier accessible doit être affecté aux lignes qui les desservent, précise l’ordonnance.
Par ailleurs, la loi du 10 juillet 2014 a prévu, pour la mise en accessibilité des transports, la création d’un dispositif comparable à celui des Ad’Ap : le schéma directeur d’accessibilité-agenda d’accessibilité programmée. Comme pour les Ad’Ap, l’ordonnance précise le contenu de ces schémas, les modalités et le délai de leur présentation à l’autorité administrative (avant le 28 septembre 2015), les cas de suspension ou de prorogation de ce délai, ainsi que les règles selon lesquelles l’autorité administrative doit se prononcer sur les schémas.
Enfin, conformément à la loi du 10 juillet 2014, l’ordonnance prévoit des dispositions relatives aux chiens guides d’aveugles, à la formation des professionnels appelés à être en contact avec les usagers dans les ERP, ainsi qu’à la création d’un fonds national d’accompagnement de l’accessibilité universelle destiné à recevoir le produit des sanctions financières prononcées en lien avec les Ad’Ap et les schémas directeurs d’accessibilité-agenda d’accessibilité programmée.