« Baluchonner » est une activité composite qui s’appuie sur une bonne capacité d’adaptation, des dispositions à conjuguer professionnalisme et proximité tout en ayant le savoir-faire nécessaire pour s’occuper d’une maison (préparation des repas, entretien…). En France, la plupart des intervenantes ont exercé précédemment des métiers de l’aide à domicile du secteur médico-social ou sanitaire : auxiliaire de vie sociale (AVS), aide ménagère, aide médico-psychologique, aide-soignante, infirmière… C’est souvent une opportunité, pour des professionnelles expérimentées, de valoriser leurs compétences en fin de carrière ou dans le cadre d’un complément d’activité lors de la retraite. A l’image d’Isabelle Delcambre : cette infirmière récemment retraitée qui intervient au sein du service Interv’Alzheimer à Valenciennes se félicite de réaliser enfin « un soin relationnel » après avoir effectué des soins techniques et de confort durant toute sa carrière.
Certains services – comme Parenthèse à domicile géré par l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Les Aubépins – recrutent des personnels en exercice (aide-soignantes et AVS) sur la base de leur motivation pour le travail à domicile – l’occasion de bénéficier de plus d’autonomie, de liberté et de créativité. De son côté, l’unité de répit à domicile du Centre gérontologique départemental des Bouches-du-Rhône (CGD 13) a été pensée dans une perspective d’insertion des AVS tout juste diplômées : « Nous avons contacté les centres de formation pour les sensibiliser au fait que ce type d’emploi pouvait être un débouché intéressant, y compris pour poursuivre ensuite une formation d’aide-soignante ou d’infirmière », explique Vanessa Tomasini, cadre socio-éducatif au CGD 13. Lors de l’expérimentation menée par l’association Aide et répit, entre 2009 et 2011, le recrutement s’était appuyé sur des mises en situation organisées avec Pôle emploi pour évaluer les capacités des personnes à faire ce travail atypique : mais si certaines intervenantes avaient une expérience de soins ou d’accompagnement, beaucoup ont été recrutées dans le cadre d’un parcours d’insertion sans aucune qualification particulière.
L’association québécoise Baluchon Alzheimer, qui a créé le concept, encourage certes la dimension d’engagement personnel : « Le goût des relations authentiques et le sens trouvé à la relation d’accompagnement sont des prérequis : ils fondent la capacité à pratiquer cette activité atypique », relève Frédérique Lucet, animatrice du réseau Euro-Québec de coopération autour de Baluchon Alzheimer. Pourtant, le désir d’aider ne peut garantir à lui seul un accompagnement de qualité : les intervenantes québécoises suivent une formation (initiale et continue) et bénéficient de « journées de ressourcement » (avec analyse de pratiques, échanges entre paires…) qui les aident à prendre du recul. Elles sont en outre soutenues par un tutorat et par un accompagnement, notamment psychologique.
Pour mieux encadrer l’activité en France, le réseau Euro-Québec n’exclut pas la possibilité de se doter d’un référentiel « métier », d’un référentiel de compétences et d’un référentiel de formation. « Mais faire entrer cette fonction dans un cadre aussi strict est-il compatible avec l’approche atypique sur laquelle repose le baluchonnage ? », s’interroge Frédérique Lucet. « Il ne faudrait pas que les procédures enferment trop les intervenants dans des protocoles et les empêchent de poursuivre une activité qui doit rester du sur-mesure », estime Marie-Pascale Mongaux, directrice de l’EHPAD Les Aubépins