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La loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes a été définitivement adoptée

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Au menu, notamment, de ce texte touchant à de nombreux domaines : la réforme du congé parental, la création d’une garantie contre les impayés de pensions alimentaires et le renforcement des outils de protection des victimes de violences (téléphone « grand danger », ordonnance de protection…).

Les parlementaires ont, le 23 juillet, définitivement adopté la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, dont le parcours législatif avait débuté un an auparavant. Le Conseil constitutionnel a, pour sa part, validé les mesures essentielles de ce texte dans une décision du 31 juillet (voir encadré ci-dessous). Dans un communiqué du même jour, celle qui était alors ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, a estimé que, « par les réformes qu’elle engage, la loi est tout entière construite pour assurer une pleine effectivité des droits ». Et, pour ce faire, elle s’est engagée à ce que les textes d’application de la loi soient publiés « avant la fin de l’année ». Tour d’horizon des mesures phares de ce texte.

Refonte du congé parental

Afin de favoriser un meilleur partage des responsabilités parentales et la conciliation de la vie personnelle et professionnelle, la loi réforme le congé parental, actuellement de trois ans au maximum, et la prestation qui y est associée, le complément de libre choix d’activité de la prestation d’accueil du jeune enfant – rebaptisée au passage « prestation partagée d’éducation de l’enfant » (PréParE). Cette réforme concernera les enfants nés ou adoptés à compter du 1er octobre 2014. Pour ceux qui sont nés ou adoptés avant cette date, la législation actuelle continuera à leur être appliquée.

Concrètement, la nouvelle prestation sera allouée, sans condition de ressources :

→ à taux plein, au parent qui interrompt son activité professionnelle pour s’occuper d’un enfant de moins de 3 ans ou qui, désormais, suit une formation professionnelle non rémunérée ;

→ à taux partiel, au parent qui, sans changement, exerce une activité professionnelle ou poursuit une formation professionnelle rémunérée, à temps partiel.

Le parent bénéficiera de la PréParE pendant une durée fixée par décret – en principe deux ans et demi – en fonction du rang de l’enfant. A partir du deuxième enfant, cette durée comprendra les périodes postérieures à l’accouchement donnant lieu à indemnisation ou à maintien de traitement ainsi que les périodes indemnisées au titre du congé d’adoption. Une autre part, définie en nombre de mois (six mois a priori), ne pourra être prise que par l’autre parent, le plus souvent le père, sous réserve que le premier ait fait usage de son droit. « Il y aura quand même de la souplesse, a assuré Najat Vallaud-Belkacem lors d’une rencontre avec l’Association des journalistes de l’information sociale le 27 juin 2013, dans la mesure où les six mois pourront être pris à temps partiel, à un autre moment qu’à la fin de la première période ou ne pas être pris dans leur totalité. »

Lorsque les deux membres du couple ont tous deux droit à la prestation, assument conjointement la charge de l’enfant au titre duquel la PréParE est versée et que chacun d’entre eux fait valoir, simultanément (lorsque la prestation est à taux partiel) ou successivement (à taux plein), son droit à la prestation, la durée totale de versement pourra être prolongée jusqu’à ce que l’enfant atteigne un âge limite en fonction de son rang, indique la loi. Ajoutant que le droit à la prestation sera alors ouvert jusqu’à ce que l’enfant ait atteint cet âge limite. Des dispositions qui doivent être précisées par décret. La durée étendue du versement de la PréParE profitera aussi au parent qui élève seul son enfant (1), ce qui devrait permettre de maintenir les droits actuels des familles monoparentales. La durée de versement de la prestation partagée pourra également être prolongée pour le couple ayant deux enfants et plus jusqu’au mois de septembre suivant la date anniversaire de l’enfant lorsque les ressources des parents n’excèdent pas le plafond d’octroi du complément familial (2), et tant qu’une demande dans un établissement ou service d’accueil d’enfant de moins de 6 ans ou dans un établissement scolaire est restée insatisfaite et que l’un des deux membres du couple exerce une activité professionnelle.

Signalons que, comme le prévoit la loi, Pôle emploi et la caisse nationale des allocations familiales (CNAF) se sont récemment associés pour faire bénéficier les titulaires de la PréParE qui étaient précédemment en inactivité de prestations d’aide au retour à l’emploi avant la fin de leurs droits à la prestation partagée (3).

Création d’une garantie contre les impayés de pensions alimentaires

Afin d’améliorer la situation des personnes qui élèvent seules leurs enfants à la suite d’une séparation ou d’un divorce, un dispositif de renforcement des garanties contre les impayés de pensions alimentaires va être expérimenté pendant 18 mois à compter de la publication de l’arrêté désignant les départements devant l’accueillir et qui doit intervenir au plus tard le 1er octobre prochain. L’expérimentation se déroulera selon des modalités qui ont été fixées, en décembre dernier, dans un protocole paraphé par la CNAF et la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (MSA) (4). Elle concernera les bénéficiaires de l’allocation de soutien familial (ASF) et de l’aide au recouvrement des créances dues au titre de l’entretien des enfants des caisses d’allocations familiales (CAF), résidant dans les départements expérimentateurs, ainsi qu’aux débiteurs de créances alimentaires à l’égard de ces bénéficiaires, quel que soit leur lieu de résidence. En pratique, la CAF pourra, en vue de faciliter la fixation de la pension alimentaire par le juge aux affaires familiales (JAF), transmettre au parent bénéficiaire de l’ASF les renseignements dont elle dispose concernant l’adresse et la solvabilité du parent débiteur (5). Est ici visé le parent considéré comme « hors d’état de faire face [depuis au moins un mois] à son obligation d’entretien ou au versement d’une pension alimentaire mise à sa charge par décision de justice » (titulaires du revenu de solidarité active, bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés à taux plein, personnes incarcérées…), précise la loi.

Par ailleurs, l’expérimentation permettra aux CAF non seulement de mettre en œuvre la procédure de paiement direct de la pension alimentaire sur les 24 derniers mois impayés (contre les six derniers aujourd’hui), mais aussi d’effectuer des prélèvements directs du terme mensuel courant et des 24 derniers mois impayés de la pension alimentaire sur les autres prestations sociales que perçoit le parent débiteur.

Dans le cadre de cette expérimentation, un droit à l’ASF différentielle sera aussi ouvert en faveur du parent dont la créance alimentaire est inférieure au montant de l’ASF (90,40 € depuis le 1er avril), même lorsque le parent débiteur s’acquitte intégralement du paiement de sa dette. Et cette allocation différentielle restera acquise à l’allocataire.

Rappelons que, d’après le protocole signé entre la CNAF et la MSA, l’expérimentation offrira en outre des mesures de soutien et de conseil aux titulaires de l’ASF. Des actions qui pourront être complétées par des initiatives locales des CAF, des caisses de mutualité sociale agricole, des collectivités territoriales et de leurs partenaires, qui concourent au même objectif de création d’une garantie publique contre les impayés de pension alimentaire.

Un décret précisera les modalités de mise en œuvre de ce dispositif.

Renforcement des outils de lutte contre les violences faites aux femmes

D’après l’exposé des motifs du projet de loi initial, au 1er juin 2011, une ordonnance de protection se déclenchait en moyenne 21,27 jours après avoir été demandée, alors que ses initiateurs la voulaient prise sous 48 heures. Afin de réactiver ce dispositif, qui garantit la protection de la victime de violences conjugales (6), la loi affirme donc l’objectif d’une délivrance « dans les meilleurs délais » par le juge aux affaires familiales (JAF), s’il estime qu’il existe des « raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger auquel la victime ou [désormais] un ou plusieurs enfants sont exposés ». Le texte porte en outre la durée maximale de validité de l’ordonnance de quatre à six mois, une durée qui court à compter de la date de sa notification. Elle peut être prolongée au-delà si, durant ce délai, une requête en divorce ou en séparation de corps a été déposée ou – dorénavant – si le JAF a été saisi d’une requête relative à l’exercice de l’autorité parentale. A cette occasion, il peut également statuer sur la résidence séparée des époux, concubins ou partenaires pacsés en précisant lequel des deux continuera à résider dans le logement conjugal et sur les modalités de prise en charge des frais afférents à ce logement. Sauf circonstances particulières, la jouissance de ce logement sera attribuée à la victime des violences, même si elle a bénéficié d’un hébergement d’urgence. Le JAF peut enfin autoriser la victime à dissimuler son domicile ou sa résidence et à élire domicile pour les besoins de la vie courante chez une personne morale qualifiée.

