Les travaux sur l’évolution des métiers des SPIP (services pénitentiaires d’insertion et de probation) vont encore prendre du temps – probablement 18 mois environ – avant d’aboutir. Alors que la contrainte pénale sera applicable au 1er octobre (voir ce numéro, page 45), « la synchronisation n’est pas bonne », relève Olivier Caquineau, secrétaire général du Snepap (Syndicat national de l’ensemble des personnels de l’administration pénitentiaire)-FSU, selon qui « la pression politique forte sur cette mesure » n’est pas en phase avec le temps de la réflexion engagée. Dans le projet de « note de cadrage » sur la contrainte pénale destinée aux directions interrégionales, ajoute-t-il, l’administration met d’ailleurs « le paquet sur la phase d’évaluation de trois mois, avec ensuite une notion de suivi soutenu, mais sans entrer dans le détail du contenu de la prise en charge ». Même sentiment de décalage du côté de la CGT-pénitentiaire : « La mesure est surtout extrêmement modélisée en termes de temporalité, avec par exemple un nombre d’entretiens minimum fixé pendant l’évaluation, sans assurer les conditions de mise en œuvre du suivi », commente Delphine Colin, référente SPIP au sein de l’organisation.
De l’avis des deux syndicats, ces conditions manquent pourtant encore pour la mise en œuvre de la contrainte pénale, comme la pluridisciplinarité des services. Or ce sujet fait justement partie des trois thèmes sur lesquels – l’administration a demandé aux organisations professionnelles de remettre une contribution pour alimenter les travaux du groupe de travail national sur l’évolution des métiers des SPIP, qui doivent aboutir à des référentiels de pratiques. Cet été, une enquête a également été lancée auprès des services, tandis qu’une recherche-action sur l’évaluation est engagée dans six départements.
Pour instaurer une pluridisciplinarité dans les services, « les interventions doivent être coordonnées et pas uniquement juxtaposées », souligne le Snepap dans sa contribution, rappelant les difficultés à faire vivre cette notion, alors qu’elle est apparue pour la première fois dans la circulaire de 2008 relative aux missions et aux méthodes d’intervention des SPIP. « La fiche de poste des assistants de service social n’a jamais été travaillée avec les organisations professionnelles et les missions qui leur sont confiées, là où elles ont été définies de manière spécifique, restent souvent discrétionnaires », ajoute-t-il. Le syndicat rappelle également que « moins du quart » des recrutements de psychologues prévus en 2011 ont été réalisés. Si des postes supplémentaires sont nécessaires pour assurer la pluridisciplinarité des services, ajoute-t-il, « encore faudra-t-il que les SPIP soient dotés de moyens matériels pour accueillir dignement ces nouveaux personnels ». Sans compter que ces renforts devront être accompagnés de la définition d’organigrammes, « dont l’absence maintient dans le flou les “pouvoirs” de chacun des acteurs ».
De la même façon, la CGT pénitentiaire constate que les « tentatives de mettre en place des espaces professionnels collectifs se heurtent à des résistances » liées à la confusion « entre besoins des équipes et besoins de gestion des services », notamment lorsqu’il s’agit d’« organiser la régulation des charges de travail au détriment de l’analyse de fond des situations ». Elle demande donc que le travail pluridisciplinaire soit « exclusivement tourné sur l’analyse des problématiques des personnes prises en charge aux fins de répondre aux besoins d’individualisation », et que soient favorisés les échanges « hors des temps institutionnels entre professionnels autour de situations individuelles nécessitant des apports de compétences plurielles ».
Autre sujet sur lesquels les syndicats ont fourni une contribution : les modalités de prise en charge. Une notion qui renvoie aujourd’hui à « un concept gestionnaire », estime la CGT pénitentiaire, qui milite pour un ratio de 50 dossiers suivis par agent, alors qu’il dépasse les 100 aujourd’hui. Un objectif qui semble difficile à atteindre avec les 380 conseillers d’insertion et de probation devant entrer en formation cette année. Mais il ne suffit pas d’invoquer un problème de moyens, précise la CGT : « La priorisation d’affectation et le suivi différencié réellement individualisé après concertations et échanges en équipe permettent souvent de mettre les professionnels dans des conditions meilleures pour l’exercice de leurs missions. » Une démarche qu’elle distingue en revanche des « modélisations de type “segmentations” ». Pour le Snepap également, « une mise à niveau des ressources humaines est indispensable ». Il considère en outre que « les personnels d’insertion et de probation doivent être reconnus et valorisés dans leurs compétences en matière d’évaluation, d’expertise et de programmation des suivis » et ne pas être « cantonnés dans des tâches d’exécution du mandat judiciaire qui réduiraient au passage le travail de probation à sa seule dimension de contrôle ».
Enfin, l’administration a également demandé aux syndicats de plancher sur les coopérations partenariales. Là encore, le besoin de conventionnements avec les services de droit commun nécessite des ressources budgétaires et humaines, insiste le Snepap, tandis que la CGT réclame que « les travailleurs sociaux retrouvent l’autonomie nécessaire pour pouvoir travailler en lien direct avec les travailleurs sociaux de secteur, personnels soignants, conseillers en insertion professionnelle… autour d’un (vrai) cadre déontologique parfaitement identifié par les partenaires ».