Recevoir la newsletter

La Cour des comptes juge les projets régionaux de santé trop complexes et imprécis

Article réservé aux abonnés

L’élaboration des projets régionaux de santé (PRS), instaurés par la loi « HPST » du 21 juillet 2009 afin d’assurer la transversalité de la politique de santé publique conduite par les agences régionales de santé (ARS), « n’est pas parvenue, malgré un travail et une mobilisation considérables, à rendre opérationnelle une approche intégrée au niveau régional ». C’est l’un des constats du rapport de la Cour des comptes sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, rendu public le 17 septembre(1). Pour elle, les ARS sont confrontées à de nombreuses difficultés, « qu’il s’agisse de l’absence de priorités nationales claires, du manque de leviers financiers à [leur] disposition ou du défaut d’affirmation de leur rôle de pilote face à d’autres acteurs au niveau local ». Aussi la juridiction financière formule-t-elle des recommandations en vue du renouvellement des PRS en 2016.

Simplifier l’élaboration des PRS

« Trop peu opérationnels, les PRS ont peiné à organiser une articulation en termes de parcours coordonné entre prévention, soins et prise en charge médico-sociale », estime la Cour des comptes. En effet, les objectifs identifiés dans ces projets sont « beaucoup trop nombreux et non priorisés », ce qui nuit à leur lisibilité et à leur appropriation par les acteurs de santé, souligne-t-elle. Précisant que « l’absence de hiérarchisation […] s’explique notamment par la structuration complexe des PRS (plan stratégique régional, schémas, programmes), la prise en compte des nombreux plans et programmes nationaux de santé publique et une expression large des préoccupations des acteurs de la démocratie sanitaire régionale ». La juridiction financière suggère donc que la procédure d’élaboration des PRS soit « substantiellement allégée, de manière à aboutir à un document moins volumineux, plus accessible et lisible, ne contenant qu’un nombre limité de priorités et d’objectifs opérationnels, de manière à accentuer la transversalité des démarches et à intégrer davantage une approche en termes de parcours de santé ». Parallèlement, elle relève des difficultés de mise en place des dispositifs de suivi et d’évaluation des PRS aux niveaux national et régional.

Autre problème, selon la cour : l’absence de chiffrage financier des actions inscrites dans les PRS. Aussi estime-t-elle « essentiel que soit rendu obligatoire, dans la prochaine génération de PRS, un chiffrage financier des actions inscrites et vérifiée sa compatibilité avec les contraintes de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie ».

Donner plus de moyens aux ARS

Selon la Cour des comptes, « les limites à l’action des ARS proviennent essentiellement des difficultés de l’Etat à assumer pleinement sa responsabilité dans la définition d’une politique nationale de santé publique et au défaut de convergence des acteurs ». Dès lors, les objectifs nationaux apparaissent « insuffisamment affirmés ». Autre limite, d’après elle : la multiplicité des plans et des programmes nationaux qui ne s’articulent que très rarement entre eux et dont les objectifs ne sont pas priorisés.

Par ailleurs, les ARS ont du mal à concrétiser leurs partenariats avec les autres acteurs de la santé. Par exemple, constatent les magistrats financiers de la rue Cambon, elles se heurtent à une « certaine résistance de la part de la caisse nationale d’assurance maladie [CNAM], soucieuse de préserver ses prérogatives », notamment en matière de gestion des risques et de prévention. La collaboration avec les collectivités territoriales a, elle aussi, du mal à se mettre en place, du fait, entre autres, d’un « manque de visibilité des ARS sur l’offre portée ou les besoins définis par les collectivités territoriales ou [du] décalage dans les calendriers d’adoption des différents schémas de la responsabilité des départements et les travaux d’élaboration des schémas régionaux d’organisation médico-sociale ». Un décalage qui a pu induire un « manque de complémentarité et susciter l’incompréhension des élus, dès lors notamment que des besoins de médicalisation de structures médico-sociales étaient appréciés différemment par les services des conseils généraux et les ARS ». Même problème en ce qui concerne les services déconcentrés de l’Etat, dont le partenariat avec les ARS doit être formalisé par la signature de conventions-cadres. Pour la cour, « ce partenariat foisonnant, rarement ciblé sur un objectif précis, peut se révéler consommateur de temps et de moyens au détriment d’une action plus immédiate et plus concrète ».

Enfin, la cour relève que les ARS doivent faire face à des « financements insuffisants », comparés à ceux dont dispose la CNAM. Par exemple, en 2012, les dépenses régionales de santé publique ont représenté 563 millions d’euros, soit 0,32 % des dépenses sanitaires et médico-sociales engagées dans les régions (184,5 milliards d’euros). Sur ce montant, 39 % seulement (soit 218 millions) ont relevé des ARS, le solde étant constitué par les actions menées en propre par la CNAM à travers ses fonds de prévention. Pourtant, rappelle la juridiction financière, la création d’un fonds d’intervention régional (FIR) en 2012(2) devait donner aux ARS une plus grande capacité d’intervention puisque l’attribution des crédits supplémentaires, en plus de ceux qui leur sont alloués par l’Etat au titre de la prévention et de la santé publique, est désormais laissée à leur libre appréciation, sous réserve du principe de fongibilité asymétrique(3). Pour la cour, l’utilisation du FIR s’est révélée « décevante de ce point de vue » : « l’importance des crédits fléchés au niveau national, l’absence de pluri-annualité et la complexité des procédures de mise en œuvre de la fongibilité ont limité jusqu’à présent le recours à cette souplesse de gestion ». D’autant que les modalités de répartition des crédits que le fonds regroupe entre les régions n’ont pas été révisées. Le rapport préconise donc de les refondre « sur la base de critères objectifs tenant compte des inégalités régionales ».

Plus globalement, « pour que la politique en santé publique menée dans les régions soit efficace et efficiente, le rôle de pilote des ARS doit être clairement réaffirmé », ce qui suppose notamment, selon la cour, que « l’ensemble des acteurs inscrivent leurs actions dans le cadre des objectifs définis par les PRS » et que « compétences et ressources doivent mieux converger entre assurance maladie et agences régionales ». Dans ce contexte, estime-t-elle, la future loi de santé publique, qui doit être prochainement présentée en conseil des ministres(4), doit être l’occasion de mieux définir les rapports entre les ARS et la CNAM.

Notes

(1) Rapport disponible sur www.ccomptes.fr.

(2) Voir ASH n° 2752 du 23-03-12, p. 11 et n° 2812 du 31-05-13, p. 36.

(3) Ce principe veut que les moyens financiers, quelle qu’en soit l’origine, attribués à l’ARS pour le financement des actions tendant à la promotion de la santé, à l’éducation à la santé, à la prévention des maladies, des handicaps et de la perte d’autonomie ne peuvent être affectés au financement d’activités de soins ou de prises en charge et d’accompagnements médico-sociaux.

(4) Sur les grandes orientations de la future loi, voir ASH n° 2866 du 27-06-14, p. 14.

Côté cour

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur