Les maux qui frappent le système d’asile français sont connus et ont été analysés dans de nombreux rapports(1) : sous-dimensionnement juridique et matériel empêchant le dispositif d’absorber facilement les pics de demandes, allongement des délais de traitement, charge accrue sur le parc d’hébergement obligeant les pouvoirs publics à développer un hébergement d’urgence dédié voire à recourir à l’hébergement d’urgence de droit commun (créant ainsi une inégalité de traitement entre demandeurs d’asile difficilement justifiable et mise en cause par les instances européennes).
Le gouvernement considère qu’une chance se présente aujourd’hui pour remédier à cette situation, à travers la nécessité de transposer d’ici à juillet 2015 deux directives européennes adoptées en 2013 et impactant fortement à la fois les procédures juridiques et les conditions d’accueil des demandeurs d’asile : la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 dite directive « procédures » et la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 dite directive « accueil »(2). Les pouvoirs publics entendent ainsi « saisir cette occasion et utiliser à plein les facultés ouvertes par ces textes pour réformer en profondeur le droit de l’asile », explique l’exposé des motifs du projet de loi présenté par le ministre de l’Intérieur le 23 juillet dernier en conseil des ministres. Préparé en grande partie par son prédécesseur Place Beauvau, Manuel Valls, le texte entend plus précisément agir selon deux axes : améliorer encore la protection des personnes réellement en besoin d’une protection internationale et permettre plus facilement au dispositif d’écarter rapidement la demande d’asile infondée, tout en renforçant l’équité et la transparence des procédures.
Le projet de loi est aussi l’occasion de transposer la directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011 dite directive « qualification » qui, pour l’essentiel, accroît le niveau de protection des personnes en ce qui concerne l’éligibilité à la protection internationale en précisant en particulier les modalités d’évaluation de la capacité de protection et en précisant les conditions de l’asile interne ainsi que de la cessation de la protection. Cette directive renforce également les droits, notamment de séjour, économiques et sociaux attachés à cette protection(3).
Concrètement, le projet de loi propose d’agir sur les procédures applicables devant l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Il développe par exemple au bénéfice de l’office les modalités procédurales, permises par le droit européen, qui permettent d’écarter plus facilement les demandes les moins fondées comme la nouvelle procédure accélérée qui doit remplacer la procédure prioritaire actuelle. Au passage, la notion de pays d’origine sûr – qui resterait l’un des critères de placement en procédure accélérée – serait mise en œuvre selon des critères se voulant plus objectifs et précis.
Dans un autre chapitre, le projet de loi apporte plusieurs modifications substantielles à la procédure en rétention, en maintenant un traitement accéléré par l’OFPRA mais assorti de deux tempéraments : un recours suspensif et la possibilité pour l’OFPRA d’obtenir la fin de la rétention du demandeur s’il estime ne pas pouvoir statuer dans les délais prévus. Des modifications sont également apportées à la procédure d’asile à la frontière.
Le projet de loi a encore pour ambition de rendre les conditions d’accueil des demandeurs d’asile plus justes et plus équitables – avec notamment la reconnaissance d’un droit au maintien sur le territoire jusqu’à la fin de la procédure pour tous les demandeurs d’asile y compris en cas de contentieux – mais aussi, comme le dit l’exposé des motifs, « plus directives » avec en particulier la mise en place d’un dispositif d’hébergement contraignant permettant d’affecter le demandeur d’asile dans une autre région que celle où il se présente. De nouvelles garanties procédurales sont par ailleurs prévues, comme l’examen de la vulnérabilité du demandeur et l’adaptation en conséquence des conditions d’accueil et des modalités d’examen de l’OFPRA ou bien encore la présence d’un tiers à l’entretien devant l’office, accompagnant le demandeur.
Le projet de loi modifie aussi les procédures contentieuses qui, rappelle l’exposé des motifs, « sont aujourd’hui un des éléments de l’allongement des délais ». Il propose par exemple une procédure de jugement à juge unique, en un mois, des dossiers ayant fait l’objet d’une procédure accélérée devant l’OFPRA – ce recours ayant un caractère suspensif, « ce qui constitue une garantie nouvelle ». Le délai de jugement en procédure normale imparti à la Cour nationale du droit d’asile devrait en outre être fixé à 5 mois.
Enfin, le texte essaye de mieux définir et renforcer les droits du bénéficiaire de la protection en matière d’accès aux droits, de réunification familiale et de documents de voyage.
Ce projet, explique l’exposé des motifs, « s’efforce ainsi de respecter un équilibre entre l’extension des protections et la création d’instruments diversifiés permettant d’accélérer les délais et de lutter contre les détournements de procédure ». A terme, affirme-t-il, « l’objectif est d’assurer l’extension des garanties pour l’ensemble des demandeurs d’asile », une « décision définitive dans un délai de 9 mois dans le droit commun » – « 3 mois pour les procédures accélérées » – et « l’hébergement des demandeurs d’asile dans des conditions identiques ».
La date d’examen du projet de loi reste pour le moment incertaine.
Dans son premier chapitre, le projet de loi vise à clarifier les conditions dans lesquelles la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire peut être reconnu, en prenant directement appui sur les dispositions tirées de la directive « qualification ».
Consacrant la jurisprudence et la pratique en vigueur, le texte insère dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et de l’asile (Ceseda) une définition des actes et des motifs de persécution ouvrant droit au statut de réfugié, en renvoyant aux définitions contenues dans la directive européenne de 2011. Il précise également la notion de lien entre les motifs et les actes de persécution – « pour que la qualité de réfugié soit reconnue, il doit exister un lien entre l’un des motifs de persécution et les actes de persécution ou l’absence de protection contre de tels actes » – ainsi que la notion d’imputabilité et les conditions d’exclusion ou de cessation du statut de réfugié. Lorsqu’elle examine si le demandeur craint avec raison d’être persécuté, « l’autorité compétente doit ainsi considérer de façon identique le demandeur qui possède effectivement les caractéristiques à l’origine des persécutions qu’il invoque et celui auquel ces caractéristiques sont imputées par l’auteur des persécutions ».
On signalera également que, dans un but de clarification du droit, le projet de loi inscrit dans le Ceseda certaines dispositions de la convention de Genève relatives aux clauses d’exclusion et aux clauses de cessation du statut de réfugié, en les assortissant de précisions.
