Après trois mois passés à la direction de la Maison des contes, une maison d’enfants à caractère social (MECS), Mathilde Vergeoise présente son premier bilan sous la forme d’un « rapport d’étonnement », en recensant tout ce qui suscite sa surprise ou heurte sa logique. Parmi les points positifs, elle a noté la mobilisation du personnel malgré la complexité du travail auprès d’enfants et d’adolescents aux comportements souvent difficiles, l’organisation administrative claire et à jour du point de vue réglementaire. En revanche, elle se montre très préoccupée par la circulation des informations entre professionnels, l’absence de réunions d’équipe pour le personnel éducatif, la place mal repérée de la psychologue, une mésentente pesante entre le chef de service éducatif et l’intendante, le manque de cadre pour définir l’intervention régulière d’un prestataire extérieur… « Pour la directrice débutante qu’elle est, toutes ces difficultés cumulées compliquent singulièrement sa prise de fonction », écrivent Olivier Chatanay et Frédérique Roux dans L’envers du décor. Surtout, ce que Mathilde Vergeoise ne peut pas dénoncer ouvertement – et ce qui la gêne le plus au sein de cette association –, c’est l’omnipotence de son président. A la tête de l’association depuis soixante ans, l’homme, surnommé « le Roi Soleil », prend les décisions seul, arbitrairement, sans concertation, avant de les imposer à ses « courtisans ». Ce qui donne un fonctionnement « très standardisé, très conventionnel, en tout cas très décalé dans le cadre d’un établissement d’éducation spécialisée », note la nouvelle directrice. Le lecteur suivra pas à pas, sur une durée de un an, le quotidien de la jeune professionnelle. Qui perd vite pied et décide de partir. En parallèle de son point de vue, et comme un écho à ses problématiques, le roman suit un jeune résident de la Maison des contes, Clément. Orphelin, il ne rêve que de revoir son ancien quartier et se réfugie dans les textes de Saint-Exupéry pour échapper à ses moments de détresse. Ecrit par une ancienne directrice de MECS et un assistant de service social, L’envers du décor donne à voir les dérives du fonctionnement associatif tout en présentant la complexité du métier de directeur d’établissement. Les deux auteurs, s’ils ne cherchent pas là à dénoncer globalement le secteur associatif et assurent « ne pas avoir de comptes à régler », affirment néanmoins qu’il existe dans toute structure des enjeux personnels qui viennent se heurter au bon déroulement de la vie quotidienne. S’ils ont pris le parti du roman et non du témoignage – « trop technique » –, c’est justement pour se permettre de forcer ces traits.
L’envers du décor
Frédérique Roux et Olivier Chatanay – Ed. Amalthée (