La loi met par ailleurs fin au recours systématique à la médiation pénale dans le cadre des procédures de violences conjugales commises par l’actuel ou l’ex-conjoint, concubin ou partenaire. Elle ne peut désormais être déclenchée qu’à la demande de la victime. Dans cette hypothèse, l’auteur des violences fait aussi l’objet d’un rappel à la loi. Si de nouvelles violences sont commises après la médiation, le procureur de la République peut ordonner une composition pénale ou engager des poursuites.

Le texte modifie également les codes pénal et de procédure pénale pour affirmer le principe de l’éviction du conjoint, concubin ou partenaire violent du domicile conjugal lorsque les violences sont susceptibles de se reproduire et, sauf circonstances particulières, le maintien dans les lieux de la victime si elle le souhaite. Le procureur de la République peut préciser les modalités de la prise en charge des frais afférents à ce logement pendant une durée qui ne pourra excéder six mois. Cette mesure peut être prise lorsque l’auteur des violences fait l’objet d’une composition pénale, d’un contrôle judiciaire ou d’une mise à l’épreuve. La loi aménage en conséquence la loi du 1er septembre 1948 relative aux rapports des bailleurs et locataires pour garantir à la victime le transfert du bail de location.

Autre disposition pour assurer la protection des victimes de violences conjugales et de viol : la généralisation du téléphone « grand danger » permettant leur géolocalisation en cas de danger et l’intervention de la police. Ce dispositif peut être proposé à la victime pendant une durée renouvelable de six mois. Toutefois, pour en bénéficier, la loi précise que la victime doit y consentir expressément, avoir cessé de cohabiter avec son actuel ou ex-conjoint, concubin ou partenaire et ce dernier doit avoir fait l’objet d’une interdiction judiciaire d’entrer en contact avec elle dans le cadre d’une ordonnance de protection, d’une alternative aux poursuites, d’une composition pénale, d’un contrôle judiciaire, d’une assignation à résidence sous surveillance électronique, d’une condamnation, d’un aménagement de peine ou d’une mesure de sûreté. Dans un communiqué du 22 août, le gouvernement a indiqué qu’il engagerait dès le mois de septembre les services de l’Etat pour mettre en œuvre le déploiement de plus de 500 téléphones « grand danger » sur le territoire. A ce jour, 157 téléphones sont utilisés et 304 personnes en ont bénéficié, à titre expérimental, dans 13 départements.

S’agissant des auteurs de violences conjugales, le gouvernement veut aussi mettre l’accent sur leur suivi afin de prévenir la récidive. La loi permet ainsi au procureur de la République, au juge de l’application des peines et à la juridiction de jugement de leur imposer, à titre de peine principale ou complémentaire, de suivre à leurs frais un stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes.

[Loi n° 2014-873 du 4 août 2014 et décision du Conseil constitutionnel n° 2014-700 DC du 31 juillet 2014, J.O. du 5-08-14]
CENSURE À LA MARGE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

La Haute Juridiction a censuré, pour des motifs de procédure, les articles 7 et 10 de la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. Le premier visait à étendre la liste des cas dans lesquels, en raison d’un licenciement fautif, le juge peut ordonner le remboursement par l’employeur aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié, dans la limite de six mois d’ancienneté. La deuxième disposition permettait au juge, lorsqu’il constate que le licenciement est intervenu en méconnaissance des articles du code du travail relatifs, d’une part, à la protection de la salariée enceinte et, d’autre part, à la discrimination et au harcèlement sexuel, d’octroyer au salarié une indemnité à la charge de l’employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des 12 derniers mois, sans préjudice de l’indemnité de licenciement.

Notes

(1) Par dérogation, la loi souligne que cette durée étendue restera acquise à la personne qui, à l’issue de la durée initiale de versement, se marie ou conclut un pacte civil de solidarité.

(2) Voir ASH n° 2859 du 9-05-14, p. 34.

(3) Voir ASH n° 2856 du 18-04-14, p. 6.

(4) Voir ASH n° 2837 du 13-12-13, p. 12.

(5) Rappelons en effet que les CAF sont aujourd’hui autorisées à croiser les fichiers fiscaux, bancaires et de prestations.

(6) Elle vise à stabiliser temporairement, pour une durée désormais fixée à six mois au maximum, ou pendant toute la procédure de divorce ou de séparation de corps, la situation juridique et matérielle de la victime en garantissant sa protection et en organisant provisoirement sa séparation d’avec l’auteur des violences.

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