Le projet de loi modifie également la définition même de la protection subsidiaire – statut accordé à une personne qui ne bénéficie pas de celui de réfugié mais qui est exposée dans son pays à une des formes de danger visées par la loi – pour mieux la faire coïncider avec les termes de la directive de 2011. La protection devrait ainsi être accordée dorénavant à la personne pour laquelle « il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’elle courrait dans son pays un risque réel de subir l’une des atteintes graves suivantes » :
→ la peine de mort « ou une exécution » ;
→ s’agissant d’un civil, une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence « aveugle » résultant d’une situation de conflit armé interne ou international.
Il ne serait plus fait référence, comme actuellement, aux menaces de torture, peines ou traitements inhumains ou dégradants.
Toujours en suivant les dispositions de cette directive, le texte revient également sur les cas d’exclusion de la protection subsidiaire pour préciser ce qu’il faut entendre par personnes ayant commis des crimes ou des agissements passibles d’exclusion. Il s’agit de personnes « qui sont les instigatrices, les auteurs ou les complices » de ces crimes ou agissements, « ou qui y sont personnellement impliquées ».
Le projet de loi prévoit par ailleurs un nouveau cas de refus de la protection subsidiaire : elle devrait ainsi être refusée s’il existe des raisons sérieuses de penser, d’une part, que la personne « a commis avant son entrée en France un ou plusieurs crimes » n’entrant pas dans les cas d’exclusion prévues par la loi mais « qui seraient passibles d’une peine de prison s’ils avaient été commis en France », et, d’autre part, « qu’elle n’a quitté son pays d’origine que dans le but d’échapper à des sanctions résultant de ces crimes ».
Le texte précise encore les raisons pour lesquelles il peut être mis fin à la protection subsidiaire : l’OFPRA peut ainsi notamment mettre fin au bénéfice de la protection subsidiaire « lorsqu’il apporte la preuve que les circonstances ayant justifié l’octroi de la protection ont cessé d’exister ou ont connu un changement suffisamment significatif et non provisoire pour que celle?ci ne soit plus requise ». Une exception à ce type de cessation est toutefois introduite : l’OFPRA ne pourrait, dans ce cadre, mettre fin à la protection si « son bénéficiaire peut invoquer des raisons impérieuses tenant à des atteintes graves antérieures pour refuser de se réclamer de la protection de son pays ».
Conformément à la directive « qualification », l’article 4 du projet de loi donne une nouvelle définition des acteurs susceptibles d’offrir une protection (statut de réfugié ou protection subsidiaire). Ainsi, alors que le Ceseda évoque actuellement simplement « les autorités de l’Etat et les organisations internationales et régionales », le texte ajoute à cette liste « les partis ». Et précise que, pour tous, il doit s’agir d’acteurs contrôlant « l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ».
Autre nouveauté : l’article ajoute que la protection subsidiaire accordée doit être « effective et non temporaire ». Il précise également les modalités d’appréciation de celle-ci. Ainsi, une telle protection « est en principe assurée lorsque les autorités concernées prennent des mesures appropriées pour empêcher les persécutions ou les atteintes graves, en particulier lorsqu’elles disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection ».
Des modifications sont également introduites autour des conditions de mise en œuvre de « l’asile interne », situation dans laquelle un demandeur d’asile peut voir sa demande rejetée car il aurait accès à une protection sur une partie du territoire de son pays d’origine. Conformément à l’article 8 de la directive de 2011, qui rejoint les exigences de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), le projet de loi précise que la demande d’asile peut être rejetée dans une telle hypothèse si la personne concernée « peut, légalement et en toute sécurité, se rendre vers cette partie du territoire et que l’on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’elle s’y établisse ».
Le texte propose également de créer un nouvel article dans le Ceseda autour des risques découlant notamment d’activités exercées après le départ du pays d’origine (là encore conformément à la directive). Il précise ainsi que « les craintes de persécutions prises en compte dans l’octroi de la qualité de réfugié et le risque réel de subir des atteintes graves pouvant donner lieu au bénéfice de la protection subsidiaire peuvent être fondées sur des événements survenus après que le demandeur d’asile a quitté son pays d’origine ou à raison d’activités qu’il a exercées après son départ du pays, notamment s’il est établi que les activités invoquées constituent l’expression et la prolongation de convictions ou d’orientations affichées dans son pays ».
Le deuxième chapitre du projet de loi porte sur la procédure d’examen des demandes d’asile. Tout en préservant les principes qui président à l’organisation de l’OFPRA et à l’examen des demandes, il apporte plusieurs modifications qui rénovent profondément la procédure. La plupart résultent de la transposition des directives européennes « procédures » et « accueil ». « Les garanties sont renforcées et simultanément, dans un souci d’équilibre et d’efficacité […], des outils nouveaux sont mis en place », assure l’exposé des motifs.
Deux sections du chapitre sont par ailleurs consacrées à la procédure d’asile à la frontière pour l’une et à la procédure en rétention pour l’autre.
Les articles 5 et 6 du projet de loi visent à conforter l’impartialité et la qualité du processus de décision de l’OFPRA.
L’article 5 consacre ainsi dans la loi le principe d’indépendance dans les décisions d’attribution de la protection. L’OFPRA, indique-t-il, « ne reçoit aucune instruction » dans l’exercice de ses missions. En outre, « l’anonymat des agents […] chargés de l’instruction des demandes d’asile et de l’entretien personnel des demandeurs est assuré ». Il s’agit d’une dérogation à la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. Pour le gouvernement, elle est « nécessaire pour garantir une instruction sereine et impartiale et mettre à l’abri de toutes pressions » les officiers de protection. Elle « ne met nullement en cause le principe selon lequel le signataire de la décision est clairement identifié », explique-t-il dans l’exposé des motifs.
Enfin, pour que l’office puisse prendre ses décisions en toute connaissance de la situation réelle des demandeurs d’asile ou des personnes auxquelles il a accordé l’asile, le projet de loi permet à l’autorité judiciaire de communiquer à l’OFPRA (et à la CNDA), sur demande ou d’office, toute indication qu’elle peut recueillir pouvant faire présumer l’existence d’un motif d’exclusion du statut de réfugié ou du bénéfice de la protection subsidiaire ou la nature frauduleuse d’une demande d’asile.
