En 2014, le déficit du régime général de la sécurité sociale s’est creusé et devrait s’élever à 11,6 milliards d’euros (au lieu des 9,6 milliards prévus en juin dernier), contre 12,5 milliards l’année dernière. Sans mesures de redressement, il pourrait même atteindre 14,7 milliards en 2015, selon le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, rendu public le 29 septembre (1). « Les prévisions sont moins bonnes que prévu en raison d’un manque de recettes lié à une faible croissance et à une faible inflation », a expliqué le secrétaire d’Etat chargé du budget lors de la présentation, le même jour, des grandes lignes du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2015 (2). En revanche, a-t-il précisé, les dépenses ont été contenues, notamment en ce qui concerne l’assurance maladie. Quoi qu’il en soit, a affirmé Christian Eckert, « nous tiendrons les objectifs d’économies qui intègrent le plan d’économies sur trois ans de 50 milliards d’euros » (3). De son côté, la ministre des Affaires sociales et de la Santé a souligné la nécessité d’engager des « réformes structurelles d’amélioration de nos systèmes de protection sociale, de réorientation de certaines politiques et de réaffirmation du pacte social ».
En 2014, le déficit de la branche maladie s’est aggravé et devrait s’établir à 7,3 milliards d’euros ( contre 6,8 milliards en 2013). En cause notamment, selon la commission des comptes : une hausse des dépenses des indemnités journalières et des soins de ville – plus importante que prévu par rapport à l’objectif de dépenses rectifié pour 2014 (4). Sans mesures nouvelles, ce déficit pourrait atteindre 10,5 milliards d’euros en 2015. Pour contenir ces dépenses, le gouvernement propose donc au Parlement de voter un objectif national des dépenses d’assurance maladie ( ONDAM ) de 182,3 milliards d’euros (contre 178,3 milliards cette année), en progression de 2,1 % . Pour atteindre cette cible, précise la commission des comptes, il faudra faire des économies à hauteur de 3,2 milliards d’euros. Dans ce cadre, les ONDAM « soins de ville » et « hospitalier » progresseront respectivement de 2,2 % et de 2 % en 2015. En tous les cas, Marisol Touraine a assuré qu’il n’y aurait « pas de déremboursement ni de diminution de la prise en charge des patients ». En revanche, a-t-elle ajouté, des réformes structurelles devront être menées, par exemple en poursuivant et en amplifiant la prise en charge ambulatoire en amont, pendant et en aval de l’hospitalisation. Une mesure devant permettre d’économiser 100 millions d’euros.
Malgré tout, le gouvernement entend continuer de renforcer l’accès aux soins et aux droits. Ainsi, sans attendre la généralisation du tiers payant intégral pour tous en 2017 (5), les bénéficiaires de l’aide à l’acquisition de la couverture complémentaire santé (ACS) pourront en bénéficier dès le 1er juillet 2015, sous réserve de respecter le parcours de soins coordonné.
Par ailleurs, le PLFSS pour 2015 tend à garantir, en cas de décès d’une femme pendant son congé maternité, la possibilité au parent survivant de prendre en charge le nourrisson. Actuellement, l’indemnité du congé maternité peut être versée au père ou, si ce dernier n’exerce pas son droit, à son concubin ou à son partenaire. Toutefois, admet le gouvernement, les conditions pour en bénéficier sont trop « restrictives » : il faut, d’une part, que le décès de la mère résulte de l’accouchement et, d’autre part, que la mère et son compagnon aient été affiliés au régime général ou au régime des salariés agricoles. Aussi a-t-il décidé d’ouvrir le bénéfice de cette indemnisation quelle que soit la cause du décès de la mère et quel que soit le régime d’assurance maladie des parents.
Signalons enfin que, pour « rendre plus lisible l’offre de dépistage [des maladies et infections sexuellement transmissibles] et promouvoir une approche globale – associant dépistage, information et orientation éventuelle vers le système de soins – » , le gouvernement propose de fusionner en 2016 les consultations de dépistage anonyme et gratuit VIH et des hépatites et les centres d’information, de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissibles. Une nouvelle structure fera donc son apparition sous le nom de centre d’information, de dépistage et de diagnostic gratuit des infections.
Selon la commission des comptes, la branche famille devrait afficher un déficit de 2,9 milliards d’euros en 2014, un déficit qui, l’année suivante, devrait retrouver son niveau de 2013, à savoir 3,2 milliards. Parce que « la politique familiale est et demeure une priorité du gouvernement », son objectif est donc de rétablir l’équilibre de la branche famille, dont 8 % des dépenses ne sont pas couvertes par des recettes. Dans tous les cas, la ministre des Affaires sociales et de la Santé a assuré que, contrairement à ce qui était prévu, les prestations familiales ne seront pas gelées en 2015 et continueront à être valorisées selon l’inflation (6).
