Gabriel est un jeune homme discret, étudiant en licence de physique à Lyon et passionné de photographie argentique. Pendant plusieurs semaines, il ne donne plus signe ni à sa famille ni à ses amis. La dernière fois, il s’était montré anormalement irritable et semblait se consacrer corps et âme à ses études. Quand ses proches, inquiets, entrent de force chez lui, ils le trouvent recroquevillé, presque clochardisé, et en plein délire. Sa chambre, tapissée de feuilles avec des inscriptions étranges, n’est plus qu’un capharnaüm. Gabriel crie des formules incohérentes : « Il faut que j’attende la lune », « On me poursuit ! » Il a perdu pied. « La psychose, c’est une perte de contact avec la réalité, c’est croire voir des choses qui n’existent pas », expliquent les auteurs de la bande dessinée L’éclipse d’un ange, eux-mêmes patients de l’hôpital de jour de Décines-Charpieu (Rhône). L’ouvrage est destiné à « sortir du placard les malades mentaux ». Le projet a commencé par la constitution d’un groupe ressource, dit « regards croisés », entre patients et soignants, qui a permis de recueillir les vécus liés aux troubles psychotiques dans leurs premières manifestations. Le groupe s’est ensuite engagé dans la création d’une œuvre qui devait « donner un éclairage non édulcoré, mais non dramatisé » sur la psychose. Deux ans de travail hebdomadaire ont été nécessaires pour mettre en forme les chapitres rédigés successivement dans un style romanesque, théâtral, graphique, sous un format de bande dessinée, et enfin journalistique. La psychose peut se manifester par des épisodes brefs et sans lendemain, notamment sous l’influence de toxiques. Mais parfois il s’agit de la première émergence d’une maladie psychiatrique durable, comme la schizophrénie ou le trouble bipolaire. Pour L’éclipse d’un ange, le choix a été fait de ne pas poser de diagnostic définitif. Le groupe a en revanche souhaité mettre l’accent sur l’installation insidieuse des premiers troubles, l’intensité du sentiment de peur envahissant et le vécu d’incompréhension pendant toute la durée de la crise, puis sur le sentiment de honte à l’égard des proches au moment de la rémission.
L’éclipse d’un ange
Sous la direction de Pierrette Estingoy, Alain Cochet et Christophe Cléro – Ed. Les Artambules – En téléchargement gratuit sur