Le Conseil constitutionnel a validé, le 6 août, la loi de finances rectificative pour 2014. Un texte qui apporte les premières traductions du pacte de responsabilité et de solidarité(1) et du plan d’économies de 50 milliards d’euros voulu par l’Elysée(2), en dégageant des économies nouvelles – annulation de crédits budgétaires – mais aussi en prévoyant une réduction exceptionnelle d’impôt sur le revenu en faveur des ménages modestes. Le gouvernement en a également profité pour finaliser la réforme de la taxe d’apprentissage.
Adopté par le Parlement le 23 juillet dernier, le collectif budgétaire a connu un parcours mouvementé, marqué par l’obstruction du Sénat – qui a rejeté le texte par deux fois – et d’importantes modifications. Le report à 2015 de la revalorisation de l’aide personnalisée au logement et de l’allocation de logement sociale, proposé initialement dans le projet de loi, a ainsi été finalement abandonné(3). Les aides personnelles au logement seront donc bel et bien revalorisées le 1er octobre prochain, en fonction de l’indice de référence des loyers. Autres nouveautés à signaler : des dispositions visant à clarifier le champ des associations et fondations de l’économie sociale et solidaire bénéficiant d’une exonération de la taxe dite « versement transport » ainsi qu’une série de modifications des règles encadrant le bénéfice de l’allocation temporaire d’attente (ATA).
Afin d’alléger la pression fiscale pesant sur les ménages modestes en 2014, le collectif budgétaire instaure une réduction d’impôt exceptionnelle qui s’appliquera à l’imposition des revenus de 2013. Elle entrera ainsi en vigueur dès septembre prochain. Elle sera automatiquement accordée aux contribuables concernés – qui n’auront donc aucune démarche particulière à effectuer pour en bénéficier – et sera prise en compte sur les avis d’imposition envoyés aux intéressés. Elle sera sans incidence sur le droit à la prime pour l’emploi du foyer fiscal.
La réduction d’impôt s’élèvera au maximum à 350 € pour une personne seule (célibataire, divorcée ou veuve) et à 700 € pour un couple (marié ou pacsé). Son montant variera en fonction du revenu fiscal de référence et du nombre de parts indiqué sur l’avis d’impôt. Ainsi, pour en bénéficier à taux plein, le montant du revenu fiscal de référence devra être inférieur à 13 795 € pour une personne seule (ce qui correspond au montant imposable d’un salaire égal à 1,1 fois le SMIC annuel en 2013) et à 27 590 € pour un couple (soit un revenu imposable de 2,2 fois le SMIC). Afin d’éviter les effets de seuil, les contribuables dont le montant du revenu fiscal de référence est légèrement supérieur à ces plafonds profiteront d’un avantage dégressif. A partir de 13 795 € pour une personne seule et de 27 590 € pour un couple, la réduction d’impôt diminuera ainsi en fonction du montant du revenu fiscal de référence et ne s’appliquera plus lorsque celui-ci est supérieur à 14 144 € pour une personne seule et à 28 289 € pour un couple. Toutes ces limites seront majorées de 3 536 € pour chaque demi-part supplémentaire, afin de tenir compte des charges familiales du foyer.
Le ministre du Travail, François Rebsamen, a indiqué le 20 août, sur I-télé, que la mesure va permettre de réduire ou de supprimer l’imposition de 4millions de foyers fiscaux, contre 3millions prévus initialement.
A noter : la loi de finances rectificative prolonge de un an l’exonération de taxe d’habitation et de contribution à l’audiovisuel public en faveur des personnes âgées de plus de 60 ans, ou veuves, de condition modeste qui en bénéficiaient en 2013.
Une disposition, introduite en cours de lecture, a provoqué la colère des grandes organisations représentant les associations gestionnaires du secteur sanitaire, social et médico-social : l’article 17 de la loi, à travers lequel le gouvernement a voulu opérer une clarification du champ des associations et fondations de l’économie sociale et solidaire (ESS) bénéficiant d’une exonération du « versement transport »… et qui, selon ses détracteurs, exclut largement les acteurs du secteur social, sanitaire et médico-social (voir ce numéro, page 20).
La taxe dite « versement transport » permet de financer les transports en commun d’une région, d’une commune ou d’une communauté de communes. Elle est recouvrée par l’Urssaf pour le compte des autorités organisatrices des transports. Ces dernières peuvent librement décider de la mise en place de cette taxe sur leur territoire. Jusqu’à présent, pour qu’une association puisse être exonérée du versement transport, elle devait remplir trois conditions cumulatives :
→ être une fondation ou une association à but non lucratif ;
→ être reconnue d’utilité publique ;
→ avoir une activité ayant un caractère social, critère critiqué car jugé trop flou.
