« Renforcer les contrôles » pour vérifier que les chômeurs « cherchent bien un emploi ». Ces propos du ministre du Travail et de l’Emploi, François Rebsamen, le 2 septembre sur i-Télé, ont suscité l’indignation des syndicats, des associations et des partis politiques de gauche. Interrogé sur la difficulté de pourvoir les postes laissés vacants, évalués aujourd’hui à 350 000, et sur la possibilité de changer les règles d’indemnisation du chômage, François Rebsamen a rappelé qu’être « chômeur au sens du Bureau international du travail », c’est rechercher un emploi. « C’est négatif pour ceux qui recherchent des emplois d’être à côté de personnes qui ne cherchent pas d’emploi, donc je demande à Pôle emploi de renforcer les contrôles. […] Il faut qu’il y ait, à un moment, une sanction », a-t-il ajouté.
Ces déclarations ont déchaîné la colère des syndicats qui ont condamné une volonté de culpabiliser les chômeurs au moment où le nombre de demandeurs d’emploi vient d’atteindre un nouveau record (voir ce numéro, page 6). Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, s’est déclaré « atterré », jugeant ces propos « scandaleux ». Regrettant que le gouvernement reprenne des arguments déjà entendus sous la présidence Sarkozy, la CGT a, quant à elle, déploré que « la seule solution que trouve le gouvernement pour faire baisser la courbe du chômage » soit de « sanctionner les demandeurs d’emploi ». Cette idée de François Rebsamen a aussi fait grincer des dents au sein du gouvernement : le secrétaire d’Etat à la réforme de l’Etat, Thierry Mandon, a ainsi affirmé que « ce n’est pas parce qu’on contrôle un peu plus les chômeurs qu’on va vaincre le chômage ». Cette mesure ne fait que renforcer « le mythe de l’assistanat », déplore pour sa part Jean Desessard, sénateur écologiste qui juge qu’elle ne fera que compliquer la recherche d’emploi des chômeurs et risque de les « “fragiliser” en faisant planer la menace d’une radiation ». « Abasourdi », le Mouvement national des chômeurs et précaires (MNCP) a estimé que les gouvernements, qu’ils soient de gauche ou de droite, « tiennent le même discours ». « Ça faisait un petit moment qu’on se posait des questions sur des consignes de radiations à Pôle emploi, maintenant c’est clair », a estimé Rose-Marie Péchallat, de l’association Recours radiation.
Face à ce tollé, François Rebsamen a assuré qu’il voulait « seulement rappeler la loi ». Depuis 2008, les demandeurs d’emploi doivent « effectuer des actes positifs et répétés de recherche d’emploi » et « accepter les offres raisonnables ». Un peu plus tôt, l’entourage du ministre avait cherché à tempérer ses propos en affirmant que des contrôles existent déjà et qu’« aucun nouveau dispositif n’est prévu ».
Une expérimentation – qui avait déjà inquiété le MNCP au moment de sa présentation lors du comité national de liaison de Pôle emploi du 9 juillet 2013 (1) – est néanmoins en cours dans quatre régions – en Franche-Comté, en Haute-Normandie, en Provence-Alpes-Côte d’Azur et en Poitou-Charentes – pour vérifier que les chômeurs cherchent bien du travail. Selon le journal Le Monde, depuis mars 2012, des conseillers spécialement dédiés à cette tâche reçoivent chaque jour une liste de chômeurs à contrôler : ils vérifient qu’ils ont suivi tous les projets d’accompagnement, qu’ils ont créé un espace personnel en ligne, qu’ils se sont abonnés aux offres et organisent un entretien téléphonique avec eux. Un questionnaire peut leur être envoyé pour leur demander des pièces justificatives (comme des mails de candidature…), et en cas de non-réponse, une sanction de 15 jours de radiation peut être prononcée. Un bilan de cette expérimentation devrait être présenté le 7 octobre, en comité de liaison, indique Marc Desplats, président du MNCP. Selon Le Monde, de premiers résultats datant de février pointeraient que, parmi les 2 600 chômeurs contrôlés en PACA, 6,5 % ont été radiés. Perplexe sur ce dispositif, Pierre-Edouard Magnan, délégué fédéral du MNCP, s’interroge sur la notion de recherche d’emploi « active » : « De quelle manière Pôle emploi veut-il évaluer ce degré d’activité ? »
(1) Voir ASH n° 2819 du 19-07-13, p. 28.