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Droit des étrangers en France : les principaux points du projet de loi présenté à la fin juillet

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Parallèlement au projet de loi relatif à la réforme de l’asile (voir ce numéro, pages 15 et 57), lui aussi préparé en grande partie par son prédécesseur Place Beauvau, le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, a présenté le 23 juillet dernier, en conseil des ministres, le projet de loi relatif au droit des étrangers en France. Au menu, notamment : des dispositions visant à améliorer l’accueil et l’intégration des étrangers régulièrement admis au séjour, mais aussi à lutter plus efficacement contre l’immigration irrégulière. Tour d’horizon des points-clés (sur les réactions associatives, voir ce numéro, page 15).

Un nouveau parcours d’intégration pour les primo-arrivants

Le gouvernement avait révélé ses intentions dans la feuille de route « pour l’égalité républicaine et l’intégration » dévoilée en février dernier (1) et le projet de loi les met aujourd’hui en musique : un nouveau parcours d’intégration, marqué par un renforcement du niveau de langue requis et une redéfinition des prestations servies par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), devrait être proposé à l’étranger primo-arrivant.

L’intéressé devrait ainsi pouvoir s’informer dès le pays d’origine sur la vie en France à partir des éléments mis à sa disposition par l’Etat. Aussi et surtout, il devrait conclure avec l’Etat un nouveau type de contrat personnalisé fixant un parcours d’accueil et d’intégration incluant une « formation civique sur les valeurs et institutions de la République, les droits et devoirs liés à la vie en France et la connaissance de la société française », une formation linguistique en tant que de besoin et une orientation vers les services de droit commun. L’objectif fixé par la feuille de route est, on s’en souvient, d’accompagner chaque nouvel arrivant dans un parcours de formation linguistique « aboutissant à un niveau A1 sanctionné par un diplôme de langue française au terme de la première année, et à un niveau A2 sanctionné par un diplôme correspondant à un très bon niveau de compétences, au terme de cinq années ». L’article 2 du projet de loi, relatif à la carte de résident, instaure à cet égard, pour la délivrance de la carte, une condition de connaissance suffisante de la langue française, renvoyant à un décret le soin d’en définir le niveau. Etant entendu que le niveau visé est bien le niveau A2 du cadre européen de référence pour les langues, confirme l’exposé des motifs.

Un titre de séjour pluriannuel accordé après un an de séjour régulier

Parallèlement – et c’était une promesse du président de la République –, le projet de loi propose de généraliser le titre de séjour pluriannuel pour l’ensemble des étrangers, après un an de séjour régulier en France, c’est-à-dire sous couvert d’un visa de long séjour valant titre de séjour ou d’une carte de séjour temporaire (2). « Cela permettra d’éviter les multiples passages en préfecture, vécus comme une contrainte et préjudiciables à l’intégration », explique l’exposé des motifs.

La première délivrance de la carte devrait être subordonnée à une double condition. En premier lieu, l’étranger devrait justifier de son assiduité aux formations prescrites dans le cadre du contrat personnalisé (formations linguistiques et civiques, donc) et ne pas manifester son rejet des valeurs de la République. En second lieu, il devrait aussi continuer de remplir les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire dont il était précédemment titulaire (il est prévu, du reste, que la carte pluriannuelle porte la même mention).

Le projet de loi prévoit que le titre pluriannuel aura une durée maximale de quatre ans, à l’exception de certaines situations spécifiques, comme la durée des cycles d’études pour les étudiants ou l’adéquation avec le suivi des soins médicaux en ce qui concerne la carte « étranger malade ». Une exception est également prévue pour les parents d’enfants français et les étrangers ayant des liens personnels et familiaux avec la France, avec une durée fixée à deux ans.

Le titre pluriannuel devrait être renouvelable à la demande de l’étranger, sous réserve qu’il continue de remplir les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire. L’étranger qui solliciterait la délivrance ou le renouvellement d’une carte de séjour pluriannuelle pour un autre motif que celui sur lequel est fondée la carte de séjour dont il est titulaire bénéficierait d’une carte de séjour temporaire de un an. Il pourrait ensuite prétendre à une carte de séjour pluriannuelle, s’il continue de remplir les conditions de délivrance de cette carte de séjour.

Ce titre de séjour valable plus longtemps n’exonérera pas son titulaire des obligations qui lui incombent, résume l’exposé des motifs. Il devra continuer à justifier qu’il remplit les conditions pour en bénéficier et, prévient-il, la préfecture pourra le convoquer pour un examen approfondi de sa situation. Tout manquement aux règles pourra être sanctionné par un retrait du titre de séjour.