La question d’une révision du périmètre de l’exonération a, dans un premier temps, été abordée dans le cadre du projet de loi relatif à l’ESS. Les parlementaires avaient ainsi décidé, en première lecture, d’élargir ce périmètre à toutes les structures obtenant l’agrément d’entreprise solidaire d’utilité sociale prévu par ce texte. Mais la disposition a été abandonnée en cours de route et le sujet est revenu en discussion au cours de l’examen du collectif budgétaire 2014. La solution qui a été choisie en définitive est nettement plus restrictive que celle qui a été envisagée dans le cadre du projet de loi sur l’ESS.
La loi de finances rectificative prévoit en effet une exonération de droit pour les fondations et associations reconnues d’utilité publique à but non lucratif dont l’activité principale « a pour objectif soit d’apporter un soutien à des personnes en situation de fragilité, du fait de leur situation économique ou sociale, du fait de leur situation personnelle et particulièrement de leur état de santé ou du fait de leurs besoins en matière d’accompagnement social ou médico-social, soit de contribuer à l’éducation à la citoyenneté et à la lutte contre les inégalités sociales par l’éducation populaire ». De surcroît, l’activité principale doit satisfaire au moins à l’une des trois conditions suivantes :
→ soit les prestations sont assurées à titre gratuit ou contre une participation des bénéficiaires sans rapport avec le coût du service rendu ;
→ soit l’équilibre financier de l’activité est assuré au moyen d’une ou plusieurs subventions ;
→ soit celle-ci est exercée de manière prépondérante par des bénévoles et des volontaires.
Les associations reconnues d’utilité publique à but non lucratif « dont l’activité principale consiste à coordonner, soutenir ou développer des fondations et associations » qui entrent dans le champ de l’exonération précédente sont également exonérées de plein droit.
Au-delà, le texte ouvre la faculté aux autorités organisatrices de transport de décider de deux exonérations complémentaires, au champ plus large, au bénéfice :
→ des fondations et associations reconnues d’utilité publique à but non lucratif dont l’activité principale a pour objectif de contribuer à la lutte contre les exclusions et les inégalités sanitaires, sociales, économiques et culturelles, à l’éducation à la citoyenneté, à la préservation et au développement du lien social ou au maintien et au renforcement de la cohésion territoriale ;
→ des associations à but non lucratif directement affiliées à une association reconnue d’utilité publique lorsque leur activité principale poursuit les objectifs visés ci-dessus ou dans le cadre de l’exonération de droit.
Dans les deux cas, les fondations et associations doivent également satisfaire à l’une au moins des trois conditions précédemment énumérées.
La loi modifie les règles encadrant le bénéfice de l’allocation temporaire d’attente (ATA), de manière à assurer la conformité du droit national à certaines dispositions de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale (dite directive « accueil »). Elle tire ainsi les conséquences des jurisprudences de la Cour de justice de l’Union européenne et du Conseil d’Etat selon lesquelles peuvent bénéficier de l’ATA non seulement les demandeurs d’asile dans l’attente de l’examen de leur demande, mais également ceux dont la demande relève de la compétence d’un autre Etat (en application de la procédure dite « Dublin ») et ceux qui sont placés en procédure prioritaire. Le texte consacre par ailleurs le droit des personnes faisant l’objet d’une procédure « Dublin » de se maintenir en France jusqu’à leur départ volontaire ou leur transfert effectif à destination de l’Etat responsable de l’examen de leur demande d’asile. Enfin, il précise les situations permettant de remettre en cause le versement de cette allocation, notamment dans le cas où le demandeur d’asile ne coopère pas avec les autorités ou dissimule ses ressources. Ce versement pourra également être interrompu à la suite d’une demande de réexamen de la situation du demandeur intervenant après le rejet définitif de sa première demande.
Dans un tout autre domaine, le gouvernement a profité de ce collectif budgétaire pour finaliser la réforme de la taxe d’apprentissage qui était contenue à l’origine en intégralité dans la loi de finances rectificative pour 2013 du 29 décembre 2013. Cette réforme, rappelons-le, a notamment déjà fusionné la taxe d’apprentissage avec la contribution au développement de l’apprentissage en un prélèvement unique sur les entreprises, qui reste intitulé « taxe d’apprentissage ». Elle avait également prévu de nouvelles règles d’affectation du produit de la taxe, mais celles-ci ont été invalidées par le Conseil constitutionnel pour des motifs de forme(4). Certaines ont été réintégrées dans la loi « formation » du 5 mars 2014(5). D’autres le sont dans la loi de finances rectificative pour 2014. Celle-ci prévoit notamment de créer une fraction régionale de la taxe égale à 51 % des sommes collectées et destinée à favoriser le développement de l’apprentissage ainsi qu’une fraction dénommée « quota » égale à 26 %, attribuée aux personnes morales gestionnaires des centres de formation d’apprentis et des sections d’apprentissage au titre de ces centres et sections.
(3) Une disposition similaire était prévue pour l’allocation de logement familiale dans le cadre du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 et a été, de la même façon, abandonnée – Voir ce numéro, p. 42.