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Projet de loi « autonomie » : démarrage sans accroc au Parlement

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Attendu de longue date, le projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement, au périmètre certes limité, a passé le cap de l’Assemblée nationale. Tour d’horizon des principales mesures adoptées le 17 septembre.

Les députés ont adopté en première lecture, le 17 septembre, le projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement. Ce vote – 302 voix pour et 181 contre – est en soit un événement tant cette réforme de la prise en charge de la perte d’autonomie, promise par Nicolas Sarkozy dès 2007, puis repoussée d’année en année malgré la tenue d’un large débat national en 2011, était attendue.

Ce texte plutôt consensuel est néanmoins loin de l’ambition initiale, qui était de créer un droit universel à compensation de la perte d’autonomie à travers la création d’un cinquième risque de protection sociale. Son périmètre est en outre limité au maintien à domicile. Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, a précisé que le volet « établissement » du projet « se ferait lorsque l’état des finances publiques le permettrait », même si un groupe de travail doit être lancé rapidement pour travailler sur les mesures de simplification et sur la tarification des EHPAD (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes). Autre source de déception : le financement de cette réforme – 645 millions d’euros issus de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA) – reste insuffisant pour répondre aux besoins actuels et à venir.

Acte II de l’APA

Objectifs du texte : traduire « une approche transversale » et provoquer « un changement de regard » sur le vieillissement, a rappelé Martine Pinville, rapporteure du projet de loi pour la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, en ouverture des débats. D’où des dispositions allant de la prévention à l’adaptation des logements en passant par l’amélioration de la prise en charge. Parmi ses mesures-phares, le texte organise l’acte II de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), dont les plafonds d’aide mensuels vont être relevés pour les personnes les plus dépendantes. Il prévoit un plan de rénovation des logements privés, instaure un droit au répit pour les aidants en autorisant notamment l’expérimentation du « baluchonnage »(1) et rénove les foyers-logements, rebaptisés « résidences-autonomie ». Le passage à l’Assemblée a permis d’introduire de nouvelles mesures, en particulier relatives à l’élargissement des conditions de naturalisation pour les immigrés âgés ou au renforcement du respect des droits et libertés des personnes âgées en établissement. Pour lutter contre les discriminations liées à l’âge, les députés ont ajouté la perte d’autonomie de la personne dans les motifs discriminatoires prévus par la loi du 27 mai 2008.

Plusieurs améliorations portent sur la protection juridique des personnes. Le texte introduit les demandes des associations: notamment l’obligation pour le mandataire judiciaire – qu’il soit salarié ou individuel – de remettre le document individuel de protection des majeurs (DIPM) à la personne protégée ainsi que l’inscription dans la loi de l’incompatibilité des activités de mandataire judiciaire à titre individuel et de délégué mandataire dans un service. Les députés ont également modifié les règles concernant le « mandat de protection future » : il devra faire l’objet d’un renouvellement au bout de cinq ans et être enregistré au fichier central des dispositions de dernières volontés.

Concernant les personnes handicapées, si les barrières d’âge n’ont pas été supprimées, l’Association des paralysés de France (APF) se félicite de l’adoption d’un amendement obligeant le gouvernement à remettre, dans les six mois suivant la promulgation de la loi, un rapport au Parlement relatif à l’impact financier de la suppression des seuils de 60 et de 75 ans pour l’attribution de la prestation de compensation du handicap (PCH). Plus globalement, si la plupart des amendements portés par les associations de personnes handicapées ont été retoqués, « de nombreux sujets nous concernant ont été évoqués en séance publique, qu’il s’agisse de la question des aidants, de l’accessibilité, des ressources ou de la suppression des barrières d’âge, toutes nos inquiétudes ont été discutées, ce qui est déjà bien », se réjouit Malika Boubekeur, conseillère nationale « compensation » à l’APF.

Retour des MDA

En matière de gouvernance, le projet de loi modifie en profondeur l’organisation de la prise en charge de la perte d’autonomie. Les députés ont finalement voté la création de comités départementaux de la citoyenneté et de l’autonomie (CDCA) – fusion des Coderpa (comités départementaux des retraités et des personnes âgées) et des CDCPH (comités départementaux consultatifs des personnes handicapées) – réclamée par les associations. Ils ont aussi donné un cadre juridique aux très controversées maisons de l’autonomie (MDA), déjà en place dans quelques départements, regroupant les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et les services départementaux dédiés aux personnes âgées dépendantes. Prévue par l’avant-projet de loi présenté en février au Conseil économique, social et environnemental, la création des MDA avait ensuite été supprimée du texte présenté en conseil des ministres, en raison des évolutions attendues dans le cadre de la future réforme territoriale(2). L’Assemblée des départements de France (ADF) avait réclamé la réintroduction de ce volet « gouvernance ». Dans un courrier à Laurence Rossignol, le Comité d’entente des associations représentatives de personnes handicapées et de parents d’enfants handicapés craignait en revanche que ces dernières soient « créées sans contrôle, ni moyens supplémentaires de fonctionnement et sans un dispositif unique de compensation » destiné aux personnes âgées et handicapées. Les associations plaident avant tout pour l’« amélioration du fonctionnement des MDPH ». Ce qui passerait notamment par la mise en place des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens entre l’Etat, le conseil général et le groupement d’intérêt public (GIP) MDPH, prévu par la loi Paul Blanc de juillet 2011(3), et dont le décret d’application n’est jamais paru.