Afin d’améliorer les modalités de désignation, par le conseil d’administration de l’OFPRA, des pays considérés comme des pays d’origine sûrs, l’article 6 du projet de loi propose d’adopter une définition plus conforme à la directive « procédures ». Et fait ainsi indiquer, noir sur blanc, que l’office fixe la liste de ces pays « dans les conditions et selon les critères prévus par l’article 37 et l’annexe I de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale ».
Le conseil d’administration, ajoute-t-il, « veille à l’actualité et à la pertinence des inscriptions » sur la liste. « Les dispositions réglementaires prévoiront la possibilité de délibérations électroniques en cas de situation d’urgence », précise l’exposé des motifs.
Autre nouveauté : le conseil d’administration de l’OFPRA devrait pouvoir radier de la liste les pays ne remplissant plus les critères pour être considérés comme sûrs et pouvoir en suspendre l’inscription « en cas d’évolution rapide et incertaine de la situation dans un pays ».
Le gouvernement s’est notamment fixé pour objectif, avec le projet de loi, d’assurer dans les modalités d’examen des demandes d’asile un juste équilibre entre garanties des droits et efficacité, afin d’assurer des délais d’examen rapides et d’apporter des réponses aux demandes manifestement étrangères à un besoin de protection. Quatre séries de mesures s’inscrivent dans cet objectif.
En premier lieu, le texte maintient – tout en le rénovant profondément – le dispositif d’examen prioritaire de certaines demandes d’asile et qui serait désormais dénommé « procédure accélérée ». Cette procédure viserait les cas où la demande peut apparaître manifestement étrangère à un besoin de protection.
Le projet de loi en prévoit plusieurs. En vertu de la loi pour certains, à l’initiative de l’autorité préfectorale ou de celle de l’OFPRA pour d’autres.
L’office devrait ainsi statuer en procédure accélérée automatiquement lorsque :
→ le demandeur provient d’un pays considéré comme un pays d’origine sûr ;
→ le demandeur a présenté une demande de réexamen qui n’est pas irrecevable.
Innovation autorisée par la directive « procédures », l’OFPRA pourrait par ailleurs, de sa propre initiative, statuer en procédure accélérée lorsque le demandeur :
→ a présenté de faux documents d’identité ou de voyage, fourni de fausses indications ou dissimulé des informations ou des documents concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin d’induire en erreur les autorités ou a présenté plusieurs demandes d’asile sous des identités différentes ;
→ n’a soulevé à l’appui de sa demande que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions d’octroi de l’asile ;
→ a fait des déclarations manifestement incohérentes et contradictoires, manifestement fausses ou peu plausibles qui contredisent des informations vérifiées relatives au pays d’origine.
Enfin, la procédure accélérée pourrait également être mise en œuvre par décision de l’autorité préfectorale sur la base de critères autorisés par la directive et que le projet de loi redéfinit pour garantir qu’il s’agisse de critères extérieurs à la qualité intrinsèque de la demande :
→ refus de se conformer à l’obligation de donner ses empreintes digitales ;
→ présentation de faux documents d’identité ou de voyage, fausses indications, dissimulation des informations ou des documents concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin d’induire en erreur les autorités, ou bien encore présentation de plusieurs demandes d’asile sous des identités différentes ;
→ demande d’asile tardive (non-présentation, sans raison valable, de la demande dans le délai de 90 jours à compter de son entrée en France) ;
→ demande d’asile présentée en vue de faire échec à une mesure d’éloignement prononcée ou imminente ;
→ ordre public (l’intéressé constitue, de par sa présence en France, une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’Etat).
Ces dispositions devraient se conjuguer avec une garantie nouvelle fondamentale : la possibilité pour l’OFPRA de reclasser en « procédure normale » la demande initialement classée en « procédure accélérée » par application de la loi ou sur l’initiative de l’autorité préfectorale, chaque fois que cela lui apparaît nécessaire au vu de la demande individuelle, pour assurer un examen approprié.
Conséquence de toutes ces dispositions, le classement en procédure accélérée ne pourra plus être contesté que devant le juge de l’asile, à l’occasion du recours au fond contre la décision de l’office rejetant la demande d’asile.
( A noter ) Le projet de loi prévoit que la procédure accélérée ne pourra être mise en œuvre à l’égard de mineurs non accompagnés que dans des cas limités (pays d’origine sûrs, demande de réexamen recevable ou présence en France constituant une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’Etat). De plus, s’il devait considérer que le demandeur d’asile nécessite des garanties procédurales particulières qui ne sont pas compatibles avec l’examen de sa demande en procédure accélérée – « en raison notamment des violences graves dont il a été victime ou de sa minorité » –, l’OFPRA pourrait décider de ne pas statuer ainsi.
Le projet de loi permet à l’OFPRA de définir, pendant toute la durée de la procédure d’instruction de la demande d’asile, les « modalités particulières d’examen qu’il estime nécessaire pour l’exercice des droits d’un demandeur en raison de sa situation particulière, de sa minorité ou de sa vulnérabilité ».
Le projet de loi permet par ailleurs à l’office de statuer « par priorité » :
→ sur les demandes manifestement fondées ;
→ sur celles qui sont présentées par des personnes vulnérables identifiées comme ayant des besoins particuliers en matière d’accueil ou comme nécessitant des modalités particulières d’examen, notamment lorsqu’il s’agit de mineurs non accompagnés.
Le projet de loi définit les modalités d’instruction de la demande d’asile en assurant l’effectivité de certaines dispositions figurant dans la directive « qualification ». Ces dispositions participent d’une double exigence de respect des directives européennes et de lisibilité de la procédure d’examen, résume le gouvernement dans l’étude d’impact du texte. Elles précisent les obligations de coopération qui incombent au demandeur et les modalités d’évaluation des craintes de persécution ou d’atteintes graves.
