Grosse déception pour le secteur de l’aide à domicile. Lors des 5es « assises de l’aide à domicile » qui se sont tenues le 25 septembre (1), Laurence Rossignol, qui présentait son « plan d’actions pour les services à domicile », n’a rien dit sur d’éventuelles mesures salariales (voir encadré ci-contre) ni même sur des ressources supplémentaires pour ce secteur en grave difficulté financière et sur lequel va reposer la mise en œuvre de la future loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement (2). Ce, alors même qu’elle juge sa situation « très préoccupante ». Pour la secrétaire d’Etat chargée des personnes âgées et de l’autonomie, « la réforme tarifaire des services d’aide et d’acccompagnement à domicile [SAAD] seule ne suffira pas et il faut conduire une réforme organisationnelle et culturelle afin de décloisonner les interventions et les métiers de l’aide et des soins à domicile ». Dans cet esprit, elle table surtout sur le développement des services polyvalents d’aide et de soins à domicile (Spasad) et la valorisation des métiers.
Laurence Rossignol a pour « cible claire » les Spasad, qui présentent l’intérêt de rapprocher l’aide et le soin et de répondre à l’ensemble des besoins des personnes âgées ou handicapées. Elle a rappelé que la future loi « vieillissement » entend permettre à ces services d’expérimenter un modèle intégré d’organisation, de fonctionnement et de financement dans lequel les besoins des personnes sont évalués et les prestations de soins et d’aide mises en œuvre et suivies sous la coordination d’un infirmier. Dans ce cadre, a précisé la secrétaire d’Etat, ces services seront « éligibles aux actions de prévention financées par la future conférence des financeurs [créée par le projet de loi] dotée de 140 millions ». Une évolution « majeure », selon elle, car il s’agit là d’une « incitation financière […] pour mutualiser les services et construire des projets de prévention ambitieux ». Afin de ne pas perdre de temps, Laurence Rossignol souhaite que le cahier des charges définissant l’expérimentation soit « concerté et prêt dans la foulée de l’entrée en vigueur de la loi », prévue pour la mi-2015. Elle a également indiqué que les 83 Spasad existants pourront rejoindre ceux de nouvelle génération.
Si la secrétaire d’Etat reconnaît que « le dispositif réglementaire et tarifaire actuel n’est pas parfait » et que « l’autorisation conjointe agences régionales de santé-conseils généraux n’est pas toujours facile à obtenir », elle invite malgré tout, et sans attendre le vote de la loi, le secteur de l’aide à domicile à « mobiliser dès maintenant [ses] réseaux respectifs pour constituer des Spasad, par fusion ou groupement de coopération ». Elle a même récemment rencontré les agences régionales de santé « afin de lever leurs éventuelles réticences et afficher un portage politique fort ». Une démarche qu’elle entend aussi mener auprès des conseils généraux. Toutefois, la secrétaire d’Etat rappelle que ces services devront « se mettre en place à budget “assurance maladie” constant, mais en travaillant autour d’un redéploiement des frais de structures et des charges administratives mutualisés au niveau des Spasad vers les dépenses d’intervention directes et indirectes et les projets de prévention ».
Enfin, « pour booster les Spasad existants qui interviennent dans les territoires pilotes “Paerpa” [3], le décret relatif aux dérogations tarifaires pour les Spasad paraîtra très prochainement afin de fluidifier le parcours de santé des personnes âgées de plus de 75 ans », a assuré Laurence Rossignol.
Au-delà des mesures prévues par le projet de loi « vieillissement » pour les SAAD (réduction à deux ans du délai permettant le passage dans le régime de l’autorisation sans appel à projet…), la secrétaire d’Etat souhaite qu’un certain nombre de travaux se poursuivent « avec plus de transparence et de cohérence entre eux pour une meilleure efficacité afin de redonner confiance au secteur sur la méthode des réformes ». A ce titre, a-t-elle précisé, les travaux sur la tarification des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) doivent être poursuivis dans le cadre du cahier des charges des Spasad « nouvelle génération ». Objectif, pour Laurence Rossignol : « conduire ensemble un plan de transformation pour que, en cinq ans, les 2 300 SSIAD fonctionnent en Spasad et en bonne articulation avec les autres acteurs du parcours de vie des personnes fragilisées (les EHPAD, les centres de santé, l’hôpital…) ». Ces travaux doivent en outre converger avec ceux sur la refondation de la tarification des SAAD, a-t-elle encore indiqué, invitant le comité de pilotage de ce projet à « se réunir très rapidement en partenariat avec l’Assemblée des départements de France ».
S’agissant de la réforme des SAAD pour les familles en difficulté (4), elle doit « avancer et être davantage portée par le ministère en lien avec la caisse nationale des allocations familiales », a insisté Laurence Rossignol.
Celle-ci réclame aussi un « lien plus fort avec la caisse nationale d’assurance vieillesse sur les expérimentations des paniers de services » dans le cadre des plans d’aide personnalisés (5).