Le droit au séjour des étrangers malades

La disposition est présentée comme étant plus protectrice à l’égard des étrangers malades : le projet de loi propose de modifier l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda), qui concerne la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » délivrée à cette catégorie de personne. Selon la formulation proposée, il s’agirait plus précisément des étrangers résidant habituellement en France dont l’état de santé « nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour eux des conséquences d’une exceptionnelle gravité » et qui – la précision est nouvelle – ne pourraient pas bénéficier effectivement d’un traitement approprié dans leur pays d’origine « eu égard à l’offre de soins et aux caractéristiques du système de santé » dudit pays. Il serait autrement dit écrit noir sur blanc dans la loi que les médecins doivent s’appuyer sur l’offre de soins ainsi que sur les caractéristiques du système de santé dans le pays dont l’intéressé est originaire pour déterminer si ce dernier peut ou non y bénéficier effectivement d’un traitement approprié.

Le projet de loi prévoit, par ailleurs, une refonte procédurale afin, explique l’exposé des motifs, de garantir l’homogénéité des décisions prises sur l’ensemble du territoire national. Il propose ainsi que la décision du préfet soit à l’avenir fondée sur un avis d’un collège de médecins du service médical de l’OFII en lieu et place de l’avis de l’agence régionale de santé. A charge pour l’office d’accomplir cette mission « dans le respect des orientations générales fixées par le ministre de la Santé ». En outre, chaque année, un rapport devrait présenter au Parlement l’activité du service médical de l’OFII et les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre.

Un droit d’accès pour les journalistes dans les centres de rétention

Autre disposition notable : le projet de loi propose de poser dans le Ceseda le principe de l’accès des journalistes aux zones d’attente et aux lieux de rétention. Il reviendrait à un décret de définir « les conditions dans lesquelles les modalités d’accès se concilient avec le respect de la dignité des personnes et les exigences de sécurité et de fonctionnement » de la zone d’attente ou du lieu de rétention, ainsi que la procédure d’autorisation et les motifs de refus de celle-ci. L’autorité administrative compétente n’autoriserait la prise d’images des étrangers, des personnels et des intervenants dans les zones d’attente ou les lieux de rétention qu’avec leur accord préalable, précise encore le projet de loi. Et les prises d’images se dérouleraient dans le respect de l’anonymat patronymique et physique des mineurs.

De nouveaux outils en matière de lutte contre l’immigration clandestine

Un pan entier du projet de loi est consacré aux mesures d’éloignement applicables aux étrangers en situation irrégulière. « La sécurité des procédures suppose une loi précise, exempte d’ambiguïté, particulièrement au regard des exigences européennes, sur les conditions d’application de l’obligation de quitter le territoire français (OQTF) et l’interdiction de retour », explique l’exposé des motifs. Entre autres mesures et en conformité avec la directive « retour » (3), le texte prévoit que le délai de départ volontaire accordé à l’étranger visé par une OQTF peut faire l’objet d’une prolongation par l’autorité administrative « pour une durée appropriée, s’il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas ».

Les dispositions relatives à l’interdiction de retour devraient également être modifiées. La directive « retour » pose en effet le principe d’une telle mesure lorsque le ressortissant d’un pays tiers est obligé de quitter sans délai le territoire national ou lorsque le délai qui lui a été imparti n’a pas été respecté. Cela devrait à l’avenir être prévu explicitement dans la loi. « Des circonstances humanitaires [pourraient] toutefois justifier que l’autorité administrative ne prenne pas d’interdiction de retour dans des cas particuliers », précise encore le projet de loi. La durée de l’interdiction ne devrait pas pouvoir excéder deux ou trois ans selon les cas. Cette mesure ne concernerait pas les ressortissants communautaires. Ces derniers devraient pouvoir, toutefois, faire l’objet d’une interdiction temporaire de circulation sur le territoire français d’une durée maximale de trois ans en cas d’abus de leur droit de circulation ou de comportement menaçant l’ordre public.

Enfin, le projet de loi réorganise le cadre juridique de la rétention et de l’assignation à résidence, notamment pour affirmer plus clairement la priorité à la mesure moins coercitive d’assignation à résidence sur le placement en rétention. On notera également que le texte ouvre la possibilité pour l’autorité administrative de solliciter du juge des libertés et de la détention l’autorisation de requérir les forces de l’ordre aux fins d’intervention au domicile des personnes qui, assignées à résidence, utilisent l’inviolabilité du domicile pour faire obstacle à l’exécution de la mesure d’éloignement dont ils font l’objet.

Notes

(1) Voir ASH n° 2847 du 14-02-14, p. 5.

(2) Le projet de loi prévoit toutefois des exceptions à ce principe en excluant, en raison de la spécificité de leur titre, les titulaires des cartes de séjour temporaires portant les mentions « visiteur », « stagiaire », « travailleur temporaire » et, pour les victimes de la traite des êtres humains, « vie privée et familiale ».

(3) Directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.

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