La fusion du Haut Conseil de l’âge – prévu dans le texte initial – avec l’actuel Haut Conseil de la famille a créé la surprise au sein de l’Hémicycle. Issu d’un amendement gouvernemental, le regroupement des deux instances vise à « apporter aux pouvoirs publics une expertise prospective et transversale sur les questions liées aux familles et à l’enfance, à la protection de l’enfance, à l’avancée en âge et à l’adaptation de la société au vieillissement, dans une approche intergénérationnelle ». Cette initiative a été vivement critiquée par Michèle Delaunay, députée (PS) de Gironde et ancienne ministre déléguée aux personnes âgées, à l’origine du projet de loi. « Sous couvert d’économies » et « de mise en cohérence du champ de compétence de l’actuel secrétariat d’Etat », cet amendement « prive le Premier ministre et la société française d’un outil remarquable d’impulsion et d’accompagnement de la politique de l’âge, laquelle ne se résume pas à sa dimension familiale mais, au contraire, concerne tous les champs de la vie en société, de l’économie jusqu’à l’éthique », a-t-elle fustigé.

Et l’aide à domicile ?

Enfin, les acteurs du secteur de l’aide à domicile restent sur leur faim. Si le rôle des services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD) est valorisé dans le projet de loi, « cette reconnaissance ne s’accompagne pas des réponses aux difficultés d’un secteur à bout de souffle en raison d’un manque chronique de financement qui provoque des déficits structurels », a rappelé le Collectif de l’aide à domicile. Contrairement à ce qu’espéraient les fédérations, la réforme de l’organisation des services qui vise à remplacer le financement à l’heure par un dispositif forfaitaire n’est pas généralisée par le projet de loi. Le texte précise que les expérimentations en cours doivent d’abord faire l’objet d’une évaluation. Lors des débats, Laurence Rossignol a néanmoins indiqué que le devenir des services d’aide à domicile était « un chantier prioritaire » et qu’elle allait « travailler à une réforme organisationnelle et à un décloisonnement des accompagnants et des métiers de l’aide et des soins à domicile ». Elle devrait présenter un plan d’actions le 25 septembre (voir encadré, page 11). Parmi ses demandes, le Collectif de l’aide à domicile exige que les fonds issus de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA) puissent être utilisés dès le 1er janvier 2015 sans attendre la promulgation de la loi (notamment pour augmenter les plafonds de l’APA, améliorer les conditions de travail des salariés, créer un fonds de garantie et de développement de l’aide à domicile). Contrairement à ce que réclament les associations, le texte n’envisage pas de revenir sur le double régime agrément/autorisation des services d’aide aux personnes fragiles.

Enfin, le projet de loi confère aux « résidences autonomie » une mission de prévention de la dépendance et institue un socle minimal de prestations, ce que regrette l’AD-PA, qui considère que ces dispositions vont « accroître les obligations des structures sans qu’elles ne disposent des moyens d’y répondre ».

PLAN D’ACTIONS POUR L’AIDE À DOMICILE : HANDÉO RÉCLAME UN VOLET « HANDICAP »

Handéo, l’enseigne nationale de services à la personne destinée aux personnes handicapées, réclame un volet « handicap » dans le plan d’actions pour l’aide à domicile qui doit être annoncé le 25 septembre par Laurence Rossignol, secrétaire d’Etat aux personnes âgées. Pour agir en faveur d’un « égal accès des personnes handicapées à des services de qualité », l’augmentation du tarif de la prestation de compensation du handicap (PCH) est « prioritaire », estime-t-elle. Handéo invite à améliorer l’accès à la PCH pour les enfants handicapés, en particulier pour permettre aux parents de conserver leur activité professionnelle. Par ailleurs, elle propose la création d’un centre de ressources national visant à informer et à accompagner les personnes handicapées, mais aussi toutes les structures d’aide à domicile – qu’elles soient agréées ou autorisées –, les établissements et services médico-sociaux et sanitaires, « dans la structuration d’une offre en aide humaine adaptée et compétente, mieux articulée avec les autres moyens de compensation des conséquences du handicap (aménagement du logement, adaptation des moyens de transport, aides techniques…) ».

L’enseigne propose aussi qu’un service autorisé par le conseil général, qui, en plus d’être certifié « NF service » par le Cofrac – organisme qui accrédite les services à la personne –, est labellisé Cap’Handéo, puisse être dispensé de l’évaluation externe.

Notes

(1) Voir ASH n° 2875 du 5-09-14, p. 22.

(2) Voir ASH n° 2866 du 27-06-14, p. 53.

(3) Voir ASH n° 2722 du 2-09-11, p. 47.

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