« Il ne faut pas confondre professionnalisation et accès à un diplôme. Continuer à tenir des discours en faveur d’un taux d’intervenants diplômés très important n’est pas raisonnable ni même souhaitable », a déclaré la secrétaire d’Etat, après avoir évoqué le plan pour les métiers de l’autonomie lancé en avril dernier (6). En effet, a-t-elle expliqué, d’une part, « les budgets de la partie “aide à domicile”, même en configuration Spasad, ne pourront pas, à court et moyen terme, financer ces diplômes d’auxiliaire de vie sociale trop nombreux » et, d’autre part, « le marché du travail en France doit garder des emplois non diplômés ». Pour Laurence Rossignol, « il y a beaucoup d’autres actions de valorisation des métiers et de formation continue sur les thématiques de prévention, de nutrition, d’accompagnement des personnes [atteintes de la maladie d’]Alzheimer que le passage obligé vers le DEAVS qui restera inaccessible ou non souhaité par de nombreux salariés ». Le lendemain de son intervention, dans une lettre adressée aux participants des assises, elle a souhaité préciser ses propos, sans toutefois parvenir à rassurer les fédérations d’employeurs (voir ce numéro, page 19). La secrétaire d’Etat a en effet assuré que « sa préoccupation permanente » était d’« offrir à tous les individus une porte d’entrée dans le monde du travail […], qu’ils soient ou non diplômés », mais aussi de « proposer de vrais parcours de professionnalisation et de formation, dont, bien évidemment, l’accès à un diplôme peut constituer un objectif ». Mais elle n’a pas renié ses propos de la veille : « toutes les actions de valorisation et de professionnalisation des métiers du domicile ne se résument pas aux diplômes et les plans de formation des services à domicile en témoignent », a-t-elle réaffirmé. Par ailleurs, a précisé Laurence Rossignol, « dans le champ de l’intervention à domicile […], les diplômes, titres et certificats permettant, dans la branche de l’aide à domicile par exemple, d’être classé en employé à domicile devraient être mieux valorisés. Ainsi, en graduant les évolutions professionnelles, c’est bénéfique à la fois pour le salarié qui peut être en difficulté – y compris en validation des acquis de l’expérience et bien accompagné – pour franchir la marche du DEAVS, et pour les services dans une démarche de management par les compétences. » En outre, a-t-elle souligné, « en termes de dialogue budgétaire avec les financeurs et d’adaptation du projet de service aux personnes accompagnées, ces évolutions par palier […] semblent également nécessaires et réalistes ».
Enfin, Laurence Rossignol a rappelé que le projet de loi « vieillissement » prévoit une enveloppe de 25 millions d’euros pour l’amélioration des conditions de travail des intervenants de l’aide à domicile.
Depuis le 1er avril 2009, la valeur du point dans la branche de l’aide à domicile est fixée à 5,302 €. Si les partenaires sociaux ont signé, en avril dernier, un avenant l’augmentant de 1 %, le ministère des Affaires sociales, lui, ne s’est toujours pas prononcé sur l’agrément de cet accord. Alors qu’elle devait se réunir le 25 septembre pour rendre un avis sur ce texte, la commission nationale d’agrément s’y penchera finalement lors d’une prochaine réunion d’ici à la mi-octobre. Un geste du gouvernement serait le bienvenu car l’urgence est grande pour les salariés et désormais aussi pour les employeurs qui se trouvent confrontés à un problème d’attractivité des métiers et de fidélisation des salariés, qu’il s’agisse des personnels d’intervention ou administratifs. Du côté des indemnités kilométriques qui, elles, n’ont pas augmenté depuis 2008, rien de nouveau. Les négociations des partenaires sociaux stagnent. Leur point de désaccord porte sur la prise en charge des frais en cas de déplacement entre deux interventions non consécutives. A l’heure actuelle, ces frais ne sont pas remboursés. Les syndicats employeurs souhaitent ici appliquer le barème d’indemnisation prévu dans la fonction publique – variable en fonction du nombre de kilomètres parcourus et de la puissance du véhicule –, un choix auquel s’opposent les syndicats de salariés qui remettent en cause le chiffrage établi pour les structures. De nouvelles propositions devraient être discutées le 24 octobre lors d’une commission mixte paritaire de négociation.
(1) Elles étaient organisées à Paris par le Journal du domicile.
(2) Adopté en première lecture le 17 septembre, ce texte doit encore être inscrit à l’ordre du jour du Sénat – Sur les grandes lignes du projet de loi, voir ASH n° 2866 du 27-06-14, p. 53.
(3) La ministre de la Santé a lancé, le 26 septembre, la première expérimentation du parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d’autonomie (Paerpa) en région Centre, indiquent ses services dans un communiqué. Soulignant que, « dans les huit autres territoires pilotes, les premières expérimentations seront lancées d’ici à la fin de l’année » – Sur leurs modalités de mise en œuvre, voir en dernier lieu ASH n° 2837 du 13-12-13, p. 42.