Le texte pose le principe de coopération du demandeur d’asile à l’évaluation de sa demande, qui implique l’obligation pour l’intéressé d’apporter tous les éléments nécessaires pour étayer sa requête. « Il appartient au demandeur de présenter, aussi rapidement que possible, tous les éléments nécessaires pour étayer sa demande d’asile », indique ainsi le projet de loi. « Ces éléments correspondent à ses déclarations et à tous les documents dont il dispose concernant son âge, son histoire personnelle, y compris celle de sa famille, son identité, sa ou ses nationalités, ses titres de voyage, les pays ainsi que les lieux où il a résidé auparavant, ses demandes d’asile antérieures, son itinéraire ainsi que les raisons justifiant sa demande. »
L’OFPRA, quant à lui, devrait évaluer, « en coopération avec le demandeur », les éléments pertinents de la demande.
L’OFPRA devrait statuer sur la demande « en tenant compte de la situation prévalant dans le pays d’origine à la date de sa décision, de la situation personnelle et des déclarations du demandeur, des éléments de preuve et d’information qu’il a présentés ainsi que, le cas échéant, des activités qu’il a exercées depuis le départ de son pays d’origine et qui seraient susceptibles de l’exposer dans ce pays à des persécutions ou des atteintes graves ». Il devrait tenir compte également, le cas échéant, « du fait qu’il est raisonnable de considérer que le demandeur peut se prévaloir de la protection d’un autre pays dont il est en droit de revendiquer la nationalité ».
Par ailleurs, le fait que le demandeur a déjà fait l’objet de persécutions ou d’atteintes graves ou de menaces directes devrait à l’avenir constituer « un indice sérieux du caractère fondé des craintes du demandeur d’être persécuté ou du risque réel de subir des atteintes graves, sauf s’il existe de bonnes raisons de penser que ces persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas ».
Dans l’hypothèse où une partie de ses déclarations ne serait pas étayée par des éléments de preuve, il ne serait pas exigé du demandeur d’autres éléments de justification si :
→ d’une part, ayant présenté dès que possible – sauf motif légitime avéré – sa demande, il s’était « réellement efforcé de l’étayer en présentant tous les éléments à sa disposition et en expliquant de façon satisfaisante l’absence d’autres éléments probants » ;
→ d’autre part, la crédibilité générale du demandeur étant établie, ses déclarations étaient considérées comme « cohérentes et plausibles » et n’étaient pas contredites par des informations dont disposerait l’office.
Le projet de loi prévoit par ailleurs la possibilité pour l’OFPRA de demander à la personne qui sollicite l’asile de se soumettre à un examen médical, en précisant que les frais liés à cet examen sont couverts par l’assurance maladie dans les conditions de droit commun. Le fait que l’intéressé refuse de se soumettre à cet examen médical ne ferait pas obstacle à ce que l’office statue sur sa demande.
Transposant des dispositions de la directive « procédures » de 2013, le projet de loi propose de revoir les conditions de l’entretien personnel du demandeur d’asile. Il généralise ainsi largement l’obligation pour l’OFPRA de convoquer le demandeur à un entretien (ainsi que celle, pour l’intéressé, de s’y présenter effectivement et de répondre personnellement aux questions qui lui sont posées). Le texte prévoit toutefois que l’office puisse se dispenser de l’entretien s’il apparaît :
→ qu’il s’apprête à prendre une décision reconnaissant la qualité de réfugié à partir des éléments en sa possession ;
→ que des raisons médicales, durables et indépendantes de la volonté de l’intéressé, interdisent de procéder à l’entretien.
Il précise également noir sur blanc que l’absence sans motif légitime du demandeur, dûment convoqué à un entretien, ne fait pas obstacle à ce que l’office statue sur sa demande (en l’occurence, l’intéressé s’exposerait néanmoins à une décision de clôture d’examen, voir page 63).
Le texte clarifie par ailleurs les règles en ce qui concerne la langue utilisée. Ainsi, il spécifie que l’étranger doit être entendu dans la langue de son choix, « sauf s’il existe une autre langue qu’il comprend et dans laquelle il est à même de communiquer clairement ».
Autre nouveauté, présentée comme « une innovation majeure » : la possibilité pour le demandeur d’être assisté par un conseil. « Cette disposition, qui découle d’une obligation du droit européen, participe d’un souci d’amélioration de la transparence du processus de décision et de renforcement des droits de la personne », insiste le gouvernement dans l’exposé des motifs. Concrètement, le projet de loi prévoit ainsi que le demandeur peut se présenter à l’entretien « accompagné d’un avocat ou d’un représentant d’une association de défense des droits des étrangers ou des demandeurs d’asile ». « Au cours de l’entretien, l’avocat ou le représentant de l’association peut prendre des notes. A la fin de l’entretien, [il] peut, à sa demande, formuler des observations. » Précision importante : « l’absence d’un avocat ou d’un représentant d’une association n’empêche pas l’office de mener un entretien avec le demandeur ».
On notera encore que, conformément à la directive « procédures », le projet de loi prévoit la transcription de l’entretien et sa communication au demandeur d’asile. Renvoyant toutefois à un décret le soin d’en fixer les conditions.
Le projet de loi introduit dans le droit français des procédures nouvelles qui sont prévues par la directive « procédures » du 26 juin 2013 et concernent l’irrecevabilité, le retrait implicite d’une demande d’asile et le traitement des demandes de réexamen. Elles « permettront de traiter plus rapidement et plus efficacement certaines situations spécifiques qui ne justifient pas un examen au fond analogue à celui qui est diligenté de manière générale », explique le gouvernement dans l’étude d’impact du texte.
Le projet de loi autorise l’OFPRA à prendre une décision d’irrecevabilité « sans vérifier si les conditions d’octroi de l’asile sont réunies » lorsque le demandeur bénéficie de manière effective d’une protection internationale dans un autre Etat membre ou sous certaines conditions, dans un Etat tiers. Cette disposition « vise à un traitement rapide de demandes présumées abusives car présentées par des étrangers bénéficiant déjà d’une protection internationale »… tout en préservant les droits des personnes, explique l’exposé des motifs. Les cas d’application sont ainsi strictement définis par le texte :
→ lorsque le demandeur bénéficie d’une protection au titre de l’asile dans un Etat membre de l’Union européenne ;
→ lorsque le demandeur bénéficie du statut de réfugié et d’une protection effective dans un Etat tiers et y est effectivement réadmissible ;
→ en cas de demande de réexamen lorsque, à l’issue de l’examen préliminaire prévu par le projet de loi pour ce type de demande (voir page 64), il apparaît que cette demande ne repose sur aucun élément nouveau.
En outre, l’OFPRA conserverait toujours la faculté d’examiner la demande présentée par un étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection pour un autre motif.
Transposant deux dispositions de la directive « procédures », le projet de loi introduit deux nouveaux articles dans le Ceseda relatifs aux cas de retraits explicites ou implicites d’une demande d’asile. Présenté, là encore, comme une « innovation en droit français », le mécanisme vise à « apporter une réponse rapide et efficace à l’égard de certains demandeurs d’asile qui, de manière caractérisée, manquent à leur devoir de coopération avec les autorités auprès desquelles ils revendiquent une protection et les mettent dans l’impossibilité de statuer de manière éclairée », explique l’exposé des motifs.
L’OFPRA serait ainsi autorisé à prendre une décision de clôture d’examen dans quatre séries d’hypothèses, strictement définies :
→ le demandeur l’a informé du retrait de sa demande d’asile ;
→ « de manière délibérée et caractérisée », l’intéressé « refuse de fournir des informations essentielles au traitement de sa demande, en particulier concernant son identité » ;
→ le demandeur n’a pas introduit sa demande à l’office dans les délais impartis, ou, sans justifier de raison valable, ne s’est pas présenté à l’entretien à l’office ;
→ le demandeur a fui ou quitté sans autorisation le lieu où il était hébergé ou astreint à résider ou n’a pas respecté ses obligations de présentation et de communication aux autorités (« sauf s’il a informé lesdites autorités dans un délai raisonnable ou justifie de motifs indépendants de sa volonté »).
Plusieurs articles du projet de loi visent à clarifier le régime applicable aux demandes de réexamen en prenant appui à la fois sur les dispositions de la directive « procédures » et sur la jurisprudence française. « Tout en garantissant le droit à l’examen des demandes des personnes justifiant d’éléments nouveaux de nature à fonder une reconnaissance d’une protection », ces articles « apportent une réponse aux demandes de réexamen manifestement dilatoires et formées dans le seul but de prolonger le maintien en France en mettant en place une procédure de recevabilité devant l’OFPRA », explique le gouvernement dans l’exposé des motifs.
Le texte prévoit ainsi que, en cas de demande de réexamen, le demandeur doit indiquer par écrit les faits et produire « tout élément susceptible de justifier un nouvel examen de sa demande d’asile ». L’office devrait procéder à un examen préliminaire de ces faits ou éléments nouveaux, intervenus postérieurement à la décision définitive prise sur une demande antérieure ou dont il est avéré qu’il n’a pu avoir connaissance que postérieurement à cette décision. Au passage, il est précisé que, lors de cet examen préliminaire, l’office peut ne pas procéder à un entretien. Et que, s’il conclut à l’absence d’éléments nouveaux à la suite de cet examen, il peut prendre une décision d’irrecevabilité.
Autre nouveauté : il est prévu que, « sans préjudice des stipulations de la convention de Genève, le statut de réfugié peut être refusé à une personne qui a introduit une demande de réexamen si le risque de persécutions est fondé sur des circonstances que le demandeur a créées de son propre fait depuis son départ du pays d’origine ».
Les régimes juridiques applicables aux demandes d’asile présentées à la frontière ainsi que celles qui sont présentées en rétention sont consolidées dans le projet de loi pour être mises en pleine conformité avec les directives 2013/32/UE et 2013/33/UE du 26 juin 2013 et les exigences découlant de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme et de la Cour de justice de l’Union européenne.
Le projet de loi consolide, au sein du Ceseda, le régime de l’asile à la frontière, cette procédure particulière qui a pour objet d’autoriser ou non à pénétrer sur le territoire français les étrangers qui se présentent aux frontières aéroportuaires démunis des documents requis et sollicitent d’y être admis au titre de l’asile.
Le texte maintient tout d’abord le principe de la compétence du ministre chargé de l’immigration, « compte tenu de la nature particulière de l’asile à la frontière » précise l’exposé des motifs. Il prévoit par ailleurs, « en confirmant la pratique », que l’avis de l’OFPRA, s’il considère que la demande n’est pas manifestement infondée, lie le ministre dans sa décision d’admission.
Il maintient également le principe, tiré de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, selon lequel une demande d’entrée au titre de l’asile ne peut être refusée que si elle est manifestement infondée. Et prévoit, suivant les prescriptions de la directive « procédures », les cas dans lesquels une demande d’asile peut être examinée à la frontière et, par conséquent, le demandeur maintenu en zone d’attente, en renvoyant aux cas d’application de la procédure « accélérée » (voir page 60).
Il ajoute par ailleurs aux motifs de refus d’admission au titre de l’asile les cas d’application du règlement « Dublin » (voir page 66), ainsi que les irrecevabilités, comme le permet la directive « procédures ».
Enfin, il prévoit, conformément à la directive « accueil » et à la directive « procédures », des garanties particulières pour les personnes vulnérables et les mineurs.
Le projet de loi maintient le principe selon lequel, en cas de demande d’asile présentée en rétention, la demande doit être présentée dans un délai de 5 jours à compter de la notification des droits susceptibles d’être exercés en matière de demande d’asile. « Cette disposition est essentielle pour éviter des demandes d’asile tardives présentées en cours ou en fin de rétention pour faire échec à une mesure d’éloignement », explique le gouvernement dans l’étude d’impact du texte.
Aussi et surtout, le projet de loi supprime le caractère automatique du placement en rétention du demandeur d’asile et du classement en procédure accélérée de l’examen de sa demande, qui ont été condamnés par la Cour de justice de l’Union européenne et par la Cour européenne des droits de l’Homme. Ainsi, un demandeur d’asile ne devrait pouvoir être maintenu en rétention et sa demande d’asile placée en procédure accélérée que si l’autorité administrative estime, « sur le fondement de critères objectifs », que cette requête a été présentée « dans le seul but de faire échec à l’exécution de la décision d’éloignement ».
L’OFPRA aurait toujours la possibilité, au vu des circonstances de l’espèce, de reclasser en procédure normale. Le juge administratif, s’il est saisi en ce sens, pourrait contrôler l’appréciation faite du caractère dilatoire de la demande. Et, s’il estime que la demande d’asile n’avait pas pour objet de faire échec à une mesure d’éloignement, pourrait ordonner que l’intéressé soit autorisé à se maintenir en France jusqu’à la décision de la CNDA.
Ce dispositif, explique l’étude d’impact du projet de loi, « concilie le principe de la compétence de la CNDA comme juge de fond de toutes les décisions en matière d’asile et la nécessité d’assurer un traitement rapide compatible avec les délais très contraints de la rétention », délais dans lesquels il faut assurer :
→ l’examen par l’OFPRA (5 jours pour solliciter l’asile + 96 heures au minimum pour l’examen par l’office) ;
→ l’exercice du recours (48 heures) ;
→ le jugement (72 heures) ;
→ puis, le cas échéant, les formalités de départ, récupération des laissez-passer et du billet de transport (formalités ne pouvant être accomplies que postérieurement à la décision définitive de rejet).
Le chapitre 4 du projet de texte, qui porte sur l’accès à la procédure d’asile et l’accueil des demandeurs d’asile, comprend huit articles.
Premier objectif de la réforme : simplifier le parcours du demandeur d’asile et lui permettre d’accéder le plus rapidement possible à la procédure. Pour ce faire, l’idée est de créer un point unique d’enregistrement de sa demande et d’entrée dans la procédure d’asile (que la personne dispose ou non déjà d’un titre de séjour). Et permettre ainsi à la France de se conformer aux nouvelles obligations européennes en matière d’enregistrement de la demande d’asile, à savoir permettre l’enregistrement de la demande dans les 3 jours suivants sa présentation auprès de l’autorité administrative compétente.
Parallèlement, le projet de loi a également pour objet de simplifier le régime du droit au maintien sur le territoire et tend ainsi à rompre avec le dispositif actuel qui repose sur une distinction entre les demandeurs d’asile provisoirement admis au séjour et ceux qui ne le sont pas. Conformément à la directive « procédures », il confère à tous les demandeurs d’asile le droit au maintien sur le territoire. Ce droit serait accordé le temps de l’examen de la demande d’asile.
Enfin, le texte propose de consacrer une garantie nouvelle en prévoyant de manière générale le caractère suspensif du recours devant la CNDA, au bénéfice de l’ensemble des demandeurs d’asile, sans distinction selon la nature de la procédure d’examen dont leur demande a fait l’objet.
Le projet de loi met en place un dispositif qui se veut conforme à la directive « procédures », laquelle établit une distinction entre la présentation d’une demande d’asile, son enregistrement par une autorité compétente – dans les 3 jours – et l’introduction formelle de celle-ci devant « l’autorité responsable de la détermination ».
Le dispositif proposé préserve ainsi le partage des compétences entre l’autorité administrative chargée de l’enregistrement de la demande et de la mise en œuvre du règlement « Dublin » et l’OFPRA, exclusivement compétent pour statuer sur le fond de la demande à l’exclusion des demandes relevant d’un autre Etat en application du règlement « Dublin ».
En clair, il propose de créer un point d’entrée unique pour l’enregistrement de la demande : les services de l’autorité administrative. « Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l’asile se présente en personne à l’autorité administrative compétente qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l’Etat responsable », indique le texte. Au passage, il précise que l’intéressé « est tenu de coopérer avec l’autorité administrative compétente en vue d’établir son identité, sa ou ses nationalités, sa situation familiale, son parcours depuis son pays d’origine ainsi que, le cas échéant, ses demandes d’asile antérieures ».
Cet enregistrement devrait donner lieu à la délivrance d’une attestation de demande d’asile, permettant au demandeur de se maintenir sur le territoire. Elle devrait être délivrée aussi bien à ceux dont la demande d’asile relève de la France qu’à ceux qui sont placés sous procédure « Dublin ». Elle ne pourrait être refusée au motif que le demandeur d’asile est démuni des documents et visas exigés des étrangers pour entrer en France.
Pour une demande d’asile relevant de la compétence de la France, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ne devrait pouvoir être saisi qu’une fois la demande enregistrée auprès de l’autorité administrative compétente et l’attestation de demande d’asile remise à l’intéressé.
( A noter ) L’attestation ne pourrait toutefois être délivrée à l’étranger qui demande l’asile à la frontière ou en rétention.
Concernant le droit au maintien sur le territoire français des demandeurs d’asile, le projet de loi prévoit un dispositif qui rompt avec celui en place actuellement, fondé sur une distinction entre les demandeurs provisoirement admis au séjour et ceux qui ne le sont pas. Ainsi, conformément à la directive « procédures », il confère ce droit à tous les demandeurs d’asile, indépendamment de la procédure qui sera suivie concernant l’examen de leur demande par l’OFPRA (procédure normale ou accélérée).
Ce serait l’attestation de demande d’asile (voir ci-dessus) qui matérialiserait ce droit au maintien sur le territoire. « Dès lors que la demande a été introduite auprès de l’OFPRA », le document serait renouvelable jusqu’à ce que l’office statue « et, si un recours est formé devant la CNDA, jusqu’à ce que la cour statue ». Le caractère suspensif du recours devant la CNDA serait ainsi généralisé puisqu’il concernerait aussi des demandes d’asile examinées selon la procédure accélérée.
Le projet de loi prévoit toutefois plusieurs situations dans lesquelles l’attestation pourra être refusée, retirée ou son renouvellement refusé, entraînant pour le demandeur d’asile la perte de son droit de se maintenir sur le territoire et l’obligation de quitter le territoire :
→ l’Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris une décision d’irrecevabilité ;
→ l’OFPRA a pris une décision de clôture (voir page 63). Etant précisé que l’étranger qui obtiendrait la réouverture de son dossier bénéficierait à nouveau du droit de se maintenir sur le territoire français ;
→ l’étranger n’a introduit une première demande de réexamen, qui a fait l’objet par l’OFPRA d’une décision d’irrecevabilité, qu’en vue de faire échec à une mesure d’éloignement prononcée ou imminente ;
→ l’étranger présente une autre demande de réexamen après le rejet définitif d’une première demande de réexamen ;
→ l’étranger fait l’objet d’une extradition.
Ces cas ont été définis « en stricte conformité avec la directive “procédures” », indique l’exposé des motifs.