En revanche, le gouvernement entend faire adopter des « mesures de modernisation » des prestations familiales qui doivent permettre de réaliser des économies de l’ordre de 700 millions d’euros en 2015. Le PLFSS pour 2015 prévoit ainsi de moduler la prime à la naissance et à l’adoption de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) en fonction du rang de l’enfant. A l’heure actuelle, cette prime de 923,08 € est versée en une seule fois, sous condition de ressources, pour chaque naissance ou adoption, quel que soit le rang de l’enfant. Or, relève le gouvernement, l’arrivée d’autres enfants donne lieu à l’octroi d’allocations familiales en plus de la possibilité de réutiliser le matériel acheté pour le premier enfant. C’est pourquoi, pour les enfants nés ou adoptés à compter du 1er janvier 2015, le montant de la prime pour les deuxièmes naissances et les suivantes sera divisé par trois (soit 308 €). Le montant pour le premier enfant demeurant, lui, inchangé. Gain escompté : 250 millions d’euros.
En outre, la ministre veut poursuivre la réforme du congé parental, et de la prestation qui y est associée, engagée par la loi « égalité femmes-hommes » du 4 août 2014 (7). Le principe posé était le suivant : le parent bénéficie de la « prestation partagée d’éducation de l’enfant » (PréParE) – nouveau nom du complément de libre choix d’activité de la PAJE – pendant une durée fixée par décret en fonction du rang de l’enfant. Et une autre part – a priori fixée à six mois – ne peut être prise que par l’autre parent, le plus souvent le père, sous réserve que le premier ait fait usage de son droit. Alors qu’elle devait entrer en vigueur le 1er octobre, cette réforme devrait être finalement repoussée au 1er janvier 2015 et mise en œuvre selon d’autres modalités. En effet, Marisol Touraine a indiqué que la durée du congé parental, initialement fixée à six mois pour un premier enfant, sera portée à un an. Sa durée totale étant maintenue à trois ans pour les enfants suivants si chaque parent utilise intégralement sa part de congé. « Est-ce que ce partage peut être encore plus équitable ? Aller par exemple vers une répartition 18 mois pour la femme, 18 mois pour l’homme ou un autre critère de répartition ? » Telles sont les hypothèses que la ministre a lancées le 30 septembre lors de l’émission « Preuves par trois » sur Public Sénat. Un décret fixera le nombre de mois réservé à la période de partage. Objectifs : favoriser un meilleur partage des responsabilités parentales au sein du couple et améliorer le taux d’emploi des femmes. « La réforme représentera une économie sur le coût de la nouvelle prestation du fait de la réduction de la durée moyenne de congés pris à compter du deuxième enfant, notamment dans le cas où le second parent n’aurait pas recours à tout ou partie des droits qui lui sont réservés », a ajouté la ministre. Rappelons en effet que, actuellement, près de 97 % des congés parentaux sont pris par des femmes.
A noter que le gouvernement souhaite parallèlement mieux accompagner l’effort de création de places en crèches. Pour ce faire, il a demandé au Haut Conseil de la famille de lui faire des préconisations pour « conforter le plan “crèches” et le développement de l’offre d’assistants maternels ».
D’autres mesures présentées par le gouvernement seront prises par décret. Ainsi, l’âge auquel le montant des allocations familiales est majoré sera décalé de 14 à 16 ans, « année charnière en termes d’augmentation des frais liés à la scolarité [entrée au lycée] et à l’entretien des adolescents notamment ». Cette mesure « s’appliquera aux enfants nés à compter du 1er janvier 2001, dont la majoration due à 14 ans n’a pas encore été ouverte ». En outre, pour les enfants nés à compter du 1er janvier 2015, l’allocation de base de la PAJE sera versée au début du mois suivant la naissance de l’enfant, « à l’instar de la majorité des prestations familiales », a souligné Marisol Touraine, et non plus dès le mois de naissance de l’enfant. Enfin, il est prévu de « moduler plus fortement » le complément de libre choix du mode de garde (CMG) de la PAJE, en créant une quatrième tranche de revenus visant les familles les plus aisées. Celles-ci – « les familles appartenant aux deux plus hauts déciles de revenus » a priori – percevront alors un montant de CMG diminué de moitié par rapport à la troisième tranche.
