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Le SAMU social de Paris réclame une réforme de l’hébergement d’urgence des familles

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Son observatoire dévoile un état des lieux inédit sur la précarité sanitaire et sociale des familles hébergées à l’hôtel. Une situation qui s’aggrave, faute de dispositifs adaptés et en nombre suffisant.

Alors que le SAMU social de Paris héberge, chaque nuit, quelque 9 850 familles à l’hôtel, soit 28 500 personnes, l’organisation a rendu publique, le 1er octobre, une étude d’ampleur inédite sur la situation sanitaire et sociale catastrophique de cette population. Un état des lieux alarmant qui l’amène à réclamer de l’Etat une réforme de l’hébergement d’urgence des familles, ainsi qu’une conférence de consensus sur l’articulation entre les politiques d’hébergement et d’accueil des migrants.

Destinée à estimer la population des familles sans logement, « méconnue » bien qu’« en augmentation constante depuis la fin des années 1990 », mais aussi à décrire les parcours et les conditions de vie de ces ménages, l’enquête « Enfants et familles sans logement » (Enfams) a été conduite par l’Observatoire du SAMU social de Paris au premier semestre 2013, auprès d’un échantillon de 801 familles comptant un enfant de moins de 13 ans, hébergées en hôtel social – le mode d’accueil largement majoritaire des familles – ou en centre d’hébergement d’urgence (CHU), en centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) ou en centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA).

Entre 35 et 40 % des sans-domicile

Si le constat livré n’est pas nouveau, et confirme une fois de plus l’inadaptation de l’hébergement des familles à l’hôtel, il a le mérite de l’étayer avec des données chiffrées rendant compte de la gravité du phénomène dans la région. Selon l’estimation du SAMU social, cet échantillon est représentatif d’environ 10 280 ménages en Ile-de-France, soit quelque 35 000 personnes, à l’exclusion des familles vivant en campements ou dans d’autres types d’hébergements institutionnels (centres maternels, résidences sociales, logements transitoires…). Sans compter que la même enquête donnerait probablement aujourd’hui des chiffres encore plus élevés, car « les données d’activité des opérateurs franciliens continuent d’indiquer une hausse des effectifs de familles hébergées ».

Mise en regard d’autres travaux statistiques sur les personnes sans domicile en général, « tout amène à penser que les familles constituent aujourd’hui, du moins en Ile-de-France, entre 35 et 40 % des sans-domicile, et que les enfants représentent près d’un quart de la po­pulation sans logement », souligne le SAMU social. Mais avec des spécificités qui les distinguent fortement des personnes « isolées » vivant à la rue, à commencer par leur origine géographique : 94 % des adultes interrogés déclarent être nés à l’étranger et neuf sur dix n’ont pas la nationalité française.

Si l’absence de logement personnel est ainsi le lot de la majorité de ces familles, trois situations différentes précèdent l’entrée dans le dispositif d’hébergement : directement à l’arrivée sur le territoire (pour 30 % d’entre elles), hébergement chez un tiers, parent ou ami (dans 47 % des cas) et épisode sans abri au sens strict (20 %). La situation professionnelle des parents se révèle en outre le plus souvent délicate, avec 52 % d’actifs mais seulement 18 % qui déclarent travailler, empêchés d’accéder à l’emploi du fait de certaines situations administratives (adultes en voie de régularisation, demandeurs d’asile et certains ressortissants de l’Union européenne).

Un quart des familles, en situation administrative précaire, déclare disposer de moins de 48 € par mois par unité de consommation (UC), tandis que le revenu médian de la population étudiée reste peu élevé, à 221 € mensuels par UC. « Plus de 80 % des familles vivraient ainsi sous le seuil de pauvreté à 50 % » (qui s’élève, en 2011, à 1 058 € par UC pour une famille monoparentale et à 1 465 € pour un couple avec un enfant).

La vulnérabilité de ces ménages est aussi perceptible à travers leur forte mobilité, puisqu’ils ont déménagé 4,3 fois en moyenne au cours de leur période sans domicile – qui se situe autour de trois ans –, avec des disparités importantes en termes de durée et de structure d’hébergement. Parmi les conséquences engendrées par cette précarité : la non-scolarisation des enfants âgés de 6 à 12 ans est au moins dix fois plus importante dans ces familles qu’en population générale.

Côté santé, l’indicateur le plus frappant concerne « l’insécurité alimentaire dont souffrent ces familles, et particulièrement les enfants », et ce à des niveaux sévères, ce qui se traduit entre autres par une forte prévalence de l’obésité et par une anémie qui touche deux tiers des mères et un enfant sur trois. Sans compter un taux élevé de dépressions maternelles et de grossesses non déclarées ou suivies tardivement. De manière générale, leur situation précaire entraîne « de nombreux obstacles pour se soigner et avoir recours aux soins ». Une famille sur cinq n’est d’ailleurs pas couverte par l’assurance maladie.

Rendre plus lisibles les parcours

Au final, l’ensemble de ces constats appelle « une nécessaire réforme du système d’hébergement », selon l’Observatoire du SAMU social. Une réforme qui devrait passer notamment par la régionalisation du dispositif, par une meilleure coordination de ses acteurs, par l’amélioration des conditions d’habitat et par la stabilisation résidentielle des familles en errance, en limitant en particulier au court séjour le recours à l’offre hôtelière. Il faut aussi rendre plus lisibles les parcours dans le système d’hébergement, plaide encore le rapport du SAMU social, qui considère enfin comme prioritaire de prendre en compte les problèmes de santé des parents et des enfants, en renforçant en particulier le rôle de la protection maternelle et infantile (PMI) auprès de ces publics.

« Alors que ces familles sont en danger, l’orientation des ménages sans abri vers l’hôtel ne cesse de progresser », ont réagi par ailleurs la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS) et la Fondation Abbé-Pierre dans un communiqué commun. Selon elles, l’hébergement des familles à l’hôtel, à Paris et en petite couronne, représente « une dépense estimée à 160 millions d’euros en 2014 », alors que les 28 000 personnes concernées sont « condamnées à vivre dans des conditions indignes, sans perspective de sortie vers un logement stable ni possibilité d’insertion ». La FNARS et la Fondation Abbé-Pierre réclament également du gouvernement qu’il prenne « des mesures d’urgence pour héberger ou reloger ces familles dans des conditions dignes, avec un accompagnement social adapté », et qu’il garantisse le droit à la scolarisation des enfants.

La Ville de Paris, pour sa part, a salué « le sérieux » de cette étude et rappelé que l’hébergement à l’hôtel « ne doit en aucun cas être durable », en assurant que les travailleurs sociaux parisiens « portent une attention particuière à la durée du séjour à l’hôtel et mettent l’accent sur l’accompagnement social » des familles visées.

Côté terrain

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