Nous avions déjà pointé ce leurre dans la charte de 2010, et estimons que la nouvelle charte crée encore plus de confusion.
La notion d’information confidentielle est absente du code de l’action sociale et des familles comme du code pénal. Elle est mentionnée dans le code général des collectivités territoriales, mais sans être présentée comme pouvant concerner des situations individuelles ou familiales. En revanche, la jurisprudence considère qu’ont un caractère secret les éléments de vie privée dont les dépositaires sont soumis au secret professionnel, par mission ou par profession. Ce n’est donc pas au travailleur social de définir si une information relève ou non du secret ! La charte pose comme limite le fait de ne pas entrer dans le détail de la prise en charge. Mais à partir de quand ce seuil est-il franchi ? Et on imagine bien que dans un contexte de fonctionnement de groupe et d’inquiétude, les questions du pourquoi et du comment vont venir rapidement, avec au final des dérives. Par ailleurs, l’obligation de discrétion est prévue par le code de l’action sociale et des familles pour les professionnels des établissements et services sociaux et médico-sociaux.
Les agents de la fonction publique y sont également soumis. Enfin, les professionnels qui communiquent des informations confidentielles engagent leur responsabilité au titre du respect de la vie privée.
Nous nous situons donc strictement sur le plan légal, afin que le professionnel puisse agir en conscience.
Nous partageons les réserves du CSTS sur la charte et le guide méthodologique, mais divergeons avec lui sur la pertinence d’inviter les professionnels à s’appuyer sur ce texte. Tout en respectant ce que la charte prévoit, nous donnons des outils pour se positionner par rapport aux institutions et aux réalités professionnelles. Nous rejoignons le CSTS lorsqu’il s’interroge sur la compatibilité entre les finalités de surveillance et d’aide aux personnes. Sous couvert d’une volonté d’accompagnement, un groupe se réunit sous l’angle du risque de délinquance, avec la seule obligation d’informer les personnes, et qui plus est à l’aide d’un traitement informatique des données. Sur un plan légal et éthique, nous ne pouvons qu’inciter à la grande prudence sur cette logique d’aide aux familles malgré elles. Ce schéma de contrainte ne remplira pas ses objectifs, sera mal compris par les familles et les professionnels, et s’empilera sur d’autres instances existantes sur les territoires.
Nous estimons que les travailleurs sociaux n’ont pas à partager les éléments nominatifs de vie privée dans le cadre des CLSPD, et qu’ils doivent être soutenus dans cette position par leur hiérarchie. En revanche, ils devraient davantage contribuer aux analyses croisées de problématiques territoriales, afin d’agir collectivement sur une thématique – celle des jeunes livrés à eux-mêmes après l’école par exemple. Si un risque de danger est identifié pour une personne, des moyens existent déjà pour saisir le conseil général. La volonté de repérer toujours plus est louable, mais qu’est-ce qui fait qu’une famille ou un jeune s’engage dans un processus de changement ? On peut être noyé sous des informations – pas toujours fiables – et ne pas être plus efficient.
Le tort serait de confondre partenariat et partage d’informations. Lutter contre l’isolement des professionnels, redonner des espaces d’analyse et de rencontre, en y associant les familles, ne nécessite pas de modifier le cadre légal. Rogner sur les droits des personnes pour redonner du sens au partenariat serait une erreur de raisonnement, de la paresse intellectuelle. A moins que cela ne cache la volonté de démolir le secret professionnel.
(1) Voir ASH n° 2869-2870 du 18-07-14, p. 5 et 36.