Henri Pascal, sociologue et chercheur, connaît bien le travail social. Il sait, à ce titre, quelle a été la place éminente des femmes dans l’histoire du secteur et quelle fonction émancipatrice celui-ci a eu pour elles. Ce lien entre histoire du travail social et histoire des femmes, déjà mis en évidence dans un livre précédent(1), est une des clés de lecture proposées ici par l’auteur pour se repérer dans son passionnant ouvrage. Ce dernier retrace sur un peu plus d’un siècle – de la fin du XIXe aux premières années du XXIe – la généalogie des professions du social et le contexte politique, socio-économique et culturel dans lequel elles ont pris naissance et se sont développées. Henri Pascal montre notamment comment la division genrée des rôles dans la société a permis aux femmes de faire accepter leur engagement dans les carrières sociales : rien de plus « naturel » que d’étendre à l’espace professionnel des tâches de soin et d’attention aux autres dévolues aux femmes dans l’espace domestique. Cette chasse gardée féminine sur les métiers du travail social est le pendant de celle, masculine, sur la sphère politique, explique Henri Pascal. Le champ politique leur étant interdit, « faire du social, c’était pour certaines (les fondatrices d’œuvres en particulier) » une manière concrète et « acceptable par les hommes » d’agir sur la société. C’est aussi pour échapper à la mainmise de ces derniers sur l’université – où elles ne se seraient pas vu confier de postes de direction ni de formatrices – que les femmes ont conçu des modalités d’enseignement non académiques, qui articulent théorie et pratique.
Histoire du travail social en France. De la fin du XIXe siècle à nos jours
Henri Pascal – Ed. Presses de l’EHESP – 27 €