Consacré aux conditions d’accueil des demandeurs d’asile, l’article 15 du projet de loi prévoit l’accès à l’hébergement et à une nouvelle allocation pour les demandeurs d’asile (d’autres prestations, comme l’accès à la santé ou à l’éducation pour les enfants, étant prévues dans le cadre du droit commun régissant ces domaines). Il précise les conditions dans lesquelles s’effectue la prise en charge des demandeurs d’asile et instaure un dispositif reposant sur un double mécanisme : un schéma national des places d’hébergement incluant l’ensemble des dispositifs actuels, décliné par région, d’une part ; une orientation nationale et directive des demandeurs vers ces lieux d’hébergement, d’autre part, avec un retrait des conditions d’accueil en cas de refus par les demandeurs.
L’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) devrait être chargé de mettre en œuvre ce dispositif. Avant l’orientation vers un hébergement, il procèderait à un examen des causes de vulnérabilité du demandeur d’asile pouvant avoir une incidence sur la localisation et l’environnement du futur hébergement. L’allocation pour demandeur d’asile devrait prendre en compte les ressources du demandeur d’asile, sa situation familiale, son mode d’hébergement et les prestations qui y sont offertes.
Le texte gouvernemental propose en premier lieu d’inscrire dans la loi que l’OFII doit proposer les conditions matérielles d’accueil des demandeurs d’asile au sens de la directive « accueil » après l’enregistrement de leur demande de protection par l’autorité administrative compétente. « Ces conditions matérielles constituent une offre globale de prise en charge qui couvre, conformément aux obligations de la directive “accueil”, le logement, la nourriture, l’habillement et une allocation de subsistance », indique l’exposé des motifs.
Le projet de loi instaure aussi un schéma national d’hébergement des demandeurs d’asile qui fixe la répartition des places d’hébergement. Arrêté par le ministre chargé de l’asile après avis du ministre chargé du logement, il devrait être décliné dans chaque région par un schéma régional établi par le préfet de région.
Selon le texte, les décisions d’admission dans un lieu d’hébergement pour demandeurs d’asile, de sortie de ce lieu et de changement de lieu seront prises par l’OFII sur la base du schéma national. Le préfet pourra s’opposer à une admission pour des raisons d’ordre public. Dans ce cas, l’office sera tenu de prendre une nouvelle décision d’admission. L’OFII devra par ailleurs s’assurer de la présence dans les centres des personnes qui y ont été orientées pour la durée de la procédure.
Au passage, le projet de loi indique noir sur blanc que sont des lieux d’hébergement pour demandeurs d’asile :
→ les centres d’accueil pour demandeurs d’asile (mentionnés à l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles) ;
→ toute structure bénéficiant de financements du ministère en charge de l’asile pour l’accueil de demandeurs d’asile et soumise à déclaration (article L. 322-1 du code de l’action sociale et des familles).
Le texte charge également l’OFII de la coordination des lieux d’hébergement au moyen notamment d’un fichier informatique en lien avec les lieux d’hébergement. Il est plus précisément fait référence à un « traitement automatisé de données relatives aux capacités des lieux d’hébergement, à l’utilisation de ces capacités et aux demandeurs d’asile qui y sont accueillis ». « Les personnes morales chargées de la gestion des lieux d’hébergement », indique le projet de loi, seront « tenues de déclarer », dans le cadre de ce fichier, les places disponibles dans les lieux d’hébergement à l’office. Elles seront également « tenues d’alerter l’autorité administrative compétente en cas d’absence injustifiée et prolongée des personnes qui y ont été orientées pour la durée de la procédure ».
Au passage, le projet de loi prévoit aussi le délai pendant lequel le demandeur d’asile bénéficie des conditions d’accueil. Elles lui seront ainsi ouvertes pendant toute la durée de son séjour en France, jusqu’à la date de son transfert dans un autre Etat membre de l’Union européenne s’il s’agit d’un demandeur d’asile relevant de la procédure « Dublin », ou jusqu’à l’expiration du délai de recours contre la décision de l’OFPRA ou de la CNDA pour les autres demandeurs d’asile. Les personnes s’étant vu reconnaître la qualité de réfugié ou accorder le bénéfice de la protection subsidiaire et les personnes ayant fait l’objet d’une décision de rejet définitive pourraient toutefois être maintenues dans un lieu d’hébergement à titre exceptionnel et temporaire dans des conditions déterminées par un décret.
Lorsque, après une décision de rejet définitive, le délai de maintien dans un lieu d’hébergement prend fin, l’autorité administrative compétente pourrait, après mise en demeure restée infructueuse, demander en justice qu’il soit enjoint à l’occupant sans titre d’évacuer ce lieu. La demande devrait être portée devant le président du tribunal administratif, dont l’ordonnance serait immédiatement exécutoire. Aucune condition d’urgence ne devrait être requise. Le président du tribunal administratif pourrait prononcer, même d’office, une astreinte pour l’exécution de son ordonnance.
Pour mieux répartir les demandeurs d’asile sur le territoire, le projet de loi prévoit une orientation plus directive vers les centres où des places sont disponibles. En premier lieu, il donne la possibilité à l’autorité administrative de subordonner le bénéfice des conditions matérielles d’accueil à l’acceptation par le demandeur d’asile de l’hébergement proposé, déterminé après examen de ses besoins et des capacités d’hébergement disponibles. Ceux qui refuseraient le lieu d’hébergement qui leur est proposé ne pourraient bénéficier d’un hébergement de droit commun (sauf à être en situation de détresse médicale, psychique ou sociale).
Le texte renvoie en outre à un décret le soin de fixer les conditions dans lesquelles l’absence du lieu d’hébergement pourrait être subordonnée à une autorisation de l’autorité administrative.
Le projet de loi définit par ailleurs les cas de suspension ou de limitation de l’accès au bénéfice de la prise en charge du fait du demandeur d’asile ainsi que les modalités de leur mise en œuvre. L’autorité administrative pourrait ainsi limiter ou suspendre le bénéfice des conditions matérielles d’accueil si le demandeur d’asile :
→ a abandonné sans autorisation, alors que cette dernière était requise, le lieu d’hébergement qui lui avait été proposé et qu’il avait accepté ;
→ n’a pas respecté l’obligation de se présenter aux autorités, n’a pas répondu aux demandes d’information ou ne s’est pas rendu aux entretiens personnels concernant la procédure d’asile ;
→ a dissimulé ses ressources financières ou a fourni des informations mensongères relatives à sa situation familiale ;
→ a présenté une demande de réexamen de sa demande d’asile ;
→ sans motif légitime, n’a pas sollicité l’asile dès qu’il était en mesure de le faire après son entrée en France.