La branche vieillesse devrait afficher une ardoise de 1,6 milliard d’euros en 2014 et de 1,5 milliard en 2015. L’objectif du gouvernement est ici de « rétablir l’équilibre des [systèmes de] retraites tout en améliorant le pouvoir d’achat des retraités modestes ». Sur ce dernier point, rappelons qu’il a décidé de porter, au 1er octobre, le montant de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) à 800 € par mois pour une personne seule et à 1 242 € par mois pour un couple. Et que les retraités dont la pension est inférieure à 1 200 € par mois percevront, au début de l’année prochaine, une prime annuelle exceptionnelle de 40 €. Enfin, lors de la présentation du PLFSS pour 2015, le gouvernement a également annoncé que les retraités pourront cumuler l’ASPA et des revenus d’activité dans la limite de 0,3 SMIC pour une personne seule. L’ensemble de ces mesures, dont les titulaires de l’ASPA pourront bénéficier de façon cumulative, seront mises en œuvre par voie réglementaire.
Le gouvernement souhaite « rendre équitable le calcul de la CSG sur les revenus de remplacement (retraites, chômage) pour que, à revenu égal, le taux applicable soit le même ». En effet, explique-t-il, « actuellement, les personnes appartenant à des foyers non imposables à l’impôt sur le revenu sont assujetties à un taux réduit de 3,8 %, tandis que les personnes imposables paient le taux normal de CSG (6,2 % pour les chômeurs et 6,6 % pour les retraités). C’est donc le montant d’impôt payé qui détermine le taux de CSG applicable. » « Or […] ce critère permet à des personnes ayant des revenus élevés mais des réductions d’impôt importantes [soit 460 000 personnes] de bénéficier d’un taux de CSG inférieur à celui applicable à des personnes aux revenus plus modestes [environ 700 000] qui n’ont pas de réductions d’impôt. » Le gouvernement entend donc « retenir à compter de 2015 un critère de niveau de revenu plus équitable et cohérent avec la logique de progressivité sous-jacente aux modalités d’assujettissement à la CSG sur les revenus de remplacement ». Ce seuil sera fixé « à un niveau inférieur à celui correspondant à l’imposabilité à l’impôt sur le revenu en 2014, soit 13 900 € pour une personne seule sans demi-part supplémentaire ».
En 2015, 19,2 milliards d’euros seront dédiés aux établissements et services médico-sociaux accueillant des personnes âgées dépendantes ou des personnes handicapées (soit + 2,5 %). Cette somme résulte de l’addition de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie « médico-social », qui devrait progresser de 2,2 % (contre 3 % cette année), d’une fraction du produit de la contribution de solidarité pour l’autonomie (1,2 milliard) et d’un prélèvement de 110 millions d’euros sur les réserves de la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Ces crédits devraient permettre :
• de revaloriser de 0,8 % les moyens dévolus au titre des places et des services existants ;
• de soutenir les plans de création de places pour les établissements et services pour personnes handicapées à hauteur de 145 millions et de poursuivre le déploiement du plan « autisme » 2013-2017 pour 21,4 millions ;
• de poursuivre la mise en œuvre des plans « grand âge » et « Alzheimer » et d’engager le plan « maladies neuro-dégénératives », à hauteur de 47,4 millions ;
• de renforcer la médicalisation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes à hauteur de 100 millions. La réouverture du tarif global sera en outre poursuivie grâce à une enveloppe de 10 millions.
Signalons enfin que, en 2015, les dépenses liées à la future loi d’adaptation de la société au vieillissement seront limitées au regard de son calendrier d’adoption et de mise en œuvre. Malgré tout, assure le gouvernement, « la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, destinée à financer cette réforme, sera bien affectée à la CNSA [et] la part de ces ressources non consommée en 2015 servira à la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées, en finançant un plan pluriannuel d’aide à l’investissement sur 2015-2017 ».
(1) Rapport sur les résultats 2013 et les prévisions 2014 et 2015 – Disponible sur
(2) Le PLFSS pour 2015 doit être présenté en conseil des ministres le 8 octobre.
(4) Rappelons en effet qu’une loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 a été adoptée cet été, révisant notamment les objectifs de dépenses – Voir ASH n° 2866 du 27-06-14, p. 16.
(5) Ce qui dispensera le patient de l’avance de frais lors d’une consultation médicale, aussi bien pour la part prise en charge par l’assurance maladie que pour celle remboursée par les complémentaires santé.
(6) D’après la commission des comptes, la base mensuelle de calcul des prestations familiales pourrait augmenter de 0,3 % au 1er avril prochain.