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L’ASE, coupable d’incompétence ?

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Gestion opaque, négligences multiples, absence de contrôle des établissements et des familles d’accueil… L’aide sociale à l’enfance (ASE) ressort meurtrie du documentaire que lui consacre France 5, Enfants en souffrance… la honte ! Deux journalistes ont décidé d’enquêter au long cours sur le sujet après avoir découvert les carences révélées par la Cour des comptes en 2009(1), notamment que « les établissements ne sont contrôlés qu’une fois tous les vingt-six ans ». En parallèle, Alexandra Riguet publie sous le même titre un livre de plus de 300 pages. Les deux documents n’omettent pas de parler des établissements où tout se passe bien et dans lesquels les éducateurs effectuent leurs missions avec professionnalisme. Les journalistes interviewent même des jeunes satisfaits de leur prise en charge – comme Marine, bientôt 18 ans, qui assure : « Sans les foyers, je serais peut-être morte. » Reste que l’enquête pointe avant tout les dysfonctionnements et met l’accent sur une série d’événements chocs qui ont marqué le secteur. Les journalistes sont ainsi allés à la rencontre des collègues de Fabrice Hrycak, éducateur spécialisé de l’Association d’action éducative (AAE), retrouvé pendu sous un pont en 2011 après avoir dénoncé les mauvaises conditions de travail et de sécurité de l’établissement dans lequel il exerçait(2). Ils ont interrogé des professionnels de la direction de la solidarité Enfance et famille au conseil général de la Mayenne, qui avouent « n’avoir pas beaucoup de vision sur le côté finances », et admettent des erreurs d’orientation. Un focus est également fait sur une maison d’enfants de Seine-Maritime, fermée précipitamment le jour où le conseil général s’est rendu compte que l’argent alloué à la structure était détourné par les gestionnaires pour leur usage personnel. Une partie du reportage, enfin, est consacrée à une jeune fille morte dans un accident de voiture dont le conducteur, fortement alcoolisé, était le père de sa famille d’accueil. Un pêle-mêle de scandales qui sert surtout de fil conducteur à l’enquête : où passent les 7,5 milliards d’euros dédiés chaque année à la protection de l’enfance ? Après la diffusion de ce film, l’animatrice Marina Carrère d’Encausse proposera d’ouvrir le débat sur le plateau.

C’est un témoignage sur ce qu’il a vécu au sein même de l’ASE que propose Lyes L. dans le livre Dans l’enfer des foyers. Lui taxe l’institution d’« incompétence coupable ». Délaissé par sa mère, non reconnu par son père, il est placé dès le berceau. A 18 mois, il est accueilli par ce qui semble s’approcher de la famille idéale. Mais lorsque celle-ci doit déménager et cherche à l’adopter, la réponse de l’aide sociale à l’enfance est non négociable : hors de question d’éloigner Lyes de sa mère biologique, qui n’a pourtant de « maman » que le nom et n’a même pas été consultée. L’ASE privilégie « les absents, défaillants, aux présents motivés », tacle le jeune homme. Après le déchirement d’être retiré de ce cocon s’ensuivent « deux ans de séquestration » chez « une Thénardière », d’où Lyes sera finalement exfiltré « d’urgence » pour mauvais traitements. « C’était déjà trop tard […]. J’avais fréquenté le démon et il m’avait tatoué », lâche-t-il dans cet ouvrage sombre et captivant.

En foyer, ce garçon rondouillet, efféminé, à l’air « abruti et mal fini » sera le souffre-douleur de ses compagnons de galère, sous l’œil d’éducateurs spécialisés qu’il juge indifférents. « Chez les éducateurs, si certains arrivent à t’aimer, peut-être parce qu’ils se retrouvent en toi, la plupart ne t’aident pas, voire contribuent à te déshumaniser », dénonce-t-il. Sans cesse en quête de stabilité, d’amour et de repères, Lyes n’accepte aucune autorité et en veut à la terre entière. « Il faudrait s’estimer heureux à chaque fois de trouver un toit et ne pas se plaindre si le lit n’en est pas un, si la famille n’en est pas une, si la gentillesse fait défaut. » Pour ne pas rester dans la dénonciation, Lyes ajoute à ce témoignage une série de recommandations en faveur des enfants placés. Histoire d’éviter d’autres tra­jectoires gâchées comme la sienne.

Enfants en souffrance… la honte !

Documentaire d’Alexandra Riguet et Pauline Legrand – 1 h 14 – Sur France 5, mardi 16 septembre à 20 h35 – Livre d’Alexandra Riguet et Bernard Laine – Ed. Fayard – 20 €

Dans l’enfer des foyers. Dans l’enfer des foyers

Lyes L., avec Sophie Blandinières – Ed. Flammarion – 18 €

Notes

(1) Voir ASH n° 2627 du 9-10-09, p. 7.

(2) Voir sur www.ash.tm.fr l’article intitulé « Des salariés du travail social en souffrance à Dunkerque », publié le 28-11-11.

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