Dans les deux premiers cas, l’autorité administrative devrait statuer sur le rétablissement éventuel du bénéfice des conditions matérielles d’accueil si le demandeur d’asile est retrouvé ou se présente volontairement aux autorités compétentes. La décision serait, en tout état de cause, prise après que l’intéressé ait été en mesure de présenter ses observations écrites dans les délais impartis.
Le projet de loi crée une « allocation pour demandeur d’asile » (ADA), réservée à ceux qui ont accepté l’offre globale de prise en charge – notamment son volet hébergement – et satisfaisant à des critères d’âge et de ressources.
Cette allocation devrait être versée par l’OFII selon un barème qui tiendrait compte des ressources du demandeur d’asile mais aussi de sa situation familiale, de son mode d’hébergement et, le cas échéant, des prestations offertes par son lieu d’hébergement, suivant des modalités fixées par décret. Ce décret devrait également prévoir qu’une retenue peut être effectuée à chaque versement, « aux fins de constituer une caution dont le montant est restitué à la sortie du centre, déduit le cas échéant des sommes dues par son bénéficiaire au titre de son hébergement ».
Incessible et insaisissable, l’allocation devrait être versée dans l’attente de la décision définitive accordant ou refusant au demandeur une protection au titre de l’asile ou jusqu’à son transfert effectif vers un autre Etat membre si sa demande d’asile relève de la compétence de cet Etat. Le versement de l’allocation prendrait fin, plus précisément, au terme du mois qui suit celui de la notification de la décision définitive concernant cette demande.
Selon le projet de loi, son montant sera révisé, le cas échéant, une fois par an, en fonction de l’évolution des prix hors tabac.
Le chapitre 5 du projet de loi s’attache au contenu de la protection internationale. Autrement dit aux droits des personnes auxquelles a été reconnue cette protection. Il s’agit, en l’occurrence, de renforcer ces droits conformément à la directive « qualification » et dans l’objectif de faciliter l’intégration en France, explique l’exposé des motifs.
Le projet de loi prévoit en premier lieu de renouveler pour une durée de 2 ans (contre 1 an actuellement) la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » délivrée au bénéficiaire de la protection subsidiaire et aux membres de sa famille (conjoint et enfants).
Il propose par ailleurs d’élargir le bénéfice de cette carte aux parents d’un mineur non marié ayant obtenu la protection subsidiaire.
Suivant une logique similaire, une carte de résident devrait à l’avenir être délivrée de plein droit aux ascendants directs au premier degré d’un mineur étranger non marié ayant obtenu le statut de réfugié.
Au passage, on signalera que le gouvernement propose de permettre le retrait de la carte de séjour délivrée à un bénéficiaire de la protection internationale (statut de réfugié ou protection subsidiaire) en cas de cessation ou de renonciation de protection. Cette possibilité ne serait toutefois ouverte que pendant les 5 années suivant la première délivrance du titre de séjour.
Le projet de loi fait préciser noir sur blanc dans le Ceseda que tant les bénéficiaires du statut de réfugié que ceux de la protection subsidiaire bénéficient d’un accompagnement personnalisé pour l’accès à l’emploi et au logement lorsqu’ils se sont engagés dans le parcours d’accueil visé à l’article L. 311-9 du Ceseda. Actuellement, seuls les réfugiés sont visés expressément dans le code.
Le texte propose par ailleurs d’affirmer le principe selon lequel la situation de vulnérabilité, qu’elle soit liée à la minorité ou à une situation particulière, doit être prise en compte dans la mise en œuvre des droits accordés aux bénéficiaires d’une protection.
Le projet de loi consacre, à travers un nouvel article du Ceseda, le droit à la réunification familiale des réfugiés et des bénéficiaires de la protection subsidiaire. La disposition confirme ainsi le principe du droit pour les intéressés à faire venir les membres de leur famille se trouvant dans leur pays d’origine, sans que leur soient opposées les conditions de durée de séjour préalable, de logement et de ressources, normalement exigibles des autres étrangers sollicitant le droit au regroupement familial. « Ce principe se justifie par le souci, pour des raisons humanitaires et de protection, de permettre la reconstitution de la cellule familiale du réfugié le plus rapidement possible », indique l’exposé des motifs.
Les membres de la famille visés sont plus précisément :
→ le conjoint, si ce dernier est âgé d’au moins 18 ans et si le mariage est antérieur à la date de l’obtention de la protection internationale ;
→ les enfants du couple âgés au plus de 19 ans.
Dans le cas où le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire serait un mineur non marié, ses ascendants directs au premier degré pourraient également se prévaloir de ce droit.
Toutes ces personnes devraient solliciter, pour entrer en France, un visa d’entrée pour un séjour d’une durée supérieure à 3 mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, à charge pour ces dernières de statuer sur cette demande « dans les meilleurs délais ».
La réunification familiale ne pourrait être refusée que si le demandeur ne se conformait pas aux principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France. Pourrait par ailleurs être exclu de la réunification familiale un membre de la famille dont la présence en France constituerait une menace pour l’ordre public.
Toujours en matière de réunification familiale, le projet de loi propose d’instaurer de nouvelles règles relatives à la recherche de membres de famille d’un mineur isolé bénéficiaire d’une protection au titre de l’asile. Objectif affiché : garantir l’intérêt supérieur de l’enfant.
Il prévoit ainsi que, lorsqu’une protection au titre de l’asile est octroyée à un mineur non accompagné, des mesures doivent être prises dès que possible pour assurer sa représentation légale. « Dans toutes les décisions le concernant, notamment en matière de placement et de recherche des membres de sa famille, il est tenu compte de son intérêt supérieur, de ses besoins particuliers ainsi que de son avis, en fonction de son âge et de sa maturité », indique le texte, qui demande également à ce qu’il soit procédé dès que possible à une recherche des membres de sa famille. « Dans le cas où la vie ou l’intégrité physique du mineur ou de ses parents proches restés dans le pays d’origine serait menacée, cette recherche est menée de manière confidentielle », ajoute